No°6 – Après 05 : Ta Place dans ma vie

Disclaimer : Les personnages et l’univers de No°6 appartiennent exclusivement à Atsuko Asano.

ATTENTION ! Présence d’un lemon dans ce chapitre !

No°6 – Après

Chapitre 05 : Ta Place dans ma vie

Nezumi se réveilla en sursaut, oppressé par une angoisse telle qu’il en avait rarement connue.

Son cœur battait à s’en rompre. Il posa sa main sur sa poitrine, hagard. Il avait la sensation de se réveiller d’un horrible cauchemar dont il n’arrivait pas à se souvenir.

Il se figea soudain en réalisant qu’il n’était pas chez lui. Puis il se mit à trembler alors qu’il se souvenait de ce qui s’était passé : sa journée à ronger son frein en attendant Shion, leur dispute… Sa fuite, les trop nombreuses bouteilles qu’il avait vidées, son errance sous la pluie et…

Il blêmit.

Et tourna lentement les yeux puis la tête vers la gauche, la femme qui dormait près de lui, nue et belle, celle qui l’avait ramassé dans les flaques, accueilli dans son petit appartement douillet, séché, consolé et que…

Il est sorti du lit rapidement, ramassa ses vêtements et fila en titubant, encore à moitié ivre et beaucoup trop honteux. Il se rhabilla dans le couloir, essayant de se reprendre…

Merde merde merde…

Il avait envie de vomir… Et pas à cause de l’alcool.

Les rues étaient désertes, il était encore très tôt. Le jour pointait à peine. La pluie avait cessé, mais le ciel restait ouvert.

Il frissonna. Ses vêtements n’étaient qu’à moitié secs. Au bout de quelques mètres, il dut s’arrêter pour s’appuyer au mur d’une main, chancelant. Il eut un haut-le-coeur violent et inspira profondément. Il regarda autour de lui. Il n’avait pas la moindre idée d’où il se trouvait…

Il se traîna comme il put jusqu’à un parc désert et se laissa tomber sur un banc. Il regarda le ciel gris et lourd, trembla et se mit à pleurer.

Comment est-ce que ça avait pu arriver ?…

Comment j’ai pu te faire ça…

Il prit son visage dans ses mains et sanglota.

« … Shion… »

Tout était fini. Comment aurait-il pu ne serait-ce que penser oser réapparaître devant Shion après ce qu’il lui avait fait, après ce qu’il avait fait avec cette femme ?…

La seule chose qui pouvait faire désormais était disparaître de cette ville et ne plus jamais y revenir, et tant pis en faisant ça, il rompait ses promesses… Elles n’avaient plus la moindre importance pour lui.

« Squik ? »

Il sursauta et avisa, stupéfait, une petite souris noire à ses pieds. Il renifla et bredouilla :

« … Encre ?… »

La souris était trempée et couverte de boue, mais le regardait avec sévérité :

« Squik ? !… Squik squik squik ! ! !

– … Euh… Encre ?… »

Le minuscule animal se dressa sur ses petites pattes arrière pour se mettre à couiner virulemment :

« Squik !… Squik squik !… Squik squik squik squik squik squik squik ? !… Squik squik squik ! ! !…

– Mais je…

– Squik ! ! !

– Encre !

– Squik squik !… Squik squik squik ! !… Squik squik ! ?…

– Toute la nuit ? !… Mais t’es malade !…

-Squik squik ! !

-… Mais t’aurais pu mourir 25 fois…

-SQUIK !!!

-… Chuis désolé… »

Il se mit à pleurer.

« Putain mais j’suis vraiment qu’une merde… »

Encre le regarda et pencha la tête.

« Squik ? Couina-t-elle, calmée.

-… J’ai vraiment tout gâché… Et toi qui m’as cherché toute la nuit… Comme si je le méritais… »

-Il eut un nouveau sanglot en prenant son visage ses mains et sursauta en sentant, quelques secondes plus tard, une petite boule chaude dans son cou :

« Squik ? »

Il se redressa et renifla.

« Squik squik ?

-J’ai plus rien à faire là-bas…

-Squik !… Squik squik squik ?

-… Je pense pas qu’il veuille me revoir… »

La souris se mit à râler avec encore plus de virulence que précédemment.

« Squik squik ! ! ! Squik ? !

-Mais Encre…

-Squik squik squik ! Squik ? !

-… Non mais calme-toi… »

La souris descendit à côté de lui :

« Squik ! Squik squik squik squik !… »

Il recula alors qu’elle continuait crescendo :

« Squik squik ! ! ! Squik !… Squik squik squik !…

-Euh… D’accord, d’accord… Balbutia-t-il, ahuri.

-SQUIK SQUIK !!!!!!!!

-Oui, oui, d’accord, d’accord… » chevrota-t-il en reculant encore.

N’importe qui aurait assisté à la scène l’aurait pris pour un fou.

« D’accord, tu as raison.

-Squik !

-Oui, oui… Tu as raison. »

Il soupira :

« Je dois au moins lui dire au revoir… Et lui demander pardon.

-Squik.

-Ça changera rien… Mais je peux pas fuir comme ça… Pas lui.

-Squik squik.

-Oui, oui, je sais,… Il faut assumer ses actes, tout ça… »

Il eut un sourire :

« Tu as bien retenu ce que disait Grand Père.

-Squik.

-Bon, on y va ?

-Squik ! »

Elle regrimpa sur son épaule. Il la caressa du bout des doigts.

« Merci, Encre.

-Squik squik ! Squik ! »

Il se leva en rigolant :

« Non mais c’est ça, fous-toi de ma gueule en plus…

-Squik !

-Ouais, ben toi aussi t’aurais une tête de cadavre si t’avais passé une nuit de la mienne…

-Squik squik squik !

-Tu vas finir en pâtée pour chats, toi, tu vas voir ! »

*********

Shion était assis sur le canapé, l’esprit vide. Il avait pu se traîner sous la douche, où il était resté planté peut-être des heures, profondément choqué, avait enfilé son yukata comme un robot et était redescendu s’asseoir là sans bouger de nuit.

Autour de lui, les souris et Omae tournaient et retournaient dans la pièce, sans parvenir à le faire réagir. Il ne voyait ni n’entendait plus rien.

Le bruit de la porte le fit sursauter et il se leva d’un bond pour aller dans le couloir. Il s’arrêta à la porte du salon et se pencha, comme craintif.

Nezumi enlevait ses chaussures et sursauta à son tour, il releva la tête pour le regarder une seconde avant de détourner les yeux en grimaçant. Ils avaient l’air de déterrés tous les deux. Nezumi n’osait pas Shion et Shion comprit en une seconde ce que ça signifiait. Il le regarda remonter le couloir avec lenteur, pas assuré sur ses jambes, et l’odeur qui l’auréolait, de l’alcool principalement, ne le surprit pas. Arrivé à sa hauteur, Nezumi eut un violent haut-le-coeur et se précipita aux toilettes. Shion le regarda vomir tripes et boyaux, comme paralysé, et lorsque son ami ressortit, blafard, il ne put que balbutier :

« … Tu vas bien… ?… »

Nezumi détourna la tête, et retira son bras comme s’il le brûlait lorsque Shion l’effleura. Il y eut un silence et Nezumi marmonna d’une voix brisée :

« … Je vais me doucher. »

Shion le regarda disparaître dans l’escalier de sa démarche titubante. Il resta immobile, hagard, à nouveau tétanisé.

Puis une pensée, une seule, vint totalement emplir son esprit.

Je ne veux pas qu’il s’en aille.

Nezumi avait jeté tous ses vêtements en vrac dans un coin de la salle de bains. Il était planté sous l’eau brûlante, les deux mains appuyées contre le mur. Il tremblait. Il avait la nausée. Il tomba à genoux, épuisé.

Je voudrais juste disparaître…

Des larmes roulèrent sur ses joues.

J’en ai assez…

Il sursauta en sentant deux bras passer autour de sa poitrine. Il redressa la tête alors qu’un corps se serrait dans son dos.

Nezumi regarda les bras qui l’enserraient, le tissu bleu pâle du yukata, ce corps qui tremblait comme le sien, sous l’eau chaude. Une tête se posa contre sa nuque.

« Reste. »

Les larmes de Nezumi redoublèrent sans qu’il parvienne à répondre.

« Reste. Reste. Reste. Reste. Reste. Reste. Reste. Reste. Reste…

-… Shion…

-Reste.

-…

-Reste. Reste. Reste. Reste… »

Nezumi renifla.

« Reste.

-… Je suis désolé…

-Reste.

-… Je comprends rien à ce qui se passe…

-Reste.

-… Je voulais pas faire ça…

-Je sais. Reste.

-Je… »

Nezumi sanglota :

« … Je t’ai…

-M’en fous. Reste.

-Je voulais pas…

-Je sais. Reste. »

Reste
" Reste..."

Il y eut un silence. Shion s’agrippait à Nezumi de toutes ses forces. Nezumi pleurait. Shion reprit enfin :

« Reste… Je m’en fous de ce que tu as fait. Tu peux bien me traiter comme tu veux, te vider les couilles dans tous les culs de cette ville…

-C’était pas un cul…

-JE M’EN FOUS !!! »

Le cri de Shion stoppa net les sanglots de Nezumi, alors que ce dernier sentait avec stupeur Shion se mettre à pleurer dans son dos.

