Disclaimer : Les personnages et l’univers de No°6 appartiennent exclusivement à Atsuko Asano.
Toutes mes plus plates excuses pour l’attente… Le tome 2 de mon roman était prioritaire pour moi et ce chapitre s’est avéré beaucoup beaucoup beaucoup plus long que prévu… Bon, trois lemons pour compenser ^^’ !
Le Concours continue ! Une seule chanson qui a connu de nombreux interprètes, plusieurs réponses possibles donc.
Rappel des règles : Le but du jeu pour vous sera de retrouver ces chansons, poèmes, tout ça, et de me donner les titres et interprètes, UNIQUEMENT PAR MP OU MAIL. Ceci pour permettre à tout le monde de jouer, aux trois endroits où je poste cette fic. Toute réponse publique, non seulement ne donnera pas de point à son auteur, mais en plus annulera le round pour tous les suivants de partout. Sinon je noterai bien les réponses de tout le monde à part et à la fin de la fic, vous aurez les réponses et les résultats. Les gens qui ont déjà mon roman ont le droit de jouer, par contre je ne leur réoffrirai pas. Ça fera 1 point pour le titre, 2 pour le titre et l’interprète ou auteur, et à la fin la personne qui aura le plus de points recevra mon roman.
S’il y a des gens intéressés par mon roman (héroic fantasy yaoi), allez voir sur mon site, le lien est dans mon profil ! Deux tomes maintenant ^^ !
No°6 – Après
Chapitre 09 : Le seul maître d’Utopia
Yui tentait de rester calme, mais si Shion n’avait pas été son président, il l’aurait sans doute étranglé. Adrian préférait en rire. La situation était de toute façon trop abracadabrante pour qu’il puisse faire autrement.
Adrian avait réagi au quart de tour lorsque l’alerte avait été donnée. Se doutant que le garçon allait rejoindre ses complices, une petite troupe avait été dépêchée pour aider les services secrets à interpeller ces derniers, alors que de leur côté, Yui et ses gars pistaient discrètement le fugitif.
Yui et ses gars… Et Shion qui avait refusé catégoriquement de les laisser partir sans lui. La vie dame qui avait fait semblant de téléphoner près du garçon leur avait confirmé qu’il avait bien reçu l’ordre d’aller quelque part.
Ils l’avaient suivi jusqu’au bout de la ville, au bord de la rivière. Les soldats et les agents de sécurité les avaient rapidement encerclés. Yui surveillait Shion. Ils n’étaient qu’à quelques mètres des quatre hommes, cachés derrière un mur. L’ancien résistant était assez surpris. Il s’attendait vraiment à ce que Shion les encombre, mais le jeune homme savait très bien se déplacer sans bruit et même ses souris étaient étonnamment silencieuses.
Shion ne quittait pas le garçon des yeux… Yui se demandait s’il avait bien fait de lui communiquer ces informations.
Individu non répertorié. Lien de parenté établie à 98 % avec citoyen WK263715, Shion Seijunna. Degré : demi-frère. Parent commun : père. Individu non répertorié.
Yui le vit l’homme braquer une arme sur le garçon, puis crier en secouant sa main. Il entendit Shion ricaner :
« Bien joué, Macbeth ! »
La suite se passa très vite : un des deux autres tira sur le garçon qui tomba à l’eau en esquivant.
La main de Yui se referma sur du vide lorsqu’il voulut retenir Shion : ce dernier avait déjà bondi et couru plonger sans la moindre hésitation. Yui cria à quatre de ces hommes d’aller le repêcher et les autres jaillirent pour encercler les trois autres.
« LÂCHEZ VOS ARMES ET RENDEZ-VOUS ! » cria le borgne avant de sursauter.
Les trois hommes se regardèrent et obéirent, le capitaine en jurant. Adrian et ses propres hommes arrivèrent alors que le blond s’approchait du capitaine. Son sourire déjà mauvais s’élargit :
« Tiens, tiens, comme on se retrouve… »
Adrian s’approcha alors que les terroristes étaient menottés :
« Shion est sorti de l’eau, Yui… Tu connais ce type ?
– Oh que oui !… Même que quand je l’ai rencontré, j’avais encore mes deux yeux, figure-toi ! »
Adrian regarda le capitaine avec froideur :
« Je vois. »
Le capitaine voulut se dégager des deux hommes qui le tenaient :
« Un terroriste et un traître, belle paire de Conseillers ! »
Yui ricana :
« C’est ça, crache ton venin… C’est toi le terroriste, aujourd’hui. Ça fait quel effet d’être du mauvais côté des menottes ?
– Un terroriste qui envoie des gosses se salir les mains à sa place… Ajouta Adrian.
– C’est pas un mec qui a trahi N°6 qui va me faire la morale ! Si tu avais été loyal, tu serais avec nous aujourd’hui ! Cria le capitaine.
– Alors ça aucun risque. » Répondit Adrian, très calme.
Et il ajouta en le fixant droit dans les yeux :
« Je suis un soldat. Pas un assassin. »
Yui et Adrian les regardèrent se faire embarquer.
« Bon, si on allait apporter une serviette à Shion ? Proposa le général.
– Ouais… »
Les craintes du blond s’étaient confirmées : il avait suffi qu’il croise le regard de Shion pour comprendre que ce dernier n’allait pas les laisser arrêter son frère…
Shion serrait le garçon dans ses bras et en s’approchant, Yui avait réalisé que ce dernier sanglotait.
Les deux souris (la noire et la rousse) qui n’avaient pas plongé avec Shion se hâtèrent de grimper sur ses épaules en couinant. La blanche s’ébrouait sur le gauche.
« Ça va, Shion ? Avait demandé Adrian.
– Vous les avez eus ?
– Ouais, ouais, t’en fais pas… »
Shion avait alors doucement dit au garçon :
« Tu vois, ça va aller… »
Adrian avait regardé Yui en rigolant et lui avait dit.
« Tu y arriveras pas… »
Et effectivement, il n’y était pas arrivé. Yui avait tout de même tenu près de 20 minutes à tenter de convaincre son président, en vain.
