Parlons cul un peu sérieusement… (+ Héritages 41)

Salut tout le monde 🙂 !

Alors ce soir, j’avais envie de lancer un petit débat un peu sérieux. Voyez-vous, il y a une question qui me turlupine déjà depuis un moment et j’aimerais vraiment qu’on en cause, sérieusement, entre grandes personnes et tous bords et genres confondus.

Je lis et j’écris maintenant des romances MM/Yaoi/Boy’s Love depuis fort longtemps. J’ai commencé à en écrire à une époque où y avait pas Internet, où je savais pas que ce genre avait un nom et où il en avait peut-être pas encore vraiment. Je me suis mise aux romans il y a assez peu de temps, après avoir surtout lu des mangas pendant des années.

Ce genre est, comme vous le savez, très friand de scènes de sexe explicites. A un point en fait qui, parfois, me chiffonne un peu, et c’est de ça que je voulais vous causer.

Alors avant toutes choses, que les choses soient dites : je n’ai rien contre le fait qu’il y ait du sexe explicite dans une œuvre, quelle qu’elle soit. Je lis ces scènes et j’en ai beaucoup écrit. Je n’ai rien contre rien, en fait, tout court. Pour moi, c’est très simple : à partir du moment où on s’adresse à un public adulte, on est libre de lui montrer tout ce qu’on a envie. Je suis contre toute forme de censure, car pour moi, un adulte peut tout recevoir, même des messages violents ou choquants, ou s’il ne le peut pas, il est assez grand pour éteindre sa télé/refermer son bouquin et n’importe quoi. Je range dans ce cas précis le sexe avec tout contenu “mature”, violence ou discours haineux, racistes ou autres, dans le sens où il est plus important d’en parler, de s’interroger dessus, de les discuter, et que les cacher et les interdire ne sert à rien, dans le sens où c’est pas comme ça qu’on avance. 

Ceci étant posé et pour revenir à nos moutons électriques, comme disait le capitaine, ce qui découle de ça est que je n’ai, en théorie, rien contre le fait de montrer et/ou décrire des sexes de cul dans les Yaoi/MM. Mais ce qui m’interroge depuis longtemps et que je voulais donc discuter avec vous, c’était de la pertinence narrative de certaines de ces scènes et de ce qu’elles impliquent en terme de diffusion d’une œuvre.

Je vais vous expliquer ça à partir de quatre exemples, quatre mangas, parce que ça me permettra d’illustrer la news et que ça sera plus clair. 

Prenons le yaoi le plus trash en la matière que je connaisse : Twittering Bird never fly.

Yoneda Kou nous offre avec ce manga une œuvre très complexe et très violente tout court. Nous sommes dans un univers de mafia qui se veut réaliste. C’est violent, c’est sanglant, c’est glauque et au milieu de ça, nous avons un personnage que je trouve toujours aussi magnifiquement écrit qu’il est magnifique tout court, notre ami Yashiro.

Pour les gens qui ne connaissent pas, je ne vais pas trop spoiler. Cette histoire vaut vraiment d’être lue. Disons donc simplement que Yashiro est un responsable mafieux compétent, à un poste important, et qui a pour principal trait d’être un pervers masochiste dépravé, bisexuel qui se fait régulièrement passer dessus par à peu près tout ce qui passe et qui a une bite. Et non, j’exagère pas. Rien ne nous est épargné sur ses mœurs et leurs causes : Yashiro a été victime de viols lorsqu’il était enfant et est devenu un véritable sex-addict, seul moyen qu’il a trouvé pour survivre. Ce personnage est très intelligent, parfaitement conscient de ce qu’il est et l’assume totalement, ce qui, dans son milieu, n’est pas sans lui porter préjudices, vous devez vous en douter.

Décor posé. Là où je veux en venir avec cet exemple, c’est que dans ce manga, toute la violence, tout le sexe explicite servent le récit. Nous sommes dans un monde ultra-violent avec un héros totalement cinglé, complètement ravagé, et il est intéressant de le montrer. Que ça soit les bagarres ou agressions entre gangs ou les moment où Yashiro se fait sauter, tout concourt à l’unité narrative de l’œuvre, à sa construction, à son ambiance bref, comme dit plus haut, tout sert le récit. Tout l’intérêt est de raconter ce qui va advenir de ce personnage pris entre une histoire totalement improbable avec un de ces hommes et une guerre de succession des plus violentes. Tout l’intérêt des scènes de sexe est de faire écho à autre chose au fil du récit. Et je peux vous dire que cette histoire est réellement menée de main de maître et vous imaginez pas à quel point que je prie pour que ça dure jusqu’au bout. 

Bref, dans cet exemple, pas de souci à montrer du sexe explicite et même violent, nous sommes dans un œuvre mature et ça sert le récit.

Deuxième exemple, on reste chez les yakuza, mais on part dans ce qui est bien plus pour moi du bon gros fanservice, Viewfinder.