« … Reste… Je supporterai pas… Pas une troisième fois… Je t’en supplie… Reste… J’ai attendu sept ans… Chaque seconde j’ai cru que je mourrais… Je peux pas, sans toi… Je peux plus… Je ne veux plus être seul…

-… Tu as des tas de gens autour de toi…

-JE ME CONTREFOUS DE CETTE VILLE DE CONS ! » Cria encore Shion.

À nouveau, Nezumi resta bête. Les bras de Shion se resserrèrent encore autour de sa poitrine.

« … Je m’en fous… Ils peuvent bien tous crever, je m’en fous… C’est toi le seul dont j’ai besoin… C’est pour toi que j’ai fait tout ça… Je voulais juste t’offrir un foyer, te donner un endroit ou tu puisses vivre heureux… Rendre ça possible pour toi… J’en ai rien à faire de tous ces crétins mêmes pas fichus de traverser une route sans que je leur tienne la main !… Tu es le seul qui ait de l’importance pour moi… Je te l’ai dit et c’est encore vrai. Tu es la seule personne que je ne supporterais pas de perdre. »

Nezumi se remit à pleurer.

« … Reste… »

Nezumi renifla.

« … Je t’aime… »

Nezumi resta littéralement sidéré quelques secondes. Puis, il éclata en sanglots et s’il ne s’écroula pas sur le sol, ce fut uniquement grâce à l’étreinte de Shion.

« … Je suis désolé… »

Shion le serra encore plus fort.

« … J’ai pété un câble, j’en pouvais plus… Je voulais pas te faire ça… Je me le pardonnerai jamais… J’ai agi comme le dernier des connards, comme le dernier des lâches, à aller me bourrer la gueule comme une merde, tout ça pour… Aaaah !!!… Et me casser comme un enfoiré sans même lui dire au revoir… Elle avait rien demandé ! Elle a juste voulu me consoler… Prendre un peu soin de moi… »

Il sanglota encore.

« … Je me sens si sale… Même au fin fond du bordel, je m’étais jamais senti si sale… Comment j’ai pu faire ça… »

Shion se redressa, l’installa contre sa poitrine, tendrement, caressa sa tête trempée et murmura doucement :

« Je ne me pardonnerai jamais ce que je t’ai dit. J’étais en colère, mais ça n’excuse rien. Je suis le seul responsable de ce qui s’est passé, Nezumi. Et je ne t’en veux pas, pour rien.

-… Je t’ai fait du mal… Bredouilla Nezumi.

-C’est rien, ne t’en fais pas… Et puis c’est fait, on va pas tergiverser des heures. Je suis désolé, Nezumi. Je suis vraiment désolé… Tu n’as rien à te reprocher. »

Nezumi pleurait toujours et il leva une main tremblante qui effleura la tempe de Shion, l’hématome mauve du coup de poing de la veille. La main de Shion se referma sur la sienne.

« Reste… »

Nezumi soupira et frotta sa peau pâle :

« … J’ai l’impression qu’un océan ne suffirait pas à me laver de ça… »

Shion eut un sourire et lui répondit :

« Tu n’es pas sale…

-Qu’est-ce qu’il te faut…

-Il n’y a que des idiots qui penseraient ça de toi… Tu ne seras jamais sale pour moi. »

Il caressa encore la tête brune.

« Tu n’es pas sale. Je t’aime. »

Nezumi leva un regard d’enfant triste vers lui. Shion lui sourit encore :

« Laisse-moi te laver de tout ça… »

Nezumi leva un sourcil sceptique alors que Shion attrapait le gel douche à la fraise et s’en tartiner les mains. Puis, elles se mirent à savonner et frotter la peau pâle de Nezumi qui se laissa faire, bien que mal à l’aise. Shion s’appliquait, décidé à ne pas laisser la moindre parcelle de peau sans mousse.

Nezumi regardait cette dernière couler et disparaître. Les mains de Shion se faisaient caressantes, il sentait la chaleur de son corps à travers le yukata trempé. Il baissa la tête pour regarder son sexe gonfler, la partie la plus souillée de son corps, jugeait-il, sur laquelle Shion ne s’était pas encore trop attardé.

Shion lui lava les cheveux avec soin, puis, enfin, le reprit dans ses bras et sa main droite se promena sur sa poitrine alors que la gauche glissait entre ses cuisses. Nezumi s’y attendait et voulut se dégager, mais, exactement comme lui-même avait ceinturé Shion pour l’empêcher d’échapper à son étreinte trois semaines plus tôt, Shion le bloqua et lui murmura tendrement :

« Tu joues au prude, joli rat ?

-… C’est sale…

-Alors laisse-moi laver ça aussi… »

Nezumi soupira, vraiment mal à l’aise. Il avait la sensation confuse de souiller Shion en le laissant le caresser, en commençant à prendre du plaisir à cette main qui le branlait. Son sexe durcissait, c’était bon, et il ne put à nouveau retenir ses larmes.

« … Shion… Arrête…

-Hmmmm ? » Roucoula Shion en pinçant un de ses tétons.

Nezumi gémit.

« … Je mérite pas… Que tu me…

-Ça, c’est à moi d’en juger, mon joli rat. »

Shion accéléra ses mouvements sur son sexe. Nezumi se mordit les lèvres, haletant, et rendit les armes. Il laissa Shion l’allonger et ferma les yeux. L’eau cessa de couler.

Un instant plus tard, il ne put retenir un petit cri lorsqu’une langue malicieuse remonta lentement le long de sa verge, puis s’amusa sur son gland, alors que deux mains rejoignaient la danse, une accompagnant la langue et l’autre, jouant avec ses bourses.

Puis Shion le prit en bouche et Nezumi cria plus fort. Il plia ses bras autour de sa tête, cachant son visage. Il avait trop honte de tout ça pour regarder Shion.

Ce dernier, lui, le regardait. Il voulait juste prendre soin de lui à son tour, comme il aurait dû la veille, il avait envie de le faire jouir jusqu’à la folie, de l’aimer jusqu’à la fin du monde.

Nezumi était au bord de l’orgasme lorsque Shion s’arrêta. À bout de souffle, Nezumi sursauta et se redressa brusquement sur ses bras en sentant un poids sur son bassin :

« Non ! »

Mais trop tard. Shion s’empala sur lui sans la moindre hésitation, malgré une grimace de douleur bien visible.

« … Shion… Pourquoi ? ! »

Shion lui sourit et se pencha pour l’embrasser :

« Ça va… T’en fais pas.

-Arrête ! S’écria Nezumi en le prenant par les épaules. C’est pas à moi que tu apprendras comme ça fait mal ! »

Shion sourit encore et attrapa Nezumi pour serrer son buste contre sa poitrine, le yukata gorgé d’eau :

« Prends ce que je te donne… S’il te plaît… Laisse-moi te faire du bien… »

Nezumi serra les dents, ravala ses larmes et se rallongea. Shion se mit à le chevaucher, accélérant lentement le rythme, savourant le plaisir de Nezumi à défaut du sien. Nezumi ne put pas se retenir très longtemps, il jouit dans un cri et resta amorphe un moment, sonné par son plaisir. Shion se libéra et le regarda avec un petit sourire. Ils n’en étaient qu’à la mi-temps, ils le savaient tous les deux.

Shion grelotta et le voyant, Nezumi se redressa et entreprit comme il put de défaire la ceinture trempée du yukata pour le déshabiller. Ils ne furent pas trop de deux pour en venir à bout. Ils s’enlacèrent et s’embrassèrent, Nezumi passant ses mains dans les cheveux blancs, puis ses bras autour de ses épaules. Shion embrassa sa gorge en les rallongeant au sol.

« Tu es glacé… murmura Nezumi.

-Mmh… Toi aussi…

– Réchauffe-moi… »

Shion se redressa un bras et sourit tendrement, caressant la joue pâle de Nezumi du bout des doigts de son autre main :

« On serait mieux dans le lit, tu crois pas ? »

Nezumi eut un petit sourire à son tour et se redressa :

« On va le mouiller…

– Rien à foutre. »

Le sourire de Nezumi s’élargit et il passa brusquement ses bras autour du cou de Shion pour l’embrasser. Shion répondit avec énergie en le pressant contre lui, puis susurra en caressant des fesses :

« Tu me laisserais ça un moment ?

– Toute ta vie, si tu veux…

-Me tente pas, mon cœur, me tente pas… »

Ils eurent beaucoup de mal à atteindre le lit, tant ils ne cessaient de s’embraser, se s’étreindre, de se caresser.

Nezumi assit Shion sur le lit et s’agenouilla devant lui.

« Tu permets ? Demanda Nezumi en se mettant à caresser son sexe :

– Fais-toi plaisir… »

Nezumi eut un sourire en coin :

« C’est à toi que ça devrait faire plaisir… »

Il se mit à l’œuvre sans plus attendre. Sa main gauche continua à caresser le sexe de on amant alors qu’il commençait à sucer ses bourses et que son autre main allait, elle, caresser avec un doigté remarquable son périnée, cette zone très sensible de l’anatomie masculine située derrière les testicules. Les poings de Shion se resserrèrent sur le drap alors qu’il commençait à haleter. La langue de Nezumi remonta le long de sa verge et il la prit en bouche totalement. Shion n’eut que le temps de se demander comment c’était possible avant de tomber sur le dos dans un cri.

Il analyserait la chose plus tard… Quand il aurait fini de prendre son pied par exemple !