Shion ne lâchait ni son frère, ni le morceau : personne n’emmènerait Shinobi.
Il le serrait fort dans ses bras et l’adolescent sanglotait toujours. Il ne parvenait pas à s’arrêter… Il n’entendait même pas ce qui se disait. Il avait l’impression qu’un barrage avait cédé en lui, libérant toutes les larmes qu’il n’avait pas versées depuis 10 ans, ou peut-être plus longtemps encore.
S’il ne s’accrochait pas à Shion de toutes ses forces, c’est juste parce qu’il n’en avait plus. Il était épuisé, et avait de nouveau horriblement mal au crâne.
« Shinobi ? » L’appela doucement Shion, tout bas.
Shinobi leva un œil craintif et larmoyant vers lui.
Ils étaient installés contre un mur, au soleil, lui blotti dans ses bras. Hamlet s’était endormi sur son épaule, Iago était en train de trotter à côté d’eux comme s’il patrouillait et Macbeth, elle, s’était curieusement blottie dans le creux du cou de Shinobi et lui faisait un gros câlin.
« Tu peux marcher ? On va pas passer la journée là… Tu dois mourir de faim en plus…
– … Je crois… Je sais pas… Bredouilla Shinobi.
– Je vais t’aider… »
Ils se levèrent, Shion soutenant le garçon flageolant.
« Iago, viens là, on va rentrer… »
La souris rousse grimpa sur l’épaule du jeune président, à côté d’Hamlet qui se réveillait. Elle couina et Shion lui sourit :
« Qu’est-ce qu’il y a, Iago ?
– Squik ? Squik squik ?
– On va repasser à la maison vite fait. »
Macbeth gronda sourdement à l’approche de Yui. Ce dernier était encore très énervé, mais se contenait autant qu’il pouvait. Adrian suivait, bonhomme.
« Bon, désolé d’insister, mais les trois là-bas, à part nous insulter, ils nous causent pas des masses et on est un peu pressé, on aimerait bien aller coincer les autres en fait… Vite. » Dit-il froidement.
Shinobi le regarda, puis Shion qui lui regardait son Conseiller non moins froidement, puis les yeux du garçon se perdirent dans le vague, sans trop qu’il sache quoi faire. Il eut un petit sursaut en sentant Macbeth se frotter à nouveau à son cou et avisa la petite souris noire qui le regardait, interrogative.
« Squik ?… »
Ses petits yeux noirs lui firent une drôle d’impression, comme si elle l’encourageait.
« Ils sont à l’est de la ville… Bredouilla-t-il d’une voix peu sûre. C’est une vieille base, trois bunkers et des entrepôts… Cinq, je crois… Plein Est, à une trentaine de kilomètres… »
Macbeth se frotta encore à lui et Adrian demanda :
« On fait quoi, Shion ?
– Allez voir ça et faites le ménage.
– À tes ordres.
– Nous, on repasse chez moi le temps de se mettre au sec, je serai au Palais dans l’après-midi. Tenez-moi au courant.
– OK. »
Adrian attrapa Yui pour l’entraîner avec lui avant qu’il n’ait le temps de protester. Dès qu’ils furent assez loin pour que Shion ne l’entende pas, le grand soldat dit :
« Il n’en démordra pas, ne perds pas de temps avec ça, il faut faire vite pour cette base.
– C’est de la folie de le laisser emmener ce tueur chez lui !
– C’est sa décision et pour l’instant, le tueur est surtout un gosse au bout du rouleau. Je ne sais pas ce qui s’est passé entre eux, Shion a dû lui dire qu’ils étaient frères. En tout cas, pour faire fondre en larmes comme ça le tueur sans âme d’hier, c’est qu’il a eu un sacré choc… S’il se sent en confiance avec Shion, il pourra lui lâcher des infos et ça, on a tout à y gagner. Il ne se la joue pas chougneur pour qu’on baisse notre garde, Yui. S’il avait été capable de jouer la comédie, il l’aurait fait hier.
– Mouais…
– Shion sait ce qu’il fait. Tu sais à quel point ses jugements sont sûrs. Il ne se mettrait pas en danger, fais-lui confiance. »
Yui jeta son œil derrière lui et il croisa un regard rouge, braqué sur lui, qui lui fit froid dans le dos. Non, c’était clair, pour toucher à Shinobi désormais, il faudrait passer sur le cadavre de son frère.
Shion laissa ses gardes du corps les conduire chez lui. Il ne les laissa pas, par contre, les accompagner à l’intérieur. Ils obéirent de mauvaise grâce.
La maison était vide, mis à part quelques souris. Shinobi regarda ces dernières les accueillir avec surprise. Shion, pour sa part, nota qu’il manquait Encre et Cravate. Nezumi avait dû aller faire un tour avec Haru.
Shinobi grelottait en enlevant ses bottes. Shion le conduisit sans traîner à la salle de bains et le laissa sous l’eau chaude le temps de lui trouver des vêtements secs (des affaires devenues trop petites pour lui, mais gardées dans un carton, sur l’armoire). Puis, Shion se doucha lui-même en réfléchissant à ce qu’il allait faire à manger. Lorsqu’il redescendit, tout était silencieux. Il trouva avec attendrissement Shinobi endormi sur le canapé du salon. Les souris l’entouraient sans bruit. Shion sourit, s’approcha pour prendre le plaid posé sur le dossier du canapé et le déplier sur lui. Shinobi avait rouvert un œil pour le regarder faire. Shion s’accroupit et lui dit doucement :
« Repose-toi, je vais te préparer à manger. Tout va bien, d’accord ?