Alors, je vous en ai parlé il y a quelques semainesViewfinder est une série que j’aime bien. Mais soyons sérieux cinq minutes, la quasi totalité des sexes de cul de ce manga sont du rinçage d’œil pur qui certes, peut faire plaisir, mais n’est absolument pas strictement nécessaire d’un point de vue strictement narratif.

Certes, je le disais et je l’admets, l’évolution des positions montre l’évolution de la relation entre nos deux zozios. Mais sérieux, ne me faites pas croire que cette dernière ne serait pas aussi explicite sans ça ? Passer du missionnaire à l’amazone, OK ça illustre bien, mais franchement ? Le reste suffit largement ? Si si promis, les montrer se courir après, se protéger l’un l’autre, habiter ensemble, puis dormir dans le même lit, ça suffit. Parole. On a compris. Non mais à un moment ‘faut être honnête… 

On tombe donc dans le travers dont je voulais parler (et oui, tout ça pour ça), à savoir la présence parfois limite obligatoire (?) de sexe explicite dans des œuvres qui n’en ont pas le besoin formel d’un point de vue strictement narratif. Un peu comme si le Yaoi/MM était un genre érotique par essence, à tel point que nous ne le remarquons même plus vraiment, alors que euh… A un moment comme je disais faut être honnête, certaines histoires sont à la limite du porno, quand même !! Non mais d’un point de vue formel, ‘faut appeler un chat un chat et donc une bite une bite !

Alors, encore une fois, ça ne me gène pas. Comme je l’ai dit, on est en grande personnes, on raconte ce qu’on veut et voir deux amoureux faire des choses que la morale réprouve en dehors des liens sacrés du mariage, ça peut au minimum être mignon. 

Mais alors Ninou, qu’est-ce que tu nous pètes les couilles/ovaires (barrez la mention inutiles) depuis tout à l’heure ?

J’y viens.

En fait, je vais vous raconter une petite anecdote personnelle. Asseyez-vous, y a de la place, je commence.

Il y a quelques années, quand je bossais à la bibliothèque de Lyon, j’ai eu l’occasion de faire un stage sur la gestion d’un rayon BD/Comic/Manga pour adultes. Or, la personne venant parler mangas s’est contenté, à mon grand désespoir, de nous faire un étalage des mangas qu’il vendait bien (c’était un libraire) tous genres confondus, mais en parlant tellement des shonen et des shojo que, comble, il n’a pratiquement pas abordé les mangas adultes.

Petit gron de mon côté et ce soir-là, je me suis fait un devoir de piocher dans ma biblio perso, pas mal fournie en la matière, une dizaine de titres pour les montrer aux collègues du stage le lendemain, afin qu’ils aient quand même quelques références sous la main. 

Le Mariage pour Tous étant assez récent, j’ai sorti comme manga Amour Sincère, dyptique que j’aime beaucoup et que je trouve très fin sur son traitement, tant la romance des deux mecs, très belle et douce, tout en tâtonnements assez bien vus, que la vision qu’il donne de l’homoparentalité (qu’en gros deux homos biens dans leur pompes valent mieux qu’un couple hétéro pas dans les leurs). Bref, c’était dans le contexte du moment et c’était cool.

Sauf que ce manga contient des scènes de cul explicite. Bon, pas des tonnes et uniquement dans le tome 2, mais tout de même. Et que là où ça m’a fait tilter sur un truc, c’est que la présence de ces scènes m’empêchaient de présenter tranquillement ce manga comme ça pouf. La présence de scènes de sexe explicite, loin d’être indispensables au récit d’un point de vue strictement narratif, coupait de fait cette œuvre de tout un pan d’un public qui aurait pu être intéressé par ses thématiques sans ça. 

Et là, je m’ai dit “Merde, c’est con.”

C’est con parce que ça crée un clivage qui n’est pas nécessaire et qui est même dommageable à l’œuvre et à sa diffusion.

La raison pour laquelle, et c’est un choix personnel que je m’érige absolument pas en modèle, soyons clairs, je n’ai pas mis de scènes de sexe explicite dans Le Chant des Drows tient à ça : je ne veux pas me couper de certains lecteurs à cause de ça. Et j’ai constaté bien trop souvent que la simple mention de MM/Yaoi suffisait souvent à faire fuir des personnes, tout court. Des gens qui ne vont même pas essayer et dont je suis certains, pour les connaître parfois, que ça aurait pu les intéresser. J’ai des lecteurs mecs et hétéros que même mes nouvelles érotiques ne rebutent pas. Mais certains fuient sans voir au-delà de l’étiquette. Et je trouve ça dommage, mais surtout, ça m’interroge vraiment.

Est-il vraiment nécessaire, au sens le plus formel, de mettre dans nos œuvres des scènes de sexe explicite, parfois extrêmement crues, et qui ne servent pas le récit ? 