Nezumi prit soin de serrer la base de son sexe pour l’empêcher d’éjaculer, mais, toute profonde qu’était sa caresse, elle ne dura pas -trop- longtemps.

Il lâcha l’affaire et grimpa sur le lit, se couchant sur un Shion à bout de souffle qui l’étreignit en rigolant :

« Dis donc toi, tu m’avais caché tes talents ?

– J’allais pas tout te faire d’un coup, non plus… »

Ils s’embrassèrent goulûment, puis Nezumi murmura :

« T’as une jolie fusée, là, toute prête à nous envoyer au septième ciel…

– Décollage imminent, alors !… répondit Shion. Hmm… Nezumi ?

– Hm ?

– Tu te mettrais à quatre pattes ?

– À tes ordres… »

Nezumi s’installa sans attendre et Shion se redressa avec un sourire. Rondeurs toujours aussi appétissantes… Il se lécha les lèvres en se plaçant derrière Nezumi et saisit ses hanches. Il se pencha et lui souffla à l’oreille :

« Prêt, chéri ?

– Vas-y fort, Shion…

– À tes ordres. »

Shion le pénétra d’un coup. Nezumi gémit. Shion attendit. Certes, il ne comptait pas le ménager, mais il ne voulait pas lui faire mal non plus. Au bout d’un petit moment, Nezumi grogna et remua son bassin, ce que Shion prit pour un feu vert, et il agrippa ses hanches pour se mettre à l’oeuvre avec énergie. Nezumi se mit à crier sans parvenir à se retenir. C’était puissant, et Shion semblait ajuster ses coups de reins pour augmenter son plaisir. Les bras de Nezumi cédèrent et il tomba nez sur la couette, ses poings se serrèrent et ses cris se firent plus forts.

Shion haletait, savourant cette fois son plaisir tout autant que celui de son amant. Nezumi se resserra brusquement sur lui, lorsqu’il jouit en criant son nom, se cambrant avant de retomber sur le lit, à bout de souffle, les yeux fermés.

Shion serrait les dents. Il était parvenu in extremis à se retenir d’éjaculer. Il attendit un peu que ça retombe. Il n’en avait pas fini.

Nezumi rouvrit des yeux vagues. Mais il n’eut pas le temps de se demander pourquoi Shion ne se retirait pas que ce dernier se remit sans prévenir en mouvement en lui. Sa prostate, sous le coup de son premier orgasme, était encore très sensible et l’éclair de plaisir qui le traversa lui arracha un cri presque douloureux.

Shion peinait un peu à bouger tant Nezumi était étroit, mais il serrait les dents et le pilonnait avec force.

Nezumi crut réellement, à cet instant, qu’il allait mourir.

Son plaisir était si violent qu’il fut rapidement comme secoué de convulsions alors que des larmes coulaient de ses yeux exorbités.

« … Shion !… » articula-t-il péniblement.

Shion peinait, mais n’arrêta pas. Nezumi cria plus fort :

« …Shion… Arrête… ! »

En vain. Nezumi eut comme un sanglot et hurla :

« Arrête ! Je t’en supplie arrête ! »

Shion avait atteint sa propre limite. Il se libéra dans un cri que celui de Nezumi recouvrit complètement, il s’entendit dans toute la maison.

Au rez-de-chaussée, neuf souris et une chienne levèrent de concert la tête, dubitatives.

Shion se retira et Nezumi s’écroula, à la limite de perdre conscience. Shion se laissa tomber sur le dos près de lui, repu. Il tourna la tête vars son amant. Il tendit la main et effleura son dos. Nezumi eut comme un sursaut et un petit cri.

Ça m’est égal que tu ailles voir ailleurs…

Shion sourit.

Je sais bien que tu ne peux pas plus vivre sans moi que moi sans toi…

Il ferma les yeux, juste heureux.

Je sais bien que tu m’appartiens aussi sûrement que je t’appartiens…

Il se blottit contre le dos de Nezumi endormi et les emballa comme il put dans la grande couette.

Et toi aussi, je suis sûr qu’un jour, tu arriveras à me dire « je t’aime ».

Shion s’endormit paisiblement.

Il fut réveillé bien plus tard, lorsque Nezumi, se réveillant aussi, se retourna pour se lover contre lui, l’enlaçant doucement. Shion la laissa s’installer contre lui en souriant, sans rouvrir les yeux.

« Shion…

– Hm ?

– La prochaine fois que tu me traites de pute, je te jure que je te tue pour de vrai.

– Je le mériterai amplement, mon cœur. »

Il y eut un silence, puis Shion reprit :

« Je suis vraiment désolé, Nezumi. Je ne me pardonnerai jamais de t’avoir dit ça…

– Hm… Je me pardonnerai jamais ce que je t’ai fait. »

La longue main pâle de Nezumi caressa la tempe violacée :

« Ça fait mal ? »

Shion prit sa main dans la sienne :

« Non, ça va. Et puis, je l’avais pas volé… Je te demande pardon, vraiment… J’avais pas réalisé que tu souffrais à ce point… T’avoir ici me suffisait, j’ai pas pensé plus loin…

-Hmm…

– Je t’aime… »

Nezumi sourit et lui fit un petit bisou :

« Oui, Shion…

– Tu restes ?

– Si tu veux encore de moi…

– Nezumi, il n’y a rien au monde qui pourrait faire que je ne veuille plus de toi… »

Le sourire de Nezumi se fit plus doux :

« Ensemble jusqu’en Enfer, hein ?

– Quoi qu’il arrive. »

Ils s’étreignirent et s’embrassèrent.

« Shion…

– Hm ?

– Ne me laisse plus jamais m’éloigner de toi…

– Toi non plus… »

Ils s’étreignirent encore :

« … Garde-moi près de toi… »

Ils se rendormirent rapidement.

Shion se réveilla en milieu d’après-midi. Il resta un moment bien au chaud contre Nezumi, puis se souvint que sa mère devait ramener Haru vers 16h… Il se leva à contrecœur, en faisant très attention à ne pas réveiller Nezumi, et resta un instant assis au bord du lit, s’étirant et bâillant.

Il sourit en entendant remuer derrière lui et en voyant Nezumi, une moue boudeuse au visage, s’enfoncer en boule sous la couette en grommelant.

Shion se leva. Il gagna d’un pas mou la salle de bain, regarda les vêtements au sol, les ramassa sans grande énergie et les mit en bâillant dans la machine à laver. Il ajouta d’autres choses pour la remplir et lança une lessive. Puis il se doucha rapidement et enfila un survêtement gris usa, un T-shirt bleu trop large et descendit en s’étirant à nouveau.

Il fut aussitôt assailli par les souris et Omae. Il s’accroupit pour caresser tout le monde -sauf Hamlet et Encre qui avaient grimpé sur son épaule :

« Vous devez mourir de faim ! On vous a bien bien oubliées, humains indignes qu’on est… »

Hamlet couina lorsqu’il se redressa. Il sourit. Elle le regardait avec insistance, comme Encre, à côté d’elle.

« Ça va, ne vous inquiétez pas. »

La ménagerie servie, il alla au salon. La table était toujours mise. Nezumi ayant eu la bonne idée de laisser au frigo ce qui craignait et de recouvrir le reste de film alimentaire, le repas était intact (et très appétissant). Shion ramena tout à la cuisine en sifflotant, très heureux à la perspective de ne pas avoir à préparer de dîner.

Il fit un peu de ménage. Presque rien : Nezumi était,réalisa-t-il, une vraie fée du logis. Il préparait du thé lorsque ça sonna à la porte.

Il alla ouvrir en chantonnant. Haru se jeta dans ses jambes :

« S’ioooooon !!!… »

Il s’accroupit pour prendre le petit garçon dans ses bras, tout sourire :

« Coucou mon bébé ! »

Il se releva et salua sa mère :

« Bonjour, Maman.

– Bonjour, Shion… Houlà, qu’est-ce qui t’est arrivé ? » s’inquiéta Karan.

Shion avait eu tout le temps de préparer sa copie :

« Ah, ça ? T’inquiète ! J’étais mal réveillé ce matin, je me suis pris un coin de porte de placard dans la cuisine. Ça va, ne t’en fais pas ! Conclut-il en l’embrassant. Tu vas bien ?

– Oui, oui…

– Venez, j’ai fait du thé. »

Karan avait bien évidemment apporté un gâteau. Pendant que Shion sortait des assiettes à dessert et des tasses, Haru demanda :

« L’est où Zumi, S’ion ?

– Il dort.

– La nuit a été si courte que ça ? S’étonna Karan, amusée.

– Agitée, disons… » répondit innocemment Shion.

Il avisa les souris qui approchaient.

« Ah, vous tombez bien. Vous pouvez aller me réveiller mon Bel au bois dormant ? Leur demanda-t-il en pointant le doigt vers le plafond.

Encre, Lueur de Lune, Cravate, Macbeth et Iago filèrent. Hamlet, elle, grimpa sur l’épaule de Shion et couina en se frottant à son cou. Il la caressa :

« Oh toi, tu veux du gâteau, coquine.

-Squik ! »

Il rit doucement.

Ils entendirent, au-dessus d’eux, un pas lourd et lent se traîner jusqu’à la salle de bains.