– Hm… »
Shion caressa sa tête en répétant :
« Tout va bien. »
Il gagna la cuisine, rapidement suivi par les souris. Ces dernières restèrent à gambader autour de lui alors qu’il regardait un peu dans le frigo et les placards ce qu’il pouvait préparer de rapide. Ah, des crêpes… Il battait la pâte en sifflotant lorsqu’il entendit la porte d’entrée et la voix de Nezumi :
« Oui, tout à l’heure, on fera du jardinage, après la sieste. Là, il faut ranger les… »
La voix s’interrompit brusquement. Shion sortit la tête de la cuisine, fouettant énergiquement la pâte dans le saladier qu’il tenait d’un bras :
« Coucou, vous deux ! Vous avez faim ?… »
Haru courut vers lui alors que Nezumi, lui, regardait tour à tour Shion, puis en direction du salon. Il fronça un sourcil et vint son tour vers son amant, ces sacs de courses à la main.
« Tu fais quoi, S’ion ? Demanda Haru.
– Qu’est-ce que tu fais là, mon ange ?
– Je fais des crêpes ! Vous en voulez ? Répondit joyeusement Shion.
– Oui ! S’écria Haru, tout content.
– Volontiers… Renchérit Nezumi en se penchant pour regarder dans le salon. Ah, c’est bien ce qui me semblait… Shion, il y a quelqu’un sur notre canapé.
– Je sais ! Répondit toujours aussi joyeusement Shion. C’est mon petit frère. »
Nezumi regarda un moment son amant, avec sérieux, avant de demander posément :
« Shion, mon amour, ôte-moi d’un doute. Depuis quand est-ce que tu as un petit frère ?
– Tout à l’heure, pourquoi ? »
Nezumi pouffa et rentra dans la cuisine poser ses sacs sur la table :
« Ah, c’est ce qui me semblait, c’est récent… J’avais peur d’avoir loupé un truc.
– Non, non… Rigola Shion en le suivant.
– Et tu l’as trouvé où ?
– Oh, c’est un peu compliqué… »
Haru, pour sa part, avait trotté dans le salon voir cet oncle de plus près. Shinobi avait bien sûr tout entendu, mais resta les yeux fermés. L’enfant le regarda un instant, puis retourna dans la cuisine :
« Il fait dodo…
– Il fait semblant. » Corrigea Nezumi en rangeant des conserves dans un placard.
Shion rallongea sa pâte avec du lait et quelques œufs en chantonnant. Les souris gambadaient autour d’eux.
« On se fait un chocolat chaud avec ? Proposa Shion.
-Volontiers ! Je m’en occupe ! Répondit Nezumi.
Shion commença à cuire les crêpes pendant que Nezumi préparait les chocolats chauds. Haru attendait sagement près d’eux :
« Il s’appelle comment, ce petit frère ? Finit par demander Nezumi.
– Shinobi.
– OK… Mais sérieux, tu l’as trouvé où ?
– Euh, on s’est croisé hier… Finit par avouer Shion en faisant sauter une crêpe. Macbeth t’en a parlé, je crois… »
Nezumi, qui comptait les cuillères de chocolat en poudre qui verse dans les tasses, s’immobilisa. Macbeth, qui avait dressé la tête en entendant son nom, couina alors. Il la regarda avec gravité, puis hocha la tête.
« OK, tu me raconteras ça plus tard… »
Il versa le lait dans les quatre tasses, puis mit ces dernières sur un plateau et souleva ce dernier :
« Bon, je vais mettre la table au salon… »
Haru le regarda sortir et un instant plus tard, Shion ne put s’empêcher de glousser en entendant :
« T’arrêtes de faire semblant de dormir, oui ? Viens plutôt m’aider à mettre la table ! »
Shion rit plus fort alors qu’il entendait encore :
« Allez, hop hop hop !… Si tu veux des crêpes, faut les mériter ! Ah, la ferme, Macbeth !… Mettre quatre assiettes, c’est quand même pas insurmontable ! »
Shion déposa la dernière crêpe sur la pile, sortit deux pots de confiture et un de crème chocolatée du frigo et les confia Haru. Ils gagnèrent tous les deux le salon.
« À table ! » Chantonna Shion en entrant.
Il vint poser son assiette de crêpes sur la table en faisant semblant de ne pas remarquer la tension ambiante, entre Shinobi, très mal à l’aise à côté de la table et Nezumi goguenard de l’autre.
« Allez, on s’assoit ! Dit encore Shion en prenant les confitures et la pâte à tartiner. Merci, Haru…
– S’ion, S’ion, ‘veux une au chocolat si te plaît !
– Oui, mon poussin, je vais te faire ça. »
Shion souleva l’enfant dans ses bras et vint vers Shinobi. Ce dernier retint un mouvement de recul et qui n’échappa ni à son frère, ni à Nezumi.
« Je te présente notre fils Haru, Shinobi. Haru, voici Shinobi, mon petit frère.
– Bibi ?
– Et tu as déjà rencontré mon compagnon, Aki… Ici on l’appelle Nezumi.
– Enchanté ! Dit énergiquement ce dernier.
– Euh… Bonjour… Enchanté… » Balbutia l’adolescent en s’inclinant.
Shion assit Haru et fit signe Nezumi de s’asseoir près de lui pour que Shinobi soit à côté de lui-même de l’autre côté de la table. Ils se mirent à manger en silence.
Shinobi essayait de ne pas trop s’empiffrer, mais c’était peine perdue, il mourait de faim. Shion faisait exprès de manger très lentement et Nezumi, lui, sirotait son chocolat chaud à la même vitesse, tous deux dans le but que Shinobi ne se retrouve pas seul à manger à côté d’eux. Haru pour sa part s’amusait avec les souris, comme à son habitude.
« Au fait, t’étais pas censé aller au taf, Monsieur le Président ? Finit par demander Nezumi.
– Si, si… J’y retourne vite, d’ailleurs… Je suis juste passé poser Shinobi. »
Ce dernier lui jeta un regard en coin sans oser rien dire. Nezumi hocha la tête :
« Tu en as pour longtemps ? Vu l’heure qu’il est, on va pas déjeuner de bonne heure. Tu veux qu’on t’attende
– Oh, non. Je serai pas trop là avant 16h au moins, je pense… Ça va faire un peu tard quand même… Tu as des choses à faire ?
