No°6 – Après 03 : Ta Vie

JOYEUX NOWEL À TOUS !!!

No°6 – Après

Chapitre 03 : Ta Vie

Lorsque Nezumi rouvrit les yeux, il loucha sur une souris grise, qui lui apparaissait la tête en bas. Il referma les yeux, prit une seconde pour réfléchir et les rouvrit. L’animal était sur son front, penché, ce qui expliquait qu’il la voit à l’envers.

« Salut, dit-il. On se connaît ? »

La souris couina.

« Ah, c’est bien ce qui me semblait… »

Il sourit.

« Enchanté.

– Squeek ! Squeek ! »

Nezumi sentit remuer contre lui et la voix ensommeillée de Shion s’éleva :

« … Nezumi… ? »

Le brun sourit encore et resserra ses bras autour de son ami en guise de réponse. Il sentit Shion soupirer d’aise. La souris trotta sur Nezumi pour aller sur sa poitrine, devant le nez de Shion.

« Bonjour, Juliette… » Murmura ce dernier.

Il se redressa en bâillant et vint faire un petit bisou à Nezumi :

« Bonjour, toi.

– Bonjour, Shion.

– Comment te sens-tu ?

– Je me suis déjà senti plus en forme… Où sommes-nous ?

– Dans l’hôpital Nord… Chambre 42, premier étage. Tu as été transporté ici avant-hier après t’être évanoui dans une galerie marchande.

– Ah… Et euh,… Tu m’as trouvé comment… ?… Il y avait une alerte sur ma gueule ?

– J’adorerais pouvoir te répondre qu’on est connecté et que je t’ai senti arriver, mais ça serait trop beau… »

Les cinq autres souris vinrent également gambader plus près d’eux.

« Tu as une souris que je ne connais pas ? dit Shion en caressant la petite tête toute noire.

– Et toi, deux.

– Euh, en fait, il y en a trois autres à la maison… Hamlet a eu cinq petits un peu après ton départ. D’ailleurs à ce propos… »

Shion attrapa Cravate et Lueur de Lune :

« … Maintenant que je vous tiens enfin, vous deux ! Que le coupable se dénonce ! Qui est le papa ? »

Les deux souris le regardèrent et se regardèrent et Nezumi et Shion éclatèrent de rire alors que Lueur de Lune se mettait visiblement à engueuler Cravate qui se fit tout petit.

On toqua à la porte et deux infirmières entrèrent, une trentenaire toute ronde et joviale et une plus jeune et plus timide.

« Ah, ils sont réveillés ! S’exclama la première. Bonjour !

– Bonjour, Emma, lui répondit Shion. Vous allez bien ? »

Il caressa le bras de Nezumi qu’il avait senti frémir à la vue des blouses blanches.

« Ça fait plaisir de vous voir enfin réveillé ! » Continua la joviale infirmière en s’approchant, pour Nezumi qui se redressa sans grande énergie.

Shion le soutint le temps de redresser l’épais oreiller. Nezumi lui sourit et s’installa contre.

« Merci, ma petite fleur.

– De rien, mon joli rat. »

Shion et Nezumi s’étreignirent un instant et les infirmières échangèrent un regard, Emma attendrie et sa jeune collègue un peu rose.

« Vous devez être morts de faim, le petit déjeuner arrive, dit Emma. Vous, reprit-elle pour Nezumi, il faudra manger lentement pour ne pas être malade. On vous a préparé un menu spécial, très digeste…

– Ah euh… Merci.

– Il y a combien de temps que vous n’avez rien mangé ? Demanda-t-elle en posant sa main fraîche sur son front.

-Euh… Je ne sais pas trop quel jour nous sommes ? répondit-il.

– Le jeudi 2 avril 2020, il est 7 h 43.

– … Houla, j’ai perdu plus de temps que je pensais. J’ai quitté le village début mars. J’ai épuisé mes provisions assez vite, parce que j’ai été bloqué par les dernières neiges pendant un moment… Du coup, ça doit faire trois semaines que je faisais avec ce que je trouvais…

– Eh ben, vous êtes résistant !

– J’ai l’habitude… J’ai souvent pas mangé à ma faim dans ma vie…

– Ouais, bah va falloir manger maintenant ! Il faut vous remplumer ! »

Shion prit la main de Nezumi dans les siennes :

« Tu es parti si loin que ça…

– J’ai cherché un moment.