Karan et Haru étaient installés à table et Shion servait du thé, lorsque Nezumi arriva, visiblement très mal réveillé. Il portait son pull noir à col roulé, un jean bleu et était pieds nus. Shion posa la théière et vint vers lui. Nezumi s’était arrêté pour bâiller à la porte et le regarda approcher avec des petits yeux bouffis.

Shion sourit tendrement. Il passa ses bras autour de la taille de Nezumi et lui fit un petit bisou.

« Coucou, toi. »

Nezumi eut un petit sourire et le serra fort dans ses bras.

Karan et Haru s’étaient levés pour devenir le saluer. Le petit garçon approchait lentement, visiblement un peu inquiet. Karan était plutôt amusée :

« Nuit agitée, hein ?

-Bonjour, Karan. Comment vous allez, toutes les deux ?

-Nous allons bien !… En tout cas, mieux que toi.

-Oh, ça, aujourd’hui, c’est pas dur… »

Haru s’était accroché au jean de Nezumi et le regardait :

« Zumi, tu es malade ? »

Nezumi sourit et lâcha Shion pour s’accroupir :

« Non, ça va, Haru… Je suis juste très fatigué. »

Il caressa la tête du petit garçon et ajouta :

« Je vais te donner un bon conseil : l’alcool à trop forte dose, c’est très mal. »

Shion et Karan rirent doucement. Nezumi prit Haru dans ses bras et se releva en lui faisant un bisou :

« C’est gentil de t’inquiéter pour moi, poussin.

-Bon, on l’attaque ce gâteau ? J’ai faim ! » dit Shion.

Le goûter se passa tranquillement. Karan ne les laissa pas tard, Jacques rentrait vers 18h et elle voulait profiter de sa soirée avec lui.

Nezumi se mit à jouer avec Haru, a essayé de retourner de mémoire idiot d’images en les cachant face contre table. Vu son épuisement, il se fit battre à plates coutures. Shion s’était installé pour lire un peu sur un fauteuil, près d’eux. Omae dormait à ses pieds et les souris faisaient leur vie, Hamlet endormie sur les genoux de Shion avec Juliette et Iago, Encre, Lueur de Lune, Cravate et Roméo sur la table à participer au jeu d’Haru et Nezumi et Ophélie et Macbeth devaient jouer à cache-cache ailleurs.

Vers 19h, Shion posa son livre se leva en déclarant qu’il allait préparer le dîner. Nezumi et Haru rangèrent leurs images et mirent la table. Shion commença à apporter le repas, la salade mélangée, les beignets de crevettes et les croquettes de pommes de terre qu’il avait fait réchauffer, les brochettes de poulet au caramel, et toutes les sauces pour accompagner tout ça.

Ils mangèrent dans une ambiance sereine. Nezumi avait fait largement assez pour eux trois.

Haru s’endormait sur la salade de fruits et Shion demanda à Nezumi s’il pouvait aller le coucher pendant qu’il leur préparait du thé pour la soirée. Nezumi opina du chef. Ils se levèrent tous deux et, alors que Shion ramassait les assiettes, Nezumi contourna la table pour rejoindre Haru qui lui tendait déjà les bras.

« Dodo, Zumi ?

-Oui, je vais t’emmener dodo, Haru. »

Il souleva l’enfant dans ses bras.

« Allez, tu dis bonne nuit à Shion…

-Oui ! »

Nezumi porta l’enfant jusqu’à Shion qui lui fit un bisou :

« Dors bien, mon bébé !

-Bon dodo, S’ion !… Dis, dis, S’ion ?

-Oui, mon bébé ?

-Tu vas ‘entrer tard demain ?

-Euh…

-… Non passeu maintenant qu’on est une vraie famille,… Ça serait bien qu’on soit ensemble soir… »

Shion et Nezumi restèrent sidérés. Les regardant l’un l’autre, Haru bâilla puis ajouta :

« Si, ça serait bien ! »

Shion et Nezumi se regardèrent, penauds. Puis Shion se reprit et embrassa son fils rapidement, pour qu’il ne voit pas qu’il était au bord des larmes.

« Dors bien, mon bébé… J’essaye d’être là tôt demain, promis.

-Bisou, S’ion ! »

Nezumi caressa doucement ses cheveux de Shion et lui dit :

« À tout de suite, mon ange. »

Shion opina sans rien répondre. Un seul mot de plus l’aurait fait fondre en larmes.

Nezumi monta avec Haru, le mit en pyjama et le coucha. Il lui chanta une berceuse, embrassa doucement sa joue et le laissa s’endormir. Il redescendit, pensif.

Une famille…

Il rejoignit Shion à la cuisine et vint doucement l’enlacer par derrière. Il embrassa sa nuque.

« Je peux t’aider, ma petite fleur ? »

Shion sourit et posa ses mains sur ses bras.

« Tu peux m’apporter le reste de vaisselle qui est encore au salon ?

-D’accord. »

Nezumi s’exécuta. Shion fit la vaisselle et Nezumi l’essuya et la rangea. Aucun des deux ne dit un mot. Ceci fait, ils tentèrent de se poser devant la télé, mais trop fatigués, ils montèrent rapidement. Il était tôt, mais ils étaient vraiment épuisés.

Shion laissa Nezumi se coucher et prit le temps d’étendre la lessive. Puis il se déshabilla et rejoignit son amant dans leur lit. Nezumi avait laissé la lumière allumée de son côté, mais lui semblait déjà dormir. Shion régla son réveil, s’allongea sous la couette et éteignit la lampe.

Quelques secondes passèrent avant qu’il ne sente Nezumi venir se blottir contre lui, le prendre dans ses bras et l’y serrer doucement.

Shion répondit avec la même douceur. Leurs lèvres ne tardèrent pas à se trouver, leurs corps se resserrèrent, et la nuit ne fut dès lors pour qu’une longue étreinte, infiniment douce, aimante, de baisers, de caresses, dans une tendresse retrouvée ou plutôt sans doute, une tendresse enfin vraiment trouvée. Pas de sexe cette nuit-là, aucun des deux ne l’aurait pu. Juste un amour infini.

Ils s’endormirent blottis l’un contre l’autre, avec la certitude d’être à leur place et que rien désormais ne pourrait les en déloger.

Le réveil sonna bien trop vite à leur goût. Sursautant tous deux, ils se resserrèrent l’un contre l’autre dans un réflexe. Puis Shion grommela. Nezumi le sentit se tourner pour éteindre l’importune sonnerie puis se retourner pour se réinstaller exactement comme précédemment contre lui. Content que le câlin perdure un peu, Nezumi sourit et le reprit dans ses bras sans se faire prier.

Un moment passa ainsi, puis Shion soupira :

« … J’ai pas envie d’y aller… »

Nezumi rigola :

« Tu veux que je te fasse un mot d’excuse ?

-Oh, si seulement… Sourit Shion. Non, je vais me bouger… J’en ai quelques-uns à remettre à leur place, là…

-Ah ?

-Ouais. À commencer par ma charmante et compétente Conseillère de l’Industrie qui nous a pourri notre samedi en me forçant à aller faire son travail à sa place. »

Nezumi grimaça, mais Shion l’embrassa avant de reprendre tendrement :

« C’était peut-être un mal pour un bien, finalement, mais elle va quand même m’entendre… »

Shion embrassa encore Nezumi.

« Un mal pour un bien, oui… murmura ce dernier. Shion, je voudrais vraiment… Vraiment prendre le temps de parler avec toi.

– Oui, mon cœur. Moi aussi.

– J’ai toujours pas pu te raconter mon voyage…

– Moui… J’ai vraiment hâte de l’entendre. »

Ils s’étreignirent encore.

« Je t’aime, mon joli rat.

– Oui, ma petite fleur. Tu vas être en retard, non ?

-M’en fous. M’attendront un peu, ça leur apprendra… Je vais vraiment essayer de rentrer plus tôt le soir… Je sais que je pourrais pas toujours, mais je ferai le maximum. Je te le jure. »

Nezumi le regarda, un peu surpris de la gravité de son ton, puis sourit et l’embrassa :

« D’accord, Shion. T’en fais pas… »

Il l’embrassa encore.

« Je ne partirai plus. Moi aussi, je te le jure. »

Shion finit par se lever à contrecœur et fila sous la douche en bâillant. Nezumi resta à sommeiller, le nez enfoui dans l’oreiller de Shion. Il sursauta en l’entendant soudain farfouiller dans le noir, là où il s’était lui-même déshabillé la veille.

« Nezumi, je t’emprunte ton pull à col roulé ! »

Nezumi haussa un sourcil sans rouvrir les yeux et répondit d’une voix endormie :

« … Pas de souci, mon ange… »

Shion sortit de la chambre et Nezumi se rendormit. Lui se lèverait plus tard pour s’occuper d’Haru.

Shion avala rapidement trois restes en guise de petit-déjeuner en buvant un thé avant de récupérer trois dossiers, son ordinateur portable et son téléphone dans son bureau et de filer.

Il se sentait assez d’énergie pour affronter une cohorte de zombies cannibales… Le Conseil allait en prendre pour son grade.

*********

Inquiet, Yui apprit avec soulagement, ce lundi matin là, l’arrivée de Shion au palais. Il était en train de boire un café avec son second, Zentô et Kanshi (un des gardes du corps de Shion) lorsque Hogosuru (le garde du corps de Shion qui était de service à ce moment) avait envoyé le message de routine signalant l’arrivée du président dans les locaux du gouvernement. À presque 8h et demie, Shion avait une bonne heure de retard sur ses horaires habituels. Le Conseil devait débuter à 9h30.