– Rien de spé’, je voulais m’occuper du jardin. J’ai retrouvé d’autres graines, il faut que je les sème.
– Encore ? T’as ramené la moitié de la forêt ou quoi ?
-Non,… Enfin, j’ai pas compté. Mais celles-là, si c’est bien ce que je pense, je suis content d’en avoir ramené !
– Ça fait des jolies fleurs ? Demanda Haru.
– Oui, assez… Mais surtout, après la floraison, on fait sécher les feuilles pour les fumer et c’est plutôt sympa. »
Shion et Shinobi fixèrent alors Nezumi avec exactement le même regard inquiet et le serveur éclata de rire. Les deux frères échangèrent un regard similairement sceptique alors que Nezumi hoquetait :
« La vache, vous pouvez vraiment pas vous renier ! »
*********
Shinobi, le ventre plein, s’était endormi comme une masse et pour de vrai, cette fois, à nouveau sur le canapé. Il se réveilla dans l’après-midi, et soupira d’aise. Il était bien au chaud sous une couverture toute douce… Et il fit un bond sur le canapé.
Une couverture ? !…
Il était certain de s’être endormi sous le plaid… Qui avait apporté cette couverture ?…
Qui avait pu l’approcher sans l’alerter ? Sans qu’il le sente et se réveille immédiatement ?… Aussi sidéré que mal à l’aise, il se leva. La maison était silencieuse. Ne sachant trop que faire, il se gratta la tête. Un cri joyeux d’enfant lui parvint du dehors. Ah oui,… Il avait été question de jardinage…
Il plia proprement la couverture et la laissa sur le canapé, puis, après une hésitation, sortit.
Nezumi chantonnait dans ses plates-bandes pendant que Haru riait aux éclats, assailli par plusieurs souris qui le chatouillaient. La chienne, qui siestait, se leva pour venir tranquillement vers le garçon en remuant la queue.
Nezumi lui jeta un œil :
« Bien dormi, petit ?… Dis voir, tu m’apporterais l’arrosoir, s’il te plaît ? » Demanda-t-il en lui montrant l’objet posé un peu plus loin.
Shinobi regarda l’arrosoir et obéit en silence. Il vint le déposer à côté de Nezumi qui chantonnait toujours.
« Merci. Ça va ? »
Shinobi ne put que bredouiller :
« … Euh,… Oui… »
Nezumi se releva :
« Je sais pas trop où on peut te mettre… On a un lit dans la salle de jeux d’Haru… Ou celui de la bibliothèque… Tu préfères un lit plutôt dur ou pas ?
– … J’ai… J’avais… Un lit plutôt dur… À la base…
– Tu seras sûrement mieux en haut, alors. »
Nezumi prit l’arrosoir et versa délicatement de l’eau sur ses plantations.
« On verra ça avec ton frère ce soir… »
Shinobi sursauta en sentant Macbeth grimper sur son épaule.
« Te voilà adopté, on dirait… » Lui dit alors Nezumi.
Il avait dit ça sans se retourner, comme s’il avait des yeux dans le dos.
« Euh… Pardon ?… » Bredouilla Shinobi comme la souris se dressait sur ses pattes arrière pour frotter son museau à sa joue.
Nezumi se tourna et lui sourit :
« Ces souris viennent de chez moi et tu as déjà dû le comprendre, elles sont un peu spéciales. En gros, elles vivent leur vie, mais des fois, elles se choisissent un humain et quand ça arrive, tu peux être sûr qu’elles ne le lâchent plus. »
Shinobi regarda la petite souris noire, sceptique.
« J’ai Cravate, Lueur de Lune et Encre, Shion a Hamlet… Et toi Macbeth, donc.
– Squik ! » Approuva la souris.
Nezumi regarda un moment le garçon, puis dit, souriant :
« Dis voir, Shinobi ?
– Euh… Oui ?
– Je ne me suis pas entraîné depuis un moment… Ça t’intéresserait ? Je m’encroûte…
– Euh… Si vous voulez, mais euh… J’ai un niveau plutôt hors normes… »
À la grande surprise du garçon, le sourire de Nezumi s’élargit.
« Tu peux me tutoyer et t’en fais pas, moi aussi, j’ai un niveau plutôt hors normes. »
Les deux jeunes gens se mirent donc torse et pieds nus et s’éloigna un peu.
« Vous ne vous approchez pas, surtout. » Dit Nezumi à Haru et à la ménagerie.
L’enfant les regardait, souriant et intrigué.
« Ne retiens pas des coups parce que je ne vais pas me gêner. »
Shinobi hocha la tête. Ils tournèrent un peu, mais comme le garçon le regardait sans rien faire, Nezumi porta rapidement le premier coup, un coup de pied haut que Shinobi para sans problème. Nezumi n’avait pas perdu son sourire. Shinobi, lui, restait grave. Il attaqua et son adversaire esquiva son coup avec une rapidité impressionnante. Shinobi le regarda un instant. Ce petit sourire l’agaçait… Le comble après ses années d’entraînement, où il avait appris à garder son calme en toutes circonstances.
Il tenta un autre coup que Nezumi esquiva aussi facilement que le premier avant de lancer une contre-attaque qui cette fois frappa l’adolescent en pleine poitrine.
Shinobi recula vivement. Ça ne lui avait pas coupé le souffle, mais uniquement parce que Nezumi avait dosé sa force.
Une demi-heure plus tard et après une énième chute, Shinobi resta allongé sur l’herbe, bras en croix, tant pour reprendre son souffle que son calme et surtout comprendre comment il était possible qu’il n’ait pas réussi à toucher son adversaire une seule fois… Il avait l’impression de se battre contre du vent !…
Nezumi était un peu essoufflé. Il s’étira. La voix de Shion le fit sourire :
« Qu’est-ce qui se passe, ici ?… »
Shinobi tourna la tête pour voir Shion devant le portail qui s’ouvrait lentement, accompagné de Yui et Adrian.
« Déjà là, mon ange ?
– Oui, on a fait plus vite que prévu… Vous n’étiez pas en train de vous battre, quand même ?