– Et tu as trouvé ? »

Nezumi lui sourit :

« Oui. »

Alors que Shion regardait, surpris, il opina du chef, les yeux pétillants :

« Si, si. »

Shion sourit à son tour, les yeux brillants aussi :

« C’est super…

– Je te raconterai tout ça tranquillement. »

Deux infirmiers poussant une table roulante entrèrent.

« Ding, livraison de petit-déj’ ! »

Shion se leva du lit alors que l’infirmier continuait :

« C’est ici le petit-déj’ spécial ?

– C’est ça, confirma Emma. Pour le jeune homme dans le lit. Il doit aussi y en avoir un normal pour notre président. »

Shion lança un œil sévère à l’infirmière, mais occupé à bâiller, il ne put répliquer. Nezumi par contre avait sursauté et le regardait avec des yeux ronds :

« … Président ?… »

Shion lui jeta un oeil gêné.

« … Tu es président ?

– Euh… Ben, disons que moi aussi, j’ai plein de trucs à te raconter… »

*********

Le peigne glissait dans les longs cheveux bleutés avec douceur.

« Je n’en reviens pas qu’ils aient autant poussé… Soupira Shion. J’ai fini de les démêler. Je te fais une tresse ? Ça sera plus pratique pour te reposer… Le chignon te gênerait.

– Si tu veux, oui. »

Nezumi finissait de vider son plateau, posé sur la table roulante accolée au lit. Il avait pris son temps, conscient que son estomac ne supporterait pas trop d’aliments d’un coup. Du coup, Shion, qui avait fini bien avant, s’était assis dans son dos pour le coiffer.

La tresse finie, Shion passa ses bras autour de Nezumi et posa son menton sur son épaule.

« Ça passe ?

– Oui, oui… »

Sur le plateau, les six souris se partageaient un morceau de pain.

« Comment elle s’appelle, ta petite souris noire ? Demanda Shion.

– Je ne lui ai pas donné de nom… Répondit Nezumi, et il ajouta en tournant la tête vers Shion avec un petit sourire : C’est ton boulot, ça. »

Shion rigola.

« Et les deux, là ? La grise, c’est Juliette, c’est ça ? Et la noire ?

– Macbeth. Méfie-toi, c’est une vraie teigne.

– Quelle idée aussi de l’appeler comme ça ?

– C’est parce que c’était une vraie teigne déjà petit que je l’ai appelé comme ça.

– Je vois.

– J’ai gardé la chienne, aussi.

– Omae ?

– Oui.

– Inukashi va bien ?

– Oh, merveilleusement. Figure-toi que mademoiselle a un petit ami…

– Berger allemand ou labrador ? rigola Nezumi.

– Non, non, vrai bipède sans poils, enfin dans la moyenne humaine…

– Sérieux ?

– Eh oui !

– On aura tout vu… Elle l’a connu comment ?

– Oh, ça, c’est assez surréaliste. Bloc Ouest est toujours en reconstruction et on a de sacrés soucis avec des promoteurs pourris qui essayent d’expulser les gens de force pour pouvoir reconstruire les immeubles sans avoir à reloger leurs habitants comme la loi l’ordonne. C’est une de ces boîtes qui a voulu chasser notre amie, sauf que quand ils ont su qu’elle me connaissait personnellement et que c’était en partie pour ça que leur PDG avait été embarqué par les flics, le nouveau PDG a décidé de la jouer plus réglo et a proposé à Inukashi de lui offrir une belle baraque avec un immense terrain pour ses chiens en échange de son hôtel. C’est le gars qu’il lui a envoyé pour négocier tout ça qui a flashé sur elle, il lui a fait une cour de dingue, elle a fini par succomber il y a trois semaines. Il a démissionné et va s’installer avec elle dans la grande maison en question. Rikiga a quitté la ville, il est parti s’installer à No°5…

– Ah bon, pourquoi ?

– Disons que je lui ai gentiment offert un aller simple pour lui permettre d’échapper à des gens bizarres à qui il devait pas mal d’argent…

– Je vois. Ta maman va bien ?

– Oh, merveilleusement aussi… Tu la verras tout à l’heure, elle doit m’apporter des vêtements propres avec Haru…

– Haru ?… »

Shion sourit alors que Nezumi fronçait les sourcils, puis il sursauta et se tourna vers lui :

« Le bébé ?… Tu l’as vraiment appelé Haru ?