Yui décida de se fendre d’une petite visite dans le bureau de son président. Sur le chemin, il appela Rantô, un autre de ses hommes :

« Salut, Freedom.

– Salut, Ran. Tout va bien ?

– Oui, oui. Apparemment, ils sont réveillés, ils doivent déjeuner, là. Nezumi devrait sortir pour accompagner Haru à la crèche d’ici 1/2h, 3/4h, je pense. ‘Sont pas pressés, ce matin.

– Y a des matins comme ça… Bon, ben, bonne continuation.

– T’inquiètes, chef. À plus. »

Il profita que la vieille secrétaire n’était pas à son bureau pour se faufiler. Shion n’était pas dans le sien, mais Yui devina sans mal où le trouver.

Un peu plus loin, dans le salon de réception, Shion regardait la grande maquette d’Utopia, les mains dans les poches, perdu dans ses pensées.

Yui marqua un arrêt, surpris. C’était la première fois qu’il voyait Shion en noir… C’était surprenant en soi, et surtout ça lui donnait un air presque sinistre.

« … Shion ?… » l’interpella le Conseiller en s’approchant.

Shion sursauta et lui jeta un œil par-dessus son épaule. Était-ce dû à ce pull ? Il sembla à Yui bien plus pâle que d’habitude, bien plus grave aussi, fatigué, et la marque sur sa tempe était bien visible.

« Salut, Yui, dit-il en se remettant à regarder la maquette.

– Salut… Euh… Ça va ? Demanda prudemment Yui.

– Oui, oui, répondit platement Shion.

– Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

– Coin de placard… Mal réveillé hier matin.

– Ah. Et sinon, bon week-end ? Continua l’ancien résistant.

– Ça a été…

– Rien de spécial ? Insista Yui.

– Non, non.

– Dis-moi, Shion, je me pose une question, soupira Yui en fronçant son sourcil.

– Hm ? Laquelle ? » demanda à son tour Shion en le regardant avec un petit sourire.

Yui attrapa le col roulé et le tira, découvrant le cou de Shion où on voyait clairement, sur la peau pâle, les marques des doigts qui l’avaient serré le samedi soir. Shion sursauta et recula vivement.

« Tu te foutrais pas un tout petit peu de ma gueule ? »

Shion le regarda un instant puis eut un petit rire en remettant son col en place.

« Ton coin de placard, il aurait pas les yeux gris, par hasard ? Continua Yui, lui sérieux.

-Tu sais que tu es rudement observateur pour un mec qui n’a qu’un seul œil ? »

La vanne fit rire Yui malgré lui.

« Réponds… » Soupira-t-il ensuite.

Shion lui répliqua sur le même ton goguenard.

« Ne te fous pas de ma gueule non plus, mon ami.

-Pardon ?

-N’essaye pas de me faire croire que tu ne connais pas déjà le code génétique des grands-parents de la femme avec qui il a passé la nuit de samedi. »

Yui hocha la tête avec un petit sourire.

« On n’a pas eu besoin de remonter si loin, elle est sans famille depuis la chute du Mur.

-Je vois…

-Tu veux savoir qui c’est ?

-Non. »

Shion soupira en haussant les épaules et se remit à regarder la maquette.

« Non, je ne veux rien savoir. Qu’est-ce que tu comptes faire ?

-La tenir à l’œil un moment. À mon avis, ta relation avec Nezumi ne va pas pouvoir rester secrète très longtemps, quoi qu’on fasse. Je sais que des rumeurs commencent à se répandre… Quand ça sera connu, elle pourrait tenter du chantage ou je ne sais pas quoi, alors je ne peux pas la laisser sans surveillance.

-T’es vraiment parano.

-C’est pour ça que tu me payes, Shion. Penser au pire et t’en protéger, c’est mon boulot. Protéger ceux que tu aimes. Protéger ce que nous avons construit.

-Qui protégeait Nezumi samedi soir ?

-Zento.

-Sacré coup de bol…

-Ça, tu peux le dire.

-Qui est au courant ?

-Lui et moi. Les personnes qui ont fait les recherches sur elle ne savent pas pourquoi et celles qui la gardent à l’œil non plus.

-Bien. »

Il y eut un silence.

« Alors, quels sont vos ordres, M. le Président ? »

Shion regardait toujours la maquette.

« Je veux qu’aucun mal ne soit fait à cette femme, quoi qu’il arrive.

-OK.

-Et il ne s’est rien passé samedi soir. »

Yui hocha lentement la tête :

« Tu me jures que c’est réglé, que tu vas bien ?

-Oui.

-OK. Il ne s’est rien passé samedi soir. »

Il y eut encore un silence, puis Yui ajouta :

« Shion, je ne lui pardonnerai pas, même à lui, s’il lève à nouveau la main sur toi. »

Shion lui jeta un regard sombre, mais ne répondit rien. Yui soupira.

« Bon, je vais fumer une clope… On se retrouve au Conseil ?

-Tu fumes trop.

-Je sais. À tout’ ! »

Resté seul, Shion se remit à regarder la maquette. Utopia. Le week-end précédent, il avait failli perdre Nezumi, et jamais cette ville ne lui avait paru si dérisoire…

Un peu plus tard, 10 et 11 membres du Conseil étaient dans la salle de réunion, attendant leur président et la responsable de la diplomatie, Mme Gaikôkan.

En bout de table, l’un en face de l’autre, Adrian et Yui se faisaient du pied sous le bois noir, en toute discrétion. À droite de Yui se trouvaient successivement M. Kyoiki, responsable de l’éducation et de la recherche, un petit gros jovial, M. Shihô, chargé de la justice, un grand homme barbu a l’air sévère, Mme Nôgyo, l’agriculture, une petite femme bien en chair, Mme Kenkô, la santé, une femme à lunettes, toujours très propre sur elle, et enfin la benjamine du Conseil (23 ans) qui n’en faisait pas réellement partie, sa porte-parole, Mlle Koé. Les Conseillers issus de l’ancien Bloc Ouest. Face à eux, à la gauche d’Adrian, la place vide de Mme Gaikôkan, puis se trouvait Keitatsu, le chef de la police, en costard, très droit, Mme Sangyô, la trentaine, elle aussi dans un joli tailleur, responsable de l’industrie, et enfin M. Yosan, chargé du budget, jeune surdoué de la comptabilité de 29 ans, lui en jean et chemise simple. Les Conseillers issus de l’ancienne No°6.

Ça parlait de tout et de rien lorsque, du couloir, leur parvinrent les voix de Shion et de Mme Gaikôkan.

« … Vous croyez ? demandait cette dernière. Sullivan oserait remettre en cause les accords pétroliers ?

– Oh, c’est presque sûr… répondit Shion. Amsterdam et Dakar vont gueuler, Saint-Pétersbourg va attendre de voir et Téhéran ben, ça dépendra si le prince arrive à faire céder son père…

Ça promet pour les Annuelles !

– Je ne vous le fais pas dire… » soupira Shion en rentrant.

Mis à part Yui, tous tiquèrent en le voyant. Était-ce le noir, son air grave ? Ils se sentirent mal à l’aise, et le sourire glacial qui accompagna son « Bonjour à tous. » leur fit froid dans le dos. Personne n’osa répondre. Les yeux rouges firent le tour de la table.

« Avant toute chose, commença bien trop doucement Shion, je tiens à faire une mise au point avec vous. »

Un silence pesant suivit ses mots. Il continua :

« Je vous prie d’avance d’excuser ma vulgarité, mais pour être honnête, j’en ai véritablement plein le cul de faire votre boulot en dehors des heures ouvrables parce que vous n’avez pas envie. Vous êtes tous très compétents et c’est pour ça que vous êtes ici, mais votre travail ne s’arrête pas quand vous rentrez chez vous. Tout compétent qu’il est, aucun d’entre vous n’est irremplaçable. Alors je vais être on ne peut plus clair : la prochaine fois qu’une de mes soirées ou qu’un des rares week-ends que j’arrive à prendre sera gâché par un problème qui est de votre ressort, mais qui me tombe dessus parce que vous avez la flemme de décrocher votre téléphone, le flemmard dégagera de ce Conseil et sans discussion. Nous sommes un gouvernement. Nous n’avons pas d’horaires, nous avons un devoir. Et même le samedi, Mme Sangyô, quand il y a une urgence, il faut vous bouger pour la résoudre. J’espère que vous avez passé un bon week-end. Si je n’avais pas fait votre boulot, un tiers de notre ville aurait pu disparaître. Et moi, pour information, j’ai juste, en plus, failli perdre quelqu’un qui j’ai attendu sept ans et qui n’a pas supporté de passer encore après mon travail alors que je lui avais promis que nous aurions enfin un vrai week-end à nous. »

La jeune femme regarda par terre, honteuse. Yui grimaça. C’était donc ça…

« Je ne vous le répéterai pas. » acheva Shion en les regardant tous une nouvelle fois.

Le Conseil passa dans une ambiance étrange, entre ceux que la mise au point ne concernait pas et les autres qui n’osaient pas trop l’ouvrir, en tout cas face à Shion, mais certains n’en pensaient pas moins. Pour une fois, aucun esclandre… Un Conseil calme et productif.