– Oh, juste un amical petit entraînement entre beaux-frères… Répondit Nezumi. Je voulais voir son niveau…
– Ah… Et ?
– J’avoue qu’il m’a bluffé, il est vraiment bien plus fort que je pensais…
– Hein ?! » S’écria Shinobi.
Il se leva d’un bond :
« Tu plaisantes ?! Je n’ai pas réussi à te toucher ! »
Shinobi se demanda un instant pourquoi Shion, Yui et Adrian le regardaient avec une telle stupéfaction, puis comprit lorsque Nezumi lui dit gentiment :
« Ah, enfin un peu d’énergie ! »
Shion entra dans le jardin avec ses deux amis. Yui restait vraiment surpris, Adrian dubitatif.
Nezumi continua pour Shinobi en tendant la main à Shion :
« Et non, je ne plaisante pas… Tu es vraiment très fort. »
Shion prit la main de son joli rat qui regarda Shinobi :
« … Je suis juste meilleur. »
Shion sourit.
Une fois les deux jeunes gens rincés et rhabillés, Nezumi se posa à la cuisine avec Haru, pour que Shion puisse avoir une discussion tranquille avec son frère et ses deux amis au salon. Puisque personne n’avait déjeuné, du coup, le jeune serveur se fit un devoir de préparer un bon encas à tout le monde.
Il fit une montagne de petits sandwiches de pain de mie très divers et une grande théière de genmaisha. Il posa le tout sur un grand plateau et le porta au salon, suivi d’Haru.
La discussion était apparemment finie. À la table, les quatre hommes étaient silencieux. Shion était grave, en bout de table, Shinobi tête basse à sa droite, Yui et Adrian face à lui. Haru trotta vers Shion et Nezumi sourit : sur la table, Macbeth, Hamlet et Iago s’étaient assises devant le garçon, surveillant sévèrement les deux conseillers.
« S’ion ! S’ion ! On va manger ? »
Shion sourit et caressa la tête du petit garçon alors que Nezumi posait le plateau :
« Tu as faim, mon bébé ?
– Oui ! »
Nezumi posa les tasses et des petites assiettes devant tout le monde, avant de s’asseoir près de Shinobi, alors qu’Haru grimpait sur les genoux de Shion.
« S’ion ? Pou’quoi vous faites la tête ? »
Nezumi rigola et s’exclama joyeusement :
« C’est clair que c’est pas la fête ici ! Ils sont pas beaux mes sandwiches ?
– Si, si. Et ils tombent à pic, je meurs de faim ! Répondit Adrian.
– Alors sers-toi ! Tu veux du thé ?
– Volontiers… »
Shion sourit et dit doucement, en donnant un petit sandwich au jambon à Haru :
« Bon. Affaire à suivre… Et bon appétit.
– Hmm… Grommela Yui.
– … Je suis désolé… » Bredouilla Shinobi.
Il était toujours tête basse et tremblait. Tous les fixaient avec surprise. Adrian et Yui échangèrent un regard sceptique alors que Shion soupirait sans perdre son sourire. Il tapota les bras de son frère :
« Tu nous as déjà beaucoup aidés. Tu ne pouvais pas savoir qu’ils allaient fuir si vite… Ne t’en fais pas, nous allons nous charger du reste. »
Ils mangèrent tranquillement, puis, alors qu’Adrian préparait du café avec Shion, Yui sortit pour fumer. Nezumi l’accompagna. Une fois qu’ils furent seuls dans le jardin, le borgne demanda :
« Qu’est-ce que tu penses de lui ?
– Il est plutôt sympa.
– Il est dangereux. »
Nezumi sourit :
« Très. Mais plus pour nous.
– Comment peux-tu en être aussi sur ?
– Macbeth l’a adopté. »
Yui regarda un moment son ami :
« … Ben voyons…
– Je me méfie des humains, mais je fais encore plus confiance à l’instinct de mes souris qu’au mien, et c’est pas peu dire, tu le sais.
– Hm, hm…
– Je te sens sceptique.
– Sans blague…
– Crois-y ou pas, c’est égal. Je vais m’en charger, de ce gamin, ne t’en fais pas.
– Qu’est-ce que tu comptes faire ?
– La même chose qu’à son frère il y a trois ans. Lui remplir un peu la tête avec autre chose que les conneries qui lui ont démonté le cerveau. »
*********
Shinobi regardait les étagères de livres avec le même air stupéfait que Shion lorsqu’il les avait découvertes. Nezumi ne faisait semblant de rien, un simple sourire aux lèvres, et ce fut Shion qui interrompit le silence en arrivant avec des draps propres dans les bras :
« Ça te va, Shinobi ? Le lit est très dur, mais si tu es l’habitude, ça devrait aller. Sinon, tu nous diras.
– Euh, oui… Bredouilla le garçon en se tournant vers lui.
– Tu as de quoi t’occuper si tu t’ennuies, lui dit Nezumi. Ne te gêne pas, hein… Il y en a pour tous les goûts. »
Shinobi regarda à nouveau les livres alors que Shion se mettait à faire le lit en sifflotant.
« Ça en fait beaucoup… Vous avez tout lu ?…
– Moi oui, répondit Nezumi.
– Moi pas encore, répondit Shion. J’y travaille… D’ailleurs, il faut que j’en prenne un, j’ai fini celui que je lisais.
-Tu étais sur quoi ? S’enquit Nezumi.
– Du Lovecraft… Mais c’est un peu glauque à la longue. Et puis j’ai pas la tête à ça, en ce moment…
– Tu veux du plus marrant ?
– Tu as un truc à me conseiller ?
– Hmm… »
Shion lissa le drap, alors que son compagnon allait se perdre dans les rayons :
« J’ai plutôt des BD en trucs marrants…
– Évite-moi une intégrale de 5 kilos…
– Calvin et Hobbes, tu les as lus ?
– Ça me dit rien, mais j’ai pas trop regardé tes BD.
– Ça devrait te plaire, c’est bien barré… »
Shion tapota l’oreiller.