– Bien sûr. »

Nezumi était stupéfait. Shion sourit et caressa sa joue :

« Ça ne te fait pas plaisir que je lui aie laissé le nom que tu lui avais donné ?

– Si… répondit Nezumi. Bien sûr que si ! ajouta-t-il plus vivement. C’est juste… J’avais dit ça comme ça…

– Bah ça lui va très bien, il te le dira…

– Tu l’as adopté ?

– Pas encore. Pour le moment, légalement, je suis en cotutelle avec ma mère. Non, parce qu’il ne faut pas abuser… Dans les faits, je suis tout de même encore mineur. »

Nezumi rit en retombant contre lui :

« … Tu es leur président et ils ne veulent pas que tu adoptes un bébé ?

– C’est moi qui n’ai pas voulu… Ça ne me gêne pas d’attendre cet automne. »

Nezumi soupira d’aise en se laissant couler dans les bras de Shion.

« Shion…

– Oui, mon coeur ?

– Je suis rentré…

– Bienvenue.

– On va vivre tous les deux ?

– Tous les trois, avec Haru.

– Ah oui, pardon… Tous les trois avec Haru… Ou tous les… Euh… Ça nous fait combien de souris du coup ?

– Ben… Neuf.

– Tous les douze alors ?

– Ou tous les treize avec Omae.

– C’est ça… »

Nezumi murmura :

« Ensemble jusqu’en enfer…

– Quoi qu’il arrive. » Répondit Shion.

Nezumi ferma les yeux, un grand sourire aux lèvres, et se serait sans doute rendormi si on n’avait pas toqué à la porte et qu’Emma n’était pas rentrée, suivie d’un quadragénaire aux tempes grisonnantes.

« Bonjour ! dit énergiquement ce dernier.

– Ah, je te présente le Dr Isha, Nezumi. C’est lui qui est venu me chercher, avec Cravate… »

Nezumi hocha la tête et serra sans grande force la main que lui tendait le médecin en disant :

« Sacrément intelligente, cette souris… Je n’avais même pas remarqué qu’elle était venue avec moi. Alors ! Comment allez-vous ?

– C’est pas à vous de me le dire, ça ? »

Shion et Emma éclatèrent de rire alors que Nezumi regardait le médecin avec scepticisme et celui-ci se gratta la tête :

« Effectivement ! »

Il se mit donc à ausculter le jeune homme alors qu’Emma allumait une tablette électronique, prenait un stylet et déclarait :

« Bon ! Notre bel endormi est enfin réveillé, peut-il nous donner son nom ? Puisque notre cher président n’a pas su nous le dire.

– Aki. Kazemori Aki.

– Hm, vous l’écrivez comment ?

– Je vais vous montrer… »

Shion regarda Nezumi prendre la tablette du stylet, les toiser en grimaçant, et tracer de son écriture fine, dans la case du nom, le kanji du vent (kaze) accolé à celui du protégé, ou du protecteur (mori), puis, dans celle du prénom, celui de l’automne (aki). Shion sourit et murmura :

« C’est un très beau nom… »

Il resserra ses bras autour de Nezumi :

« Il te va bien. »

Nezumi sourit et regarda le reste du formulaire. Il ne pouvait pas tout remplir, mais continua sur sa lancée en inscrivant sa date de naissance : le 22 septembre 2001. Puis il rendit la tablette à l’infirmière alors que Shion gloussait dans son dos.

« Vous aurez à remplir un dossier plus complet pour avoir votre carte d’identité… reprit Emma puis s’interrompit alors que Nezumi grommelait :

– C’est pas drôle, Shion. »

Shion rit cette fois pour de vrai et Nezumi se renfrogna.

Isha, qui prenait la tension du garçon, les regarda tous deux et demanda :

« Qu’est-ce qu’il y a ?

– Il y a qu’il vient de voir que j’étais plus jeune que lui. C’est pas drôle, Shion…

– Oh que si ! réussit à répondre Shion, hilare.

– Tu vas pas me faire suer pour quinze jours…

– Hmm… Si. »

********

Shion pianotait d’une main sur son ordinateur portable, posé à sa droite sur la table roulante, répondant à divers messages plus ou moins officiels et importants. Son autre main caressait les cheveux de Nezumi, couché sur le flanc et rendormi, la tête posée sur ses cuisses. Les souris dormaient aussi, blotties les unes contre les autres bien au chaud entre les deux garçons.