Alors que tous remballaient leurs affaires, vers 13h, Shion conclut calmement en prenant ses dernières notes :

« Bon, merci à tous. Merci de ne me déranger personnellement qu’en ultime recours dans les semaines à venir, Kaoru sera là pour le reste, je voudrais vraiment pouvoir me concentrer sur les Annuelles, là. Mme Gaikôkan, prenez le temps de manger comme il faut, je vous attends après, qu’on voit le dossier dont on parlait. Keitatsu, je peux vous voir une minute ?

– Oui, bien sûr ? »

Les autres Conseillers se levaient et commençaient à sortir. Le responsable de la police s’approcha de Shion qui reclassait ses feuilles.

« Où en est l’enquête sur ce flic corrompu à Bloc Ouest ? Demanda Shion.

-Euh… En cours…

– Ça fait dix jours que ça traîne, vous attendez quoi pour au moins le suspendre ? »

Comme Keitatsu ne répondait pas, contrit, Shion lui jeta un œil et se leva :

« Ne me forcez pas à confier cette quête à d’autres services.

– Vous n’oseriez pas ! » s’étrangla le Conseiller.

Shion se leva et le regarda droit dans les yeux.

« Bloc Ouest en a plus qu’assez de ses histoires et moi avec. Alors faites votre boulot et appliquez les lois et vite. Maintenant, excusez-moi, j’ai un coup de fil à passer. »

Shion prit ses affaires et sortit. Dans le couloir, Yui, qui était avec Adrian, Yosan et Koé, l’interpella :

« Tu manges avec nous, Shion ?

– Coup de fil à passer, je verrai après.

– On sera à la cantine !

– OK. »

Shion fila dans son bureau, posa tout en vrac et prit son téléphone.

Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas composé ce numéro.

« Cabinet d’Andrologie, bonjour ! Dit une sympathique voix féminine.

– Bonjour, euh… Shion Seijunna. Est-ce qu’à tout hasard, le docteur Dansei serait disponible, s’il vous plaît ? »

*********

Haru avait réveillé Nezumi vers 8h30 en grimpant sur le lit.

« Coucou, poussin… » avait-il bâillé.

L’enfant avait rigolé :

« Zumi t’es tout fatigué !

– Ça, tu peux le dire… Tu as faim ?

– Oui !

– Moi aussi…

– Alors on va manger ?

– Ouais ! »

Nezumi sortit du lit en s’étirant, ramassa son boxer et son pantalon et les enfila en sifflotant.

« Zumi, tu as bobo à ton dos ? »

Nezumi réalisa un peu tard que son dos couvert de cicatrices n’était pas un spectacle pour un enfant de 3 ans… Il se tourna et lui sourit, rassurant :

« Non, Haru, ne t’en fais pas. Ce sont de très vieux bobos, ils sont guéris depuis longtemps.

– Ça fait pas mal, alors ? »

Nezumi prit l’enfant dans ses bras et lui fit un bisou :

« Non, ça ne fait pas mal. Ne t’en fais pas. On va manger ?

– Oui ! »

Ils descendirent et furent accueillis dans les règles par la ménagerie complète. En effet, comptant machinalement les souris, Nezumi se rendit compte qu’elles étaient toutes là.

« Hamlet, tu n’es pas partie avec Shion ? »

La souris se posa sur son postérieur et couina un moment.

« Ah, d’accord… Vous avez mangé ?

– Squik ! Squik squik !

– Bien, je vais voir. »

Haru laissa Nezumi l’asseoir à la table de la cuisine en demandant :

« Zumi, elle a dit quoi ‘am’et ?

– Que Shion était de sale humeur et qu’il était parti si vite qu’elle n’a pas eu le temps de le suivre, et qu’elles n’ont pas toutes mangé parce que certaines dormaient encore… » répondit Nezumi en fouillant dans son frigo.

Haru rigola.

Ils déjeunèrent tranquillement, se préparèrent et vers 9h30, quittèrent la maison. Nezumi n’ayant pas de permis de conduire avait adopté le réseau de trams en attendant. Il savait conduire, il fallait juste qu’il aille passer le test pour le faire reconnaître, mais comme le réseau était gratuit, rapide et efficace, il n’était pas pressé. Le tram les conduisit vite à Lost Town, à la crèche.

Pour s’y faire éconduire fort peu poliment par Rika.

« Non mais, venir à 10h sans même prévenir, vous vous prenez pour qui ?! De toute façon, nous n’avons plus de place, une de mes collègues est malade ! Vous ne travaillez pas, de toute façon, alors vous pouvez bien garder Haru aujourd’hui et… »

Nezumi était resté bête puis il fronça les sourcils et la coupa vivement :

« Oh, ça va ! »Rika resta bête à son tour.

« OK, je garde Haru. Effectivement, je bosse pas, ça me gène pas. Ça vous gênerait, vous, d’être un peu plus aimable ? »

Un silence assez surpris suivit sa réplique. Même Haru, dans ses bras, le regardait avec des yeux ronds. Sur son épaule et depuis la poche de son jean, Encre, Cravate, Lueur de Lune et Hamlet le regardaient aussi, intrigués. Encre couina.

« Maintenant, reprit cette fois froidement Nezumi, si vous avez un problème avec moi, je peux laisser Haru à une de vos collègues cinq minutes pour qu’on s’explique. »

Rika grogna sans répondre. La directrice de la crèche, dont le bureau était juste à côté de l’entrée, sortit voir ce qui se passait.

Nezumi ne lâchait pas Rika des yeux et Haru les regardait l’un l’autre sans comprendre.

« Euh, M. Kazemori ?… tenta la directrice en s’approchant. Bonjour ?…

– Bonjour, lui répondit Nezumi, strictement poli.

– Il y a un problème ?

– Il y a que je peux tout à fait comprendre que j’amène Haru tard et que vous n’ayez plus de place, mais qu’il y a des façons de me le dire. »

La directrice jeta un œil sévère à sa subordonnée et reprit :

« Désolée, nous avons eu une absence imprévue. Nous n’appelons pas dans ce cas et prenons les premiers enfants qu’on nous amène et en priorité ceux dont les parents travaillent. Je n’ai pas pensé à vous dire de nous avertir quand vous êtes en retard, il aurait fallu que vous nous appeliez. »

Nezumi eut un sourire :

« Pas de problème, je peux garder Haru aujourd’hui. »

Encre couina sur son épaule, le faisant à nouveau sourire. Alors que Rika et la directrice lui jetaient un œil sceptique, il reprit :

« Quoi qu’il en soit, encore une fois, c’est plus la forme que le fond qui m’a posé problème. Je suis vraiment désolé de ne pas être la gentille compagne que vous attendiez pour Shion, ajouta-t-il, venimeux, pour Rika. Mais vous feriez bien de vous habituer à ma présence. Sur ce, je vous souhaite une agréable journée. Comptez sur moi pour vous avertir si je ne suis pas à l’heure demain. »

Il inclina la tête et ressortit sans rien ajouter. Une fois dehors, il fit un bisou à Haru qui le regardait toujours avec de grands yeux.

« Ça te va de passer la journée avec moi, Haru ? »

Le petit garçon sourit :

« Oui ! »

Encre couina à nouveau et Nezumi lui jeta un œil amusé :

« C’est fini, toi ? T’es une souris, pas une vipère !

-Squik !

– Elle dit quoi, Enc’e, Zumi ?

– Des bêtises, comme souvent. En gros, elle trouve pas plus mal que tu restes avec nous vu l’ambiance là-dedans. Bon… Si pour commencer, on allait saluer ta grand-mère et ta tante ?… C’est par là, je crois , »

Du fait de sa grossesse, Karan ne travaillait plus que le matin. Il y avait quelques clients lorsqu’ils entrèrent, dont une vieille dame toute voûtée et toute petite, qui disait :

« Oh, s’il vous plaît ? Vous allez vraiment fermer ?

– Bientôt, oui, pour finir ma grossesse tranquillement.

– Oh, vos petits pains vont bien me manquer !

– Vous les retrouverez quand je rouvrirai ! » répondit joyeusement Karan.

Haru trotta jusqu’à elle.

Nezumi salua silencieusement les personnes présentes d’un signe de tête. Il sourit à la vieille dame qui disait tranquillement :

« Oh, vous savez, je ne serai sûrement plus là… Je suis bien trop fatiguée. »

Il y eut un silence gêné que Nezumi rompit d’un très doux :

« Ceux qui vous attendent seront très heureux de vous retrouver. »

Tous le regardèrent avec surprise. La vieille dame lui sourit. Karan appela le client suivant et Nezumi tint la porte à la vieille dame lorsqu’elle sortit.

« Merci beaucoup, jeune homme.

– Saluez mes parents pour moi si vous les voyez. »

Il rejoignit Karan :

« Comment ça va ? »

Elle le regardait avec scepticisme :

« Euh… Bien… Tu lui as dit quoi, là ?

– Rien, rien. » répondit-il innocemment.

Karan n’insista pas, pensant qu’elle avait mal entendu.

Ils passèrent un petit moment avec elle. Puisqu’ils n’avaient rien de précis à faire et qu’il faisait très beau, elle leur proposa tout simplement d’aller traîner en ville. Le grand parc, réaménagé, était magnifiquement fleuri en cette saison.

Nezumi pensa qu’un peu de verdure ne lui ferait pas de mal. À rester enfermé comme une huître dans sa bibliothèque, ça faisait un moment qu’il n’avait pas pris le soleil.