« On verra ça… »
Nezumi réapparut avec quelques albums fins dans les mains.
Le lit était impeccablement fait.
« Ça ira, Shinobi ? Tu n’hésites pas à descendre s’il te manque quoi que ce soit, hein…
-… Oui…
– Bon, ben bonne nuit, alors !… Repose-toi bien. »
Les deux amoureux laissèrent le garçon qui les regarda sortir, puis regarde à nouveau les livres, toujours intrigué.
Il ne se souvenait pas avoir déjà touché un livre en papier… Il lui semblait se souvenir qu’il y en avait à l’orphelinat, mais seules les éducatrices avaient le droit d’y toucher pour leur lire, parfois, et il se souvenait qu’elles le faisaient discrètement, comme si elles avaient peur. Ça ne devait pas être bien vu…
Après, à la base, il n’avaient jamais rien vu de tel et de toute façon, ses journées d’entraînement ou de mission étaient assez chargées pour qu’il n’ait que l’envie de dormir lorsqu’il rentrait le soir dans sa chambre vide…
Il prit un livre au hasard et le feuilleta avant de le tourner pour lire la 4e de couverture à laquelle il ne comprit pas grand-chose à part que des gens avaient un anneau à détruire pour sauver le monde d’un méchant sorcier…
Le livre était gros, mais ça ne l’impressionnait pas. De toute façon, il était assez fatigué et ne pensait pas pouvoir lire plus d’un chapitre ou deux avant de s’endormir.
Il s’installa donc sur le lit, tranquillement et confortablement, et lorsqu’il releva le nez en se rendant compte qu’il avait très soif, il avait lu près d’un quart de l’ouvrage.
Il hésita un peu, puis se leva. Il était tard, mais Shion lui avait bien permis de se déplacer et il savait le faire sans bruit. Il se glissa hors de la chambre. Il n’y avait pas un bruit à l’étage. Par contre, il entendit qu’il y avait encore des personnes en bas. Il descendit en silence, et stoppa net en entendant un petit cri venant de salon :
« … Arrête !… »
Se demandant ce qui se passait, il fronça les sourcils et s’approcha furtivement.
« … Tu deviens prude, ma petite fleur ?
– … Enfoiré…
– Eh eh eh…
-… Non, mais pas ici, arrête…
– Oh, allez…
– Non, mais… Hmmm… »
Shinobi n’y comprenait rien, il se tapit contre le mur et jeta un œil furtif dans le salon.
Seule la télé éclairait la pièce. Sur le canapé, Shion et Nezumi étaient assis l’un à côté de l’autre, le premier en yukata, le second encore habillé et ses mains perdues sous ledit yukata. Ils s’embrassaient profondément. Puis Nezumi se mit à embrasser sa gorge tout en dénouant sa ceinture. Shion gémit.
« Non, mais sérieux… Nezumi…
– Chhht…
– … Haru…
-Il dort, arrête avec ça… »
La ceinture vola.
« J’adore ce yukata…
– T’adores surtout me l’enlever…
-J’admets… » Roucoula Nezumi en écartant le tissu sous lequel Shion ne portait que son boxeur.
Il se mit à l’embrasser, le caresser, le couchant sur le canapé et se couchant sur lui.
« … Mais tu fais rarement grand-chose pour m’en empêcher.
– Hmmm…
-Tu rends les armes ?
– Embrasse-moi… »
Shinobi les regarda s’enlacer, s’embrasser longuement, comme hypnotisé. Nezumi se redressa le temps de se mettre torse nu, avant de se rallonger, achevant de déshabiller Shion qui haletait et gémit.
« Ça te dit qu’on fasse une petite sœur à Haru ? »
Shion éclata de rire :
« T’es trop con ! »
Les lèvres de Nezumi descendirent sur la peau pâle, s’attardant sur la marque rose, ses mains caressant et écartant ses cuisses. Il se mit à caresser son sexe déjà bien dressé, puis à le lécher, puis le prit en bouche avec gourmandise.
Shinobi avait très, très, très chaud. Mais il restait tétanisé.
Shion se mordit les lèvres, pantelant, pour ne pas se mettre à crier. Nezumi glissa sa main entre ses fesses et il se cambra dans un sursaut. Nezumi remonta lentement jusque ses lèvres par le même chemin qu’il était descendu, s’attardant au retour plus longuement sur ses tétons. Shion était tout rose et se mordait cette fois la main.
« Tu es tout mignon, comme ça…
– Hmm…
– J’ai envie de te croquer… »
Shion l’enlaça doucement :
« … Viens…
– Le canapé n’est pas assez large pour qu’on fasse ça comme ça… »
Shion se redressa.
« Pas de souci… »
Nezumi recula, puis se leva en le voyant lui tourner le dos, s’agenouiller sur le canapé en appuyant ses bras sur le dossier, lui tendant sa croupe. Nezumi se lécha les lèvres avec avidité, les yeux brillants.
« Mon pantalon a failli exploser, là, tu sais, Shion… » Dit-il en se rapprochant.
Shion rigola et tourna la tête pour regarder Nezumi sortir un phallus effectivement très en forme. Il agrippa ses hanches, se frotta un peu avant de le prendre sans plus le faire languir. Shion ne put retenir son cri. Nezumi se pencha, caressant son torse. Il embrassa sa nuque et lui murmura :
« Ne retiens pas tes cris, mon ange… J’aime entendre que je te fais du bien… »
Shion tourna la tête. Ils s’embrassèrent. Puis Nezumi se mit à l’œuvre et leurs cris se mêlèrent vite. Shion serrait le rebord du canapé à le briser. Il se raidit, le souffle coupé… Ce n’était pas comme d’habitude… Il ferma les yeux. C’était différent…
Les bras de Nezumi se refermaient autour de lui. Il gémit. Il eut un sursaut quand une décharge le traversa… Une autre… Nezumi accéléra et Shion se mordit les lèvres. Les doigts de Nezumi se resserrèrent sur sa peau. Il donna un ultime coup de reins avant de se répandre en lui et Shion sentit son corps entier exploser de plaisir.