Je vais prendre un dernier exemple, Seule la Fleur sait. Très beau triptyque, ce manga raconte l’histoire de deux étudiants, leur relation, et mis à part deux-trois petits limes assez soft, il n’y a rien d’explicite (NB : il y a une scène plus chaude dans le spin-off Fleur et Sens). Cela rend-il l’histoire moins belle et intéressante ? Non. 

Les personnages sont intéressants et l’histoire bien menée. Aucune scène de sexe n’étant nécessaire au récit, on s’en passe très bien. 

Bref, tout ça pour poser une question à laquelle je n’ai pas vraiment de réponse.

Si le genre MM/Yaoi est étroitement lié à du contenu érotique, voir porno (pour autant qu’une œuvre écrite ou dessinée puisse être considérée comme porno), n’est-il pas parfois dommage que ce côté sexuel nous coupe d’un public que nos récits pourrait intéresser sans ça ? Devons-nous rester dans un “entre-nous”, une niche, confortable et sympathique, ou pouvons-nous parfois nous dire que c’est quand même balot que tata Ginette ne puisse pas lire ça parce que bon, la scène dans les douches à la page 36, ça va la choquer, et c’est dommage parce que le reste est cool et qu’elle kifferait bien ?

J’ai souvent regretté de ne pas pouvoir partager des œuvres que j’aimais beaucoup avec des personnes qu’elles auraient pu intéresser sans leur aspect érotique. Je regrette de ne pas pouvoir partager certaines de mes propres œuvres avec certains de mes proches à cause de ça. Sincèrement. 

D’où la question, sans vraiment de réponse tranchée pour moi, quand le sexe explicite n’est pas nécessaire au récit, est-il le bienvenu dans une œuvre ? 

Je serai vraiment curieuse de savoir ce que vous en pensez !!

Bon, ben désolée pour le pavé, comme d’hab’… 

Sur ce, je vous laisse réfléchir à tout ça et me dire votre avis dans les comm’, et en attendant, je vous laisse avec le chapitre 41 d’Héritages

Bonne semaine à tous 🙂 !

(4 commentaires)

  1. Coucou,

    Je connais la plupart des œuvres que tu as présentées, je les ai suivies et suit toujours en anglais (sauf la dernière, les visages me parlent mais je ne les remets pas totalement).
    Je suis comme vous, ça ne me fait rien s’il y en a (même pas mal) du moment que ça donne du sens au reste mais pas si vous me pardonnez l’expression “pour boucher un trou”. Après c’est comme toutes les formes d’art, si c’est fait avec bon goût… moi je raffole pas particulièrement des peintures de nues avec des filles qui se pincent les tétons mais je ne crie pas pour autant aux sacrilèges et n’admettant pas que c’est une manière d’exprimer quelque chose… Après, nous vivons dans une société qui se dit ouverte mais quand ça l’arrange : “J’ai rien contre l’homosexualité mais pas au grand jour” WTF???L’amour c’est l’amour, il s’exprime de toutes les manières alors il n’y a pas de raison de le cacher au public du moment qu’il est averti.

    Bon ben voilà, j’ai fait ma rédac de philo. J’ai combien madame Ninou ?

    1. @Amakay : Les félicitations du jury, parce que réussir à placer “boucher un trou” dans le contexte, respect. ^^
      Sinon, jeu de mot tendancieux à part, je te conseille Seule la fleur sait, c’est vraiment très doux et reposant comme histoire, avec juste ce qu’il faut de tension. C’est la même auteure que Ten Count si tu connais ? Très bon aussi Ten Count, et là aussi le cul sert bien l’histoire.
      Pour le reste, en fait, c’est toute la question du public. Je suis d’accord avec toi, quand on s’adresse à des adultes, on devrait théoriquement pouvoir tout leur montrer. Vouloir censurer, c’est juste du déni, en fait, c’est refuser de voir des choses qui sont là, qui sont réelles, comme “rester cachés”, et la capacité de déni de l’être humain est juste un truc de ouf… Mais c’est encore un autre débat. On avertit si besoin, puisqu’il le faut, mais ça reste très subjectif et personnel. Moi, j’aime qu’on me raconte des histoires, qu’on me montre des personnages qui me touchent et m’embarquent avec eux. Yashiro est un personnage que je trouve extrêmement touchant et montrer sa vie sexuelle est vraiment un aspect intéressant de l’œuvre. Après, y a vraiment trop d’œuvres où bof, quoi… Alors quand c’est assumé, pourquoi pas, mais sinon, c’est juste lourd… Et ça renvoie une image biaisé tant du genre MM/Yaoi que des gays eux-mêmes, qui ont déjà socialement une image hyper-sexualisée… D’ailleurs, ça vient sûrement de là.

  2. Personnellement, j’aime bien lire un petit passage dans l’histoire, pour “concrétiser davantage l’amour des personnages (et pas forcément quand m/m)

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