Ils quittèrent donc la boulangerie et prirent la direction du centre-ville. Nezumi marchait au rythme d’Haru, c’est à dire assez lentement. Tant et si bien que c’était l’heure du déjeuner lorsqu’ils atteignirent le centre-ville. Cette balade leur ayant donné faim à tous les deux, ils décidèrent de manger avant de rejoindre le parc et, croisant le Paddy’s, Nezumi se dit qu’un hamburger et une Guiness lui iraient très bien. Ils entrèrent donc et se posèrent à une table. L’endroit était bien plein et la toute jeune serveuse débordée. Elle les avertit qu’elle s’occupait d’eux « dès que possible ». Au comptoir, la patronne non plus ne chômait pas et on devinait sans mal que son mari et leur cuistot ne donnaient pas leur part de boulot au chien à la cuisine non plus.

Nezumi et Haru n’étaient pas pressés ; l’enfant s’amusait avec les souris et Nezumi rêvassait. Il aimait vraiment bien ce lieu. Au bout d’un moment, il dit en se levant :

« Je vais aux WC, soyez sages. »

Sachant pertinemment qu’il pouvait laisser Haru seul puisque les souris étaient là.

En revenant, il avisa la pauvre serveuse -une mignonne petite rousse sûrement plus jeune que lui- qui peinait avec un plateau de couverts visiblement très lourd et lourd, sentant venir la catastrophe, s’approcha d’elle juste à temps pour saisir le plateau mal équilibré avant qu’il ne renverse.

Elle le regarda avec surprise et lui lui demanda :

« Ça va ?

– Euh oui euh,… merci…

– de rien. »

Il alla poser le plateau sur le comptoir tout naturellement avant de retourner d’asseoir près d’Haru. Ce dernier avait tout vu et tapa des mains :

« Zumi t’es trop fort !

– Hm ?… Oh non, c’est rien ça, des plateaux j’en ai porté des plus lourds… »

Au comptoir, la patronne le regardait avec intérêt.

« Tu sais po’ter des gros plateaux ? Demanda Haru.

– J’ai déjà bossé dans une espèce de cabaret qui faisait aussi bar…

– Ah ?… Où ?

– À Bloc Ouest… Ça s’appelait L’Arc En Ciel… Il y avait une scène, la journée, on chantait ou on récitait des trucs et le soir, on virait les table, on mettait plein de chaises et on faisait du théâtre… Et donc, la journée quand on chantait pas, ben, on servait dans la salle. »

Y songeant, Nezumi se demanda si ce lieu existait toujours. Il n’avait en fait pas remis les pieds à Bloc Ouest depuis l’attaque de No°6, la veille de la chute du Mur. Il faudrait qu’il aille voir ça à l’occasion…

La petite serveuse vint enfin à leur table :

« Encore merci pour tout à l’heure…

– Encore de rien.

– Vous avez de sacrés réflexes !

– Habitude de chasseur… Face à des ours, des réflexes, il en faut. «

Elle resta bête.

« Euh… Pardon… ?

– Non, rien. Vous pouvez prendre notre commande, s’il vous plaît ? »

Ils furent bientôt servis. Le pub s’était bien vidé et la serveuse comme la patronne soufflaient un peu. Le patron, d’ailleurs, sortit de la cuisine pour venir se poser près de son épouse, au comptoir. Nezumi sourit en les voyant se faire un petit bisou. Il dégustait paisiblement sa bière, repu, pendant qu’Haru mangeait la glace qu’il avait prise en dessert. Les souris, repues aussi, s’endormaient sur la table, et Nezumi vit la patronne le désigner discrètement en parlant à son mari.

La glace finie, sa bière également, et les souris installées pour dormir dans un replie de son étole ou ses poches, il prit Haru dans ses bras et gagna le comptoir pour aller payer. Il posa Haru sur un des grands tabourets et sortit la carte de paiement.

La patronne ne tarda pas à venir à la caisse.

« Encore merci pour tout à l’heure ! Dit-elle aimablement en lui tendant la note.

– Toujours de rien. » répondit-il en lui tendant la carte, toujours celle de Shion, et ses papiers, toujours provisoires.

Shion oubliait régulièrement d’aller récupérer à la banque la carte qu’il avait fait faire à son nom -Nezumi ne voulait pas de compte à lui, n’ayant rien à mettre dessus-, et Nezumi, lui, ne pensait jamais à mettre dans sa poche sa nouvelle carte d’identité, restée sagement dans son enveloppe, sur la commode du salon.

« Vous portez les plateaux avec un naturel impressionnant.

– Je l’ai eu fait, il y a quelques années, j’ai dû garder quelques restes…

– On chercher quelqu’un en plus, si ça vous dit de recommencer ? »

Nezumi la regarda un instant, puis répondit lors qu’elle lui rendait la carte :

« Euh, il faudrait voir les horaires et tout, et que j’en parle à Shion, mais pourquoi pas ? »

Elle hocha la tête :

« Principalement renfort entre 11h et 14h la semaine et des fois la journée le samedi… Ça fait peu d’heures, par contre… »

Nezumi hocha la tête à son tour :

« J’ai pas travaillé depuis longtemps, j’aime autant pas avoir trop d’heures pour recommencer. Je peux lui en parler ce soir et repasser demain ?… Y a pas de raison qu’il refuse, mais bon…

– Ce n’est pas à un jour près, pensez juste à nous prévenir vite si c’est non. On peut vous prendre à l’essai quelques jours et voir.

– Ça m’irait bien.

– C’est comment, votre nom ?

– Aki. Kazemori Aki.

– Euh, le prénom, c’est Aki ? »

Il rigola.

« C’est ça. Encore du mal avec les noms japonais ?

– Oui, j’avoue ! Répondit-elle avec le même amusement. Je m’appelle Epona Bell.

– Epona, vraiment ? Où sont vos chevaux ? »

Elle le regarda avec stupéfaction puis éclata de rire :

« Alors ça ! Vous êtes bien le premier ici à me sortir ça ! »

Nezumi sourit.

« Je ne me suis pas trompé, au moins ?

– Non, pas du tout. Mais d’où connaissez-vous la mythologie irlandaise ?

– Oh, j’ai beaucoup lu. »

Haru tira la manche de Nezumi qui tourna son sourire vers lui :

« Pou’quoi les s’vaux ?

– Epona, c’est le nom d’une déesse des chevaux dans de très vieilles légendes. Je te montrerai le livre à la maison. »

Il attrapa le petit garçon en disant :

« Allez, on se bouge ! »

Il serra la main qu’Epona lui tendait :

« Je repasse demain, donc. Bonne journée en attendant, Epona.

– Bonne journée, Aki. »

Ils sortirent. Le patron, qui n’avait rien perdu de la scène, rejoignit son épouse qui lui demanda :

« Qu’en dis-tu ?

– Beau garçon costaud, intelligent, vif, avec de l’aisance, le l’humour et de la culture… On pourrait pas rêver mieux. »

Un peu plus tard, assis sur un banc dans le parc, Nezumi regardait avec un sourire Haru jouer dans un bac à sable avec cravate, Lueur de Lune et Encre. Hamlet siestait toujours das un recoin de son étole.

Il réfléchissait. L’idée de reprendre du service comme serveur ne lui déplaisait pas, surtout à temps partiel et surtout au Paddy’s. Ça le ferait bouger, rencontrer du monde et gagner un peu d’argent. Il n’avait jamais eu l’intention de vivre aux crochets de Shion et d’ailleurs ce dernier, s’il avait un salaire très honorable, n’était pas Crésus non plus.

Il en était là de ses réflexions lorsqu’une présence qui approchait dans son dos lui arracha un sourire en coin.

« Salut, Freedom. Quel bon vent t’amène ? »

Yui rigola et vint s’asseoir près de lui :

« Je vois que ton sixième sens est intact.

– C’est une base pour survivre dans les montagnes, tu sais.

-Ouais, sûrement. »

Il y eut un silence. Puis Yui reprit, l’air de rien :

« Y a eu un beau resserrage de boulons au Conseil, ce matin. T’aurais adoré le spectacle, je pense…

– Ah ?

– On dirait que maintenant que tu es là, Shion est décidé à se calmer sur les heures sup’ et surtout sur celles qui ne relèvent pas de sa responsabilité propre. C’est plutôt bien.

-… Ouais. »

Yui étendit ses bras sur le dossier du banc alors que Nezumi appuyait ses coudes sur ses cuisses. Il y eut un long silence que Nezumi interrompit d’un hésitant :

« Shion… travaille beaucoup, hein ?

– Il est inhumain… soupira Yui. En fait, il abat juste le travail de trois personnes… Si on considère qu’en plus de la présidence, il gère aussi l’écologie et la culture…

– Ah ouais…

– Il ne t’a pas expliqué ?

– On a pas encore eu le temps de parler beaucoup de tout ça… Il est vraiment… Indispensable … ? »

Yui eut un sourire.

« Les cimetières sont pleins de gens indispensables.

– Quand je lis les journaux ou que je regarde la télé, on voit un peu que lui quand même…

– Ouais. C’est ça le problème, en fait.