Nezumi se retira et flageola. Il tomba plus qu’il ne s’assit sur le canapé. Shion mit un petit moment à retrouver son souffle et ses esprits, à genoux près de lui.
Il se tourna ensuite pour se laisser tomber assis à côté de Nezumi qui lui sourit. Shion lui montra son propre sexe, encore bien droit. Le sourire de Nezumi s’élargit :
« Oh ma pauvre petite fleur… Dans quel état je te vois là… »
Shion sourit et tapota ses cuisses :
« Viens là si tu veux y remédier… »
Nezumi rigola et se leva pour enlever son pantalon et son boxer en faisant semblant de râler :
« … Pourquoi c’est à moi de faire tout le boulot, ce soir !…
– Ça t’apprendra à me chauffer n’importe où.
– Mais euh… »
Shion regardait le corps nu de son amant avec un sourire doux.
Nezumi vint s’asseoir sur ses cuisses et se frotta. Shion passa ses mains sur son dos, puis les glissa sur son torse, le caressant doucement. Il embrassa sa nuque et murmura :
« Vas-y, mon chéri… »
Nezumi écarta les cuisses et se cambra lentement en s’empalant sur Shion. Il pencha la tête en arrière, les yeux perdus, l’appuyant sur l’épaule de Shion.
Ce dernier l’enlaça et gémit. Nezumi se mit à bouger ses hanches lentement. Il se mit à gémir rapidement, lui aussi. Il appuya ses mains sur le canapé pour s’aider et se mit à accélérer le rythme. Shion le serra plus fort et enfouit son visage contre son dos.
Ils se mirent à crier ensemble, Nezumi chevauchait Shion avec énergie. Il se resserra sur Shion qui jouit en lui en le serrant à l’étouffer.
Nezumi lui tomba dans les bras. Shion soupira contre son épaule. Nezumi se libéra avant de retomber contre Shion. Ce dernier l’accueillit et le serra dans ses bras alors qu’il s’installait sur ses genoux, câlin.
« Je te préviens, mon chéri, si un jour Haru nous entend, c’est toi qui lui expliques.
– Oh, tu es vache, mon amour…
-Il va falloir que je me reprenne une douche…
– Je peux venir te frotter le dos ?
– T’es vraiment insatiable… »
Ils se levèrent doucement, ramassèrent leurs vêtements et allèrent prendre l’escalier :
« Quoi, moi je ne suis pas douché… »
Ils montèrent tranquillement. Caché dans la cuisine, Shinobi était tout rouge et tétanisé. Il tremblait de tout son corps, à la fois profondément choqué et tout aussi involontairement excité. Le problème était qu’il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il ressentait et qu’il était donc surtout atrocement mal à l’aise. Il se releva lentement, flageolant. Il tenta de se reprendre.
Il était venu chercher de l’eau… C’est ça. Boire.
Il avait plus besoin d’une douche froide que d’un verre d’eau…
Il retourna dans son lit, mais ne parvint pas à se remettre à lire. Il se mit en boule sous les couvertures, mais rien à faire, ça ne passait pas… Il avait déjà eu des érections, mais purement physiologiques et elles passaient donc toutes seules… Surtout après une bonne journée d’entraînement.
En bon adolescent cependant, il trouva rapidement la solution du problème.
Il dormit très bien après ça.
*********
Shion préparait tranquillement le petit déjeuner, de charmante humeur, ce dimanche matin là, lorsque le téléphone sonna. Il ralentit le feu sous ses casseroles et gagna le salon en s’essuyant les mains sur le tablier qu’il avait noué par-dessus son yukata.
« Allô ?… »
Haru et Nezumi dormaient encore, il espérait que Shinobi avait pu bien se reposer. En tout cas, il avait l’air de faire très beau.
« Bonjour, Inukashi… Ça va ? Ça fait un bail… »
Il caressa la tête d’Omae qui était venue le saluer.
« Cet après-midi ? Euh, rien… Enfin, ma mère avait parlé de passer pour le goûter, je crois… Ah,… Oh, ben dans ce cas, passez, plutôt ?… Oui, ça sera plus simple… »
Il se tourna en entendant un pas dans l’escalier. Shinobi arrivait en bâillant. Il lui sourit et lui tendit la main.
« Non, mais t’en fais pas… On parle d’un gâteau de ma mère… Bien sûr qu’il y en aura pour tout le monde… »
Le garçon prit la main d’un air intrigué et se retrouva illico blotti contre son grand frère qui continuait :
« Oui… Si ça peut te rassurer, d’accord, emmène-la, ta tarte… J’ai totalement confiance dans les capacités culinaires de ton homme. D’accord. À tout à l’heure, alors. »
Il raccrocha et reposa le téléphone.
« Bonjour, Shinobi. Comment tu te sens, ce matin ?
– Ça va…
– Tu as faim ? J’ai préparé un vrai bon petit déjeuner traditionnel, j’étais motivé… »
Un peu plus tard, repu, Shinobi buvait son thé vert. Face à lui, Shion finissait sa soupe miso. Nezumi arriva avec Haru dans les bras. Shion laissa sa place à son compagnon, servit à Haru un bol de céréales et déposa sa propre vaisselle sale dans l’évier. Puis, il servit à Nezumi un bol de riz et de soupe miso et se mit à lui cuire une tranche de saumon.
« Au fait, mon cœur, dit-il, il y avait quoi, au courrier, hier ? J’attendais une revue ?
– Elle doit encore être dans la boîte aux lettres, j’ai totalement oublié d’aller voir, répondit Nezumi.
– Oh, je vais y aller, alors… Pendant que j’y pense… Tu surveilles ton saumon ?
– D’accord.
– Peux venir avec toi, S’ion ?
– Si tu veux, Haru… »
Shion partit tranquillement, suivi du petit garçon. Mal à l’aise, Shinobi n’osait pas regarder Nezumi qui but un peu de sa soupe avant de dire :
« J’espère que le spectacle t’a plu. »
Shinobi avala de travers et se mit à tousser violemment.