Le médecin avait décrété que le convalescent allait mieux et qu’il pourrait sortir au plus tard le week-end suivant si les résultats des examens complémentaires ne s’y opposaient pas. Nezumi s’était rendormi rapidement et Shion, du coup, avait sorti son ordinateur portable, que Marianne lui avait apporté la veille.

Les messages étaient divers, des communiqués officiels, des notes internes, des messages curieux ou inquiets de fonctionnaires ou de diplomates étrangers, que son absence aussi soudaine qu’imprévue intriguait. D’autres, simplement, souhaitaient un prompt rétablissement à l’ami qu’il veillait, en réponse à son second message officiel. En effet, l’absence totale d’explication dans son premier avait déclenché une telle vague d’inquiétude et de stupeur qu’il avait dû se fendre d’un deuxième message pour expliquer qu’il était au chevet un ami très cher à son cœur hospitalisé au retour d’un long voyage. Seuls ses collaborateurs les plus proches ou les plus anciens (ceux qui avaient croisé Nezumi avant son départ ou qui étaient passés chez Shion et avaient vu la photo) avaient compris. Apparemment, la nouvelle n’avait pas encore atteint les médias.

Nezumi soupira dans un demi-sommeil avant de resombrer aussitôt. Shion sourit et se pencha un peu sans cesser de caresser sa tête. L’une des souris avait dressé la tête, deux autres tourné une oreille.

Nezumi était presque aussi pâle que le mur de sa chambre, amaigri, épuisé, mais il était vivant… Son corps était chaud, endormi contre le sien.

Et tu ne partiras plus, n’est-ce pas ?

Shion se redressa, car on venait de frapper à la porte.

Hogosuru entra dès que Shion le lui permit :

« Shion, messieurs Tomodachi et Ittetsu sont là et voudraient vous voir.

– Ah, vous pouvez les faire rentrer, pas de problème.

– D’accord.

– Hogosuru, vous être relevé quand ? Vous avez l’air épuisé… s’inquiéta Shion.

– Kanshi arrive dans 20 minutes.

– Ah, parfait. Alors reposez-vous bien et mes amitiés à votre petite famille.

– Merci. »

Le garde du corps s’effaça pour laisser entrer deux hommes en costard-cravate. Satoru Tomodachi vint vers Shion, souriant, et dit tout bas en lui serrant la main :

« Bonjour, Shion. Content de vous voir ! J’avoue que je me suis inquiété quand on m’a dit que vous étiez ici.

– Je vous reconnais bien là ! sourit Shion. Mais ce n’est pas moi le convalescent, je squatte juste. Bonjour monsieur Ittetsu ! continua-t-il en serrant la main du second homme qui le regardait et regardait Nezumi avec un drôle d’air. Que se passe-t-il donc pour que vous veniez me chercher ici ?

– Nous avons besoin de voir rapidement avec vous les modalités du projet d’école internationale, expliqua Tomodachi. Nos partenaires sont très intéressés, mais voudraient du concret rapidement.

– Ah oui, exact… Je n’ai pas le dossier complet ici, mais j’ai l’essentiel en tête… Si vous voulez bien vous asseoir, nous allons voir ça ? Il y a une deuxième chaise dans la salle de bains. » dit Shion en désignant la porte qui faisait face au pied du lit.

Tomodachi hocha la tête et partit la chercher, alors qu’Ittetsu s’asseyait, très tendu, dans celle qui était posée près du lit. Shion n’avait pas cessé une seule seconde de caresser la tête de Nezumi qui n’avait pas bronché. Son autre main pianotait sur le portable, à la recherche du dossier en question.

Tomodachi s’installa et les trois hommes se mirent donc à parler du projet. Ils élevèrent la voix sans s’en apercevoir pour parler normalement et Nezumi finit par ouvrir des yeux vagues. Shion, qui parlait, ne s’interrompit pas lorsqu’il se redressa sur ses bras, pas plus que quand il s’installa finalement contre lui, contre sa poitrine, appuyant sa tête dans son cou. La main du jeune président se reposa sur la tête brune. Il finit tranquillement ce qu’il disait, alors que Nezumi regardait les deux hommes, puis la petite souris noire qui venait de grimper sur son épaule.