– Hein ?… Je te suis pas, là… »

Yui sourit à nouveau et expliqua calmement :

« Shion fait un travail de titan… Mais quand on y regarde de près, on s’aperçoit assez vite qu’il délègue au maximum et surtout, qu’il est bien trop intelligent pour ne pas avoir tout mis en place de façon à ce que tout puisse tourner sans lui en cas de problème. Même les trucs les plus confidentiels, je suis sûr que c’est noté dans un coin, confié à quelqu’un qui saurait le remettre à qui il faudrait si besoin. Le problème, c’est pas tant son boulot que le fait qu’il soit le centre du réseau et que tout le monde croit dur comme faire qu’il est indispensable. »

Nezumi hocha lentement la tête.

« Il n’est pas indispensable, mais tout le monde est persuadé du contraire…

– C’est ça. Et s’il disparaissait ou lâchait tout toujours, Utopia s’écroulerait.

– Tu viens pas de dire qu’il était pas indispensable dans les faits ?

– Lui non, Nezumi, mais ce qu’il représente l’est. »

Il y eut un nouveau silence. Puis Nezumi soupira :

« L’unité d’Utopia ?

– Oui. Le Mur est tombé, mais tu sais, il est encore dans pas mal de têtes. Shion est passé de Chronos à Bloc Ouest, avec un crochet à Lost Town. Sa légitimité tient en grande partie à ça, au fait qu’il ait vécu partout. Il s’est retrouvé à la tête de la reconstruction sans y faire gaffe et y est resté parce que la situation ne lui a pas laissé le choix. Il ne l’a jamais voulu, il n’a rien à faire du pouvoir et n’a qu’une envie, c’est démissionner. Mais il sait que, même si tout peut tourner sans lui, dans les faits, s’il disparaît, toutes les rancœurs et les haines vont resurgir et Utopia s’effondrera comme un château de cartes. »

Nezumi hocha à nouveau la tête. Yui reprit :

« Depuis trois ans, j’ai déjoué six attentats contre lui… »

Nezumi sursauta et le regarda avec des yeux ronds.

« Il n’est au courant que de deux, mais à mon avis, il n’est pas dupe. Sérieux, sa résistance à la pression est aussi inhumaine… Je sais pas combien des gens arriveraient à se lever le matin en se faisant insulter sans arrêt par ses ennemis… Moi, j’ai l’habitude, mais lui, je ne m’attendais pas à ce qu’il gère ça si bien. »

Nezumi eut un sourire :

« Les insultes glissent sur lui sans l’atteindre, tu n’as pas à t’en faire pour ça… Il regarde les gens d’un air intrigué et continue comme si de rien n’était…

– Ouais, c’est dingue. Je l’ai jamais vu se mettre en colère… »

Cette fois, Nezumi rit carrément.

« Crois-moi, t’as pas envie !

– De… ?

– Le voir vraiment en rogne ! Il est flippant ! »

Yui le regarda avec surprise :

« Sérieux ? »

Nezumi ne put qu’opiner du chef, hilare. Il finit par se calmer et soupira :

« Enfin, j’en ris maintenant, mais sur le coup, ça fait bizarre… »

Yui sourit, plus doux :

« Shion en colère, pour moi, c’est juste inimaginable… J’ai jamais connu quelqu’un d’aussi gentil…. Clairement totalement fêlé, mais d’une gentillesse incroyable… J’ai mis des semaines à lui faire réellement confiance tellement ça me paraissait impossible, après ce qu’il avait passé, qu’il soit resté si… Si pur… Quand je pense aux articles qui le décrivent comme un mégalo assoiffé de pouvoir et autocrate, je me dis qu’on peut difficilement être plus côté de la plaque…

– délires de jaloux aigris…

– Oui, mais là, ils se trompent de cible en le croyant maître de cette ville. »

Nezumi lui jeta un œil en coin sans comprendre :

« … Shion n’est pas l’homme le plus puissant d’Utopia ?

– Non, Nezumi. L’homme le plus puissant d’Utopia, c’est toi. »

Nezumi se tourna vers lui, les yeux ronds :

« Pardon… ?

– Nezumi, l’homme le plus puissant de cette ville, c’est toi, parce que tu tiens Shion dans ta main. Il a besoin de toi comme de l’air qu’il respire, parce que tu es son monde, parce que si demain, tu décides de retourner dans tes montagnes, il aura préparé ton sac avant que tu aies fini de lui dire, mais cette fois, le sien sera prêt aussi, et il te suivra sans un regret.

– Et Utopia s’écroulera comme un château de cartes.

– C’est ça. »

Je me contrefous de cette ville de cons !… C’est toi le seul dont j’ai besoin…

Les paroles de Shion résonnaient dans sa tête ;

Voyant Haru se mettre à pleurer dans son bas à sable, il se leva d’un bond pour aller voir. Encre grimpa sur son épaule et couina. Nezumi hocha la tête et alla prendre l’enfant dans ses bras. Haru était juste fatigué de sa marche du matin et de ne pas avoir fait la sieste. Nezumi le consola gentiment et quand il se releva, Yui n’était plus là.

Nezumi regarda le banc vide et eut un sourire.

Message reçu, Freedom, pensa-t-il. Merci.

Il dit doucement :

« T’es épuisé, mon poussin. On va rentrer, d’accord ? »

Haru renifla et se bouina conte lui. Nezumi lui fit un petit bisou sur le front et ils partirent. Nezumi ne voulait pas perdre de temps, il prit le tram directement du centre-ville.

Il était pensif, berçant Haru en lui fredonnant une vieille berceuse. L’enfant sommeillait.

Ils poussèrent la porte de la maison juste à temps pour entendre un bruit de casseroles tombant au sol. Nezumi se précipita à la cuisine pour découvrir avec stupéfaction son amant en train de se masser les tempes au milieu de quatre casseroles.

« Shion ? »

Nezumi sourit avec tendresse :

« Tu es déjà là ? »

Shion soupira, las :

« Mal de tête… Kaoru m’a mis dehors… »

Nezumi vint le prendre dans ses bras.

« Je suis content de te voir.

– Moui… répondit Shion en enfouissant son visage dans son cou.

– Qu’est-ce que tu fabriquais ?

– Pas pris le temps de manger, je volais me faire un truc… »

Nezumi gloussa, lui fit un petit bisou en prenant son visage entre ses mains fines et lui dit :

« Vas aider ton fils à enlever ses chaussures, je vais préparer quelque chose. »

Shion sourit et lui rendit son bisou :

« D’accord ! »

Haru ne mangea pas beaucoup, grognon. Shion pour sa part mangea pour deux. Nezumi chantonnait, paisible, content que Shion soit là si tôt, même s’il savait bien que ça ne pourrait pas être toujours le cas.

Après manger, ils allèrent coucher Haru qui s’endormit sans broncher, et fatigués aussi, allèrent s’allonger sur leur lit pour se reposer un peu et surtout parler.

Nezumi se coucha sur le dos et Shion s’allongea contre son flanc, blotti contre lui. Nezumi se mit à caresser sa tête.

« Je suis content que tu sois rentré si tôt, mon ange.

– Moui !… Euh, Nezumi, je voulais te dire euh…

– Oui ?

– Si tu veux, on peut repartir dans ton village ? »

La main s’immobilisa dans les cheveux blancs.

« … Pardon?!…

– Ben, je me disais juste que euh… Je veux pas te forcer à rester ici si tu ne veux pas … ? »

Nezumi sourit, ému, et se tourna pour serrer Shion dans ses bras :

« Merci d’y avoir pensé, mon ange. Merci. Ce n’est pas possible, mais merci…

– Pas possible ?…

– Oui, je l’ai juré… »

À suivre dans le chapitre 6 : Passé et Présent.

(14 commentaires)

  1. heureusement, j’avais lu la moitié hier soir malgré la fatigue, pour me rassurer du chapitre d’avant parce que, attendre 24h après le chapitre 4 je ne sais même pas comment j’ai fait, mais 48h c’était trop !! cette fic’ m’a rendue addictive lol je me suis surprise à me demander en pleine journée « mais qu’est ce qui va se passer après ? » ^^
    J’aime toujours autant, c’est parfois léger, parfois très sérieux : j’ai adoré la réplique de freedom qui lui dit qui est l’homme le plus puissant de No6, vraiment bien écrit 🙂 et j’imagine qu’il y a un paquet d’heure derrière tout ça, alors bon courage pour la suite !

    1. @Maru : Ben toujours merci ^^ ! Tu vas avoir le 7 assez vite eh eh eh…. Ouais, c’est un long et gros boulot mais déjà je m’éclate à l’écrire et ensuite, vu les supers retours que j’ai 😉 , le nombre de gens qui suivent, ici ou sur FFNet ou le forum… Ben ça motive ^^ !!! Sinon, j’aime vraiment beaucoup Freedom… Comme je l’ai déjà dit, lui et Adrian servent de pendants adultes à Shion et Nezumi et aussi un peu de « mentors » … Tu verras d’ailleurs comment Freedom a connu Nezumi dans le chapitre 6. A tout bientôt ^^ !

    1. @Alissa : Ah oui,… Ben j’ai fait dans la symbolique pas fine mais j’aime bien la façon dont ils se font payer tous les deux le mal qu’ils se sont fait en fait…

  2. Aaaaaw c’est toujours aussi bien =3
    Sans vouloir spoiler, tu nous montre un côté de Nezumi qui est plutôt inattendu dans le lemon, et franchement j’adore o/
    Continue comme ça, la suite promet !

  3. Très bon travail mon lieutenant ! Je suis fière de vous ( comme toujours ) Bon évidement à peine le chapitre lu que je veux la suite ! Il ne faut pas faiblir !

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