« … Mais n’en parle pas de ton frère, il risquerait de mal le prendre… »
Shinobi le regarda, les yeux ronds. Nezumi lui sourit.
« Il va croire qu’on t’a traumatisé…
– Euh… D’accord… »
Shion revint alors que Nezumi retournait son saumon.
« Il y a une lettre pour toi, Nezumi, dit tranquillement Shion.
-Hein ? Sursauta Nezumi.
– Ben, oui, à part s’il y a un autre Aki ici… » Dit encore Shion en lui tendant une enveloppe petite et épaisse.
Nezumi la prit, dubitatif. Une enveloppe anonyme sur laquelle on avait tracé son prénom. Il décida qu’il verrait ça plus tard et la mit dans sa poche. Haru se rassit à table et Shion se mit à feuilleter sa revue : Déductions statistiques des procédés technicoélectriques de dépollution environnementale et maritime.
« Au fait, Inukashi et son compagnon vont venir goûter avec nous cet après-midi…
– C’est pas ta mère qui devait venir ?
– Si, si. C’est pas incompatible.
– Va venir Tata Inu ? Demanda Haru, ravi.
– Oui, Haru, tout à l’heure. »
Devant l’air intrigué de Shinobi, Shion lui dit :
« C’est la personne avec qui je parlais au téléphone quand tu es descendu, Shinobi. C’est une vieille amie à nous, enfin surtout à Nezumi…
– Moi, ami de ce sale cabot ? Ça me ferait mal ! Rigola Nezumi.
– Attends qu’elle soit là pour commencer à la vanner, mon cœur… »
*********
L’après-midi était radieuse et décision avait été prise de nettoyer la table du jardin et ses chaises pour goûter dehors. Shion étant retenu par un coup de fil, Nezumi embarqua d’autorité Shinobi pour qu’ils fassent tous les deux. Haru faisait sa sieste.
Sous le soleil printanier, ça tourna rapidement en bataille d’eau, Nezumi arrosant « maladroitement » le garçon avec le jet avec lequel il rinçait la table… Ce qui lui valut de se prendre rapidement une éponge dégoulinante en pleine tête…
Quelques échanges liquides plus tard, ils furent interrompus par une voix venant du portail :
« Bonjour ! »
Aucun des deux ne connaissait le jeune homme qui les avait cordialement interpellés. Par contre, lorsqu’il vit la petite jeune femme vêtue d’une jolie robe qui l’accompagnait et qui ouvrait le portail, un sourire immense éclaira le visage de Nezumi qui s’écria :
« Oh non, pas elle ! »
Pour s’entendre aussitôt répliquer :
« Merde, t’es revenu, toi ?… »
Alors que trois chiens la suivaient avec le jeune homme qui portait visiblement une tarte, ce dernier et Shinobi échangèrent un regard inquiet.
« Hé, mais c’est quoi ce déguisement ? Tu te prends pour une fille maintenant ?
– Tu pouvais pas y crever, dans ta forêt ?
– Te faire un tel plaisir ? Ça va pas, non ? »
La jeune femme et Nezumi se rapprochaient l’un de l’autre en continuant :
« Ça, clair que j’aurais sabré le champagne !
– Tu sais ce que c’est que du champagne ? Depuis quand tu as si bon goût ? »
La voix de Shion fit sursauter les deux spectateurs, ils se tournèrent vers lui. Il arrivait paisiblement, Haru dans les bras, toujours vêtu de son yukata gris pâle :
« Sitôt ensemble, ils retrouvent leurs vieilles habitudes… Bonjour, Nakama. Ça va ? »
Omae alla joyeusement saluer ses semblables. Shion va serrer la main du jeune homme qui rigola :
« Ça va, Shion, merci… Bonjour, Haru. Euh, ils sont toujours comme ça ?
– Oh, oui… Pas d’inquiétude. Je te présente mon frère, Shinobi. Shinobi, Nakama et Inukashi, de vieux amis à nous.
– Enchanté ! » S’exclama Nakama en tendant une main à Shinobi qui la serra en s’inclinant poliment, un peu tendu.
Inukashi les rejoignit :
« Bon sang, Shion, je croyais qu’on en était débarrassé !
– Bonjour, Inukashi. Tu es en forme, ça me fait plaisir.
– Je suis increvable, Inukashi ! T’as pas encore compris ? Répliqua Nezumi.
– Ouais, y a rien à faire, les saloperies, ça a la peau dure ! »
Shion rigola doucement et reprit pour Nezumi et Shinobi.
« Allez vous sécher, tous les deux… On va mettre la table. »
Nezumi opina en rigolant aussi et parti en disant :
« Et surtout vous surveillez qu’elle foute pas de mort-aux-rats dans mon assiette ! »
Karan et Jacques arrivèrent un peu plus tard, juste pour entendre Inukashi dire à Shion :
« Mais je savais pas que tu avais un petit frère ? »
Karan, qui allait embrasser Shion, sourit :
« Ah, on a changé d’avis ? Je n’attends plus une fille ?
– Oh, je suis sûr que si, maman. Nezumi ne peut pas trop se tromper là-dessus. Nous parlions de Shinobi, mais tu n’es pas au courant… Dit-il en l’embrassant gentiment.
– Shinobi ?
– Oui, je l’ai rencontré avant-hier. Il semblerait que tu ne sois pas la seule femme avec laquelle mon père ait batifolé… »
Karan le regarda avec surprise.
« Sérieusement ?
– Ah, vous allez voir, intervint Inukashi, le même en châtain ! »
Nezumi et son beau-frère arrivèrent, le premier bonhomme et le second toujours aussi nerveux. En voyant le garçon, Karan poussa un cri en plaquant ses mains sur sa bouche. Elle se précipita vers lui. Il se tendit dans un sursaut. Nezumi, à côté de lui, sourit. Pour ne pas prolonger le malaise du garçon, il le poussa amicalement vers la table.
Ils s’installèrent, Shinobi restant prudemment près de Shion. Inukashi et Nezumi