A L'hôpital...
Nezumi s'installa contre Shion...

Tomodachi finit de prendre des notes et Ittetsu était de plus en plus mal à l’aise.

« C’est à peu près tout ce que je vois pour le moment, conclut Shion.

– Ça suffira très largement ! dit Tomodachi. Navré de vous avoir réveillé, continua-t-il pour Nezumi.

– Pas grave… » répondit ce dernier de sa voix enrouée par sa sieste.

La souris noire couina sur son épaule. Il la regarda du coin de l’œil. Ittetsu bredouilla :

« Euh, qui est ce… ? »

Shion sourit :

« Pardon, je manque à tous mes devoirs. Je vous présente mon compagnon, Aki Kazemori. Nez… Euh, Aki, voici Satoru Tomodachi et Rio Ittetsu, qui travaillent avec moi.

– Enchanté ! » s’exclama Tomodachi en tendant la main à Nezumi.

Ce dernier la serra avec un petit sourire, puis la tendit à Ittetsu qui la serra très sèchement avant de se répandre en excuses bizarres et de s’en aller rapidement. Tomodachi et Nezumi rirent doucement alors que Shion soupirait avec un petit sourire.

« Je pense que ça va faire du bruit, dit Tomodachi.

– Je pense aussi, soupira encore Shion. Et c’est bien dommage… Moi qui n’aspire qu’à une petite vie tranquille…

– Ne vous inquiétez pas. Vous êtes trop populaire pour que ça puisse avoir de réelles conséquences.

– J’espère… Ça sera un bon test.

– Je suis flatté d’être témoin de ça. Pour tout vous dire, je me doutais que vous attendiez quelqu’un. Vous ne m’avez jamais paru réellement célibataire. »

Shion sourit encore.

« En tout cas, je comprends mieux… continua Tomodachi.

– Quoi ? S’enquit Shion.

– Votre fascination pour les ciels d’orage et la pleine lune…

– À ce point ? sourit Nezumi.

– Oh, ce n’est pas comme si on ne l’avait pas repêché au moins deux fois au milieu de notre jardin en plein orage… »

Nezumi pouffa doucement et Shion répondit innocemment :

« Je ne vois pas de quoi vous parlez… »

Tomodachi rit avec eux, puis reprit :

« Bien, je dois vous laisser, on m’attend pour déjeuner. Merci beaucoup de m’avoir accordé ce moment, Shion. Je vous tiendrai au courant pour la suite. »

Il se leva, serra la main de Shion et la retendit à Nezumi :

« Ravi de vous connaître, M. Kazemori.

– De même, répondit Nezumi, souriant, en la lui serrant. Vous pouvez m’appeler Aki.

– Dans ce cas, faites-moi plaisir et appelez-moi Satoru. Au revoir, prenez bien soin de vous, et à très bientôt.

– À très bientôt, Satoru, répondit Shion. Mes amitiés à Misato et Arisu.

– Comptez sur moi. »

Tomodachi partit.

Shion serra doucement Nezumi dans ses bras :

« Le déjeuner ne va pas tarder. Tu as faim ?

– Ouais, plutôt… Je crois que mon estomac me déteste, là… Il est affamé.

– Nezu… Euh, pardon. Aki ?

– Ne t’excuse pas, Shion. Et puis, tu sais…

– Oui ?

– … En fait, ça me gênerait pas si tu continuais à m’appeler Nezumi.

– Hmmm… ronronna Shion. J’avoue, j’aimerais bien… Que tu restes mon Nezumi.

– Ça me va bien. »

Nezumi se redressa pour embrasser Shion. Puis, ils se regardèrent et Shion lui dit :

« Mais je trouve vraiment que tu as un très beau nom.

– Il me plaît beaucoup à moi aussi. »

Nezumi se réinstalla contre Shion.

« J’en ai pleuré, tu sais… J’en ai chialé une heure comme un con…

– De retrouver ton nom ?

– Ouais… Mon nom… Ma date de naissance…

– Raconte, raconte ! »

Nezumi sourit. Le ton d’enfant curieux de Shion lui avait manqué. Il n’avait pas besoin de le voir pour deviner les yeux grenat tous pétillants.

« … Je suis désolé d’être parti comme un voleur…

– C’est pas grave. J’ai bien compris pourquoi tu l’avais fait. Et tu as eu raison… Je n’aurais jamais pu te laisser partir non plus. »

Shion resserra ses bras autour de Nezumi.

« Ça m’a touché que tu emportes la photo.

– Je ne voulais pas partir sans un peu de toi.

– Hmmm… ronronna encore Shion. Et alors ?

– Alors, je suis parti vers le Nord sans réfléchir… Juste à l’instant. J’ai marché des semaines, contourné une petite mer… Et puis j’ai retrouvé des montagnes couvertes de forêts… Il y a des ruines absolument magnifiques là-bas, ça te plairait. »

Nezumi fut interrompu par l’arrivée du déjeuner. Puis par la nouvelle sieste que lui imposa son corps épuisé. Il se réveilla au milieu de l’après-midi, pour découvrir avec surprise que Shion… Tricotait… ?

Il avait dormi la tête sur ses cuisses, comme le matin. Il se redressa en se demandant s’il ne rêvait pas encore.

« Bien dormi, Nezumi ?

– Oui, oui, ça va… Qu’est-ce que c’est que ça ?

– Une écharpe pour Yui ! répondit joyeusement Shion.

– Yui ?

– Freedom… Il a repris son vrai nom, lui aussi. Yui Himitsu.

– Ah, il est toujours là, lui ?

– Chargé de la sécurité et des renseignements.

– Rien que ça…

– Ça s’est fait tout seul, il avait déjà tout le réseau…

– Il est toujours avec le grand soldat, là ?

– Oh que oui ! Adrian Blacksteel…

– Blacksteel, c’est ça.

– Ils filent le parfait amour. Adrian est chargé de l’armée.

– Et ben… Ça se sait qu’ils sont ensemble ?

– Depuis qu’ils se sont roulés une pelle sans se rendre compte que tout le monde pouvait les voir, au milieu d’un meeting, oui.

– Et c’est passé ?

– Personne ne leur a jamais fait de remarques trop désobligeantes en face…

– Tu m’étonnes, un tas de muscles de deux mètres et un ancien terroriste qui a des yeux et des oreilles partout…

– Tu tiens l’idée. Par contre, nos amis de l’opposition essayent régulièrement de les attaquer là-dessus dans leurs journaux, mais on a décidé qu’on s’en foutait.

– Shion… Tu es sûr que ça ira, que ça se sache, pour nous ?

– J’assume totalement mon amour pour toi, Nezumi… répondit tendrement Shion. Et je me contrefous de ce qu’on peut en dire. Mais je te retourne la question. Est-ce que toi, ça t’ira d’être mon compagnon officiel ? D’être connu et reconnu comme tel ? Si tu veux vivre tranquille et rester anonyme, il est sûrement encore temps de s’arranger pour que l’info ne perce pas. » acheva-t-il en arrêtant de tricoter.

Nezumi grimaça, puis soupira en haussant les épaules :

« J’en sais rien… avoua-t-il. Je m’attendais pas à ça en rentrant… Je me doutais que tu étais toujours impliqué dans la reconstruction, mais pas à ce point et je n’ai pas la moindre idée de comment gérer ça… Ni même de ce que ça veut vraiment dire, d’ailleurs. Pour le moment, je veux juste vivre avec toi… »

Shion sourit doucement. Il posa son tricot sur ses genoux.

« Je suis désolé de t’imposer ça.

– Non, mais c’est moi, j’aurais dû m’en douter… À la réflexion, avec ta manie de toujours tout faire à fond,… Je vois mal comment j’ai pu ne pas penser que tu serais président. »

Ils rirent tous les deux, puis Nezumi se pencha pour embrasser Shion :

« Tu sais quoi, dit-il. Laissons faire les choses… Il sera temps de régler les problèmes quand ils se présenteront. Je sais que tu préfères anticiper, mais tu dois avoir autre chose à faire, non ?

– Je ne manque pas de boulot, tu as raison. »

Ils s’embrassèrent encore.

« Mon grand-père m’a appris à vivre dans le présent et à faire avec les choses, bonnes ou mauvaises, quand elles sont là. Après, c’est trop tard, avant, c’est trop tôt, continua Nezumi.

– Ton grand-père ? releva Shion.

– Oui. Il est mort cet automne. »

Shion regarda Nezumi, stupéfait :

« … Tu veux dire ?…

– Oui. C’est à ses côtés que j’ai passé ces trois ans. »

Shion avait l’air tellement ahuri que Nezumi rit à nouveau.

« Tu as retrouvé ton grand-père ?…

– Et un oncle, trois tantes et pas mal de cousins et cousines…

– Mais c’est génial !

– Ouais… En fait, mon peuple était organisé en une quinzaine de tribus… Deux ont échappé au génocide. Je suis bien le seul survivant la mienne. Mais celle de mon grand-père était plus loin dans les montagnes… Et ils ont pu être prévenus à temps et s’enfuir.

– Je vois… Je suis très heureux pour toi que tu aies retrouvé tout ça… »

Shion se leva :

« Tu m’excuses une minute… J’ai un gros pipi sur la conscience…

– Je t’en prie ! »

Nezumi regarda son ami disparaître dans les toilettes de sa chambre. Elle avait bien poussé, sa petite fleur… Il devait être aussi haut que lui ou pas loin. Et le peu qu’il avait caressé son corps lui avait montré que ce dernier était bien plus musclé… Shion avait dû se mettre au sport.

Il était plus magnifique que dans ses rêves.

Aki, je suis heureux que tu sois revenu, même si tu ne veux pas rester.

Comment tu le sais, Grand Père ?

Je le sais, notre Mère me l’a dit… Mais ce n’est pas grave. Profitons du temps que nous avons, j’ai tant à t’apprendre… Tu auras le reste de ta vie pour être heureux avec ton Hitoshî.

Avec mon quoi ?

Ton Hitoshî, ton égal. La personne que tu as choisie pour partager ta vie… C’est bien parce que quelqu’un t’attend que tu ne resteras pas ici, n’est-ce pas ?… Oh, ne rougis pas, Aki. C’est une très belle chose d’avoir un Hitoshî.

Nezumi souriait doucement, rêveur. Tu avais raison, Grand Père, avoir un Hitoshî, c’est une très belle chose.

À suivre dans la chapitre 04 : Ma place dans ta vie.

Notes explicatives diverses :

En partant du principe que No°6 était une ville japonaise, j’ai rematé ma carte du Japon et décidé unilatéralement qu’elle avait été construite sur les ruines de Kyoto. Pourquoi Kyoto ? No°6 n’est pas un port, ça ne peut donc pas être Tokyo, et puis, la présence de montagnes, en particulier au nord, n’allait très bien pour y situer le peuple de Nezumi. Le « petite mer » qu’il dit avoir contourné est donc en fait le lac Biwa, situé au nord-ouest de la ville, dans la préfecture de Shiga, connue pour ses temples, d’où aussi les ruines auxquelles il fait allusion.

Je fais naître notre rat préféré le 22 septembre 2001, soit le jour de l’équinoxe d’automne de cette année-là (d’où son prénom). Pour ceux qui ne se savent pas, l’anniversaire de Shion est le 7 septembre dans le roman et donc le manga. Pour ce qui est de l’année, j’ai lu je ne sais plus où que les deux garçons se rencontraient en 2013, le jour des 12 ans de Shion, c’est ce qui me fait placer leur année de naissance en 2001, logiquement.

Dernier point que la plupart d’entre vous savent sûrement, au Japon la majorité est à 20 ans. À ce stade de ma fic, nos deux tourtereaux sont donc effectivement encore mineurs.

 

(14 commentaires)

  1. Euh comment dire… vu que je lis les deux avec autant de plaisir, il y aura du harcèlement sur les deux ! Ne t’inquiète pas s’il y a du relâchement, je demanderai son fouet à Mido ( dans le but de t’aider et de te soutenir bien sûr pas du tout parce que j’ai des tendances SM ! )

  2. C’est bien beau tout ça mais à quand la suite !!! Ouin c’est trop bien moi je veux savoir ce qui va se passer ! ( Héhéhé t’as vu cette technique de harcèlement ! )

    1. @Ame : On y travaille, on y travaille… J’ai commencé le 4, donc ça sera No°6 cette semaine, mais faudra me laisser bosser de Fer et de Sang la semaine prochaine…

    1. @Alissa : Merci ! ^^ Ça me fait plaisir que ça vous plaise, j’ai bien bossé pour le boucler à temps ^^ ! Bonne fin d’année à toi !

  3. Merci pour ce splendide cadeau de Noël, toujours aussi beau, je ne me lasse pas de les lire et les relire.

    Bonnes fêtes de fin d’année à toi.

    biz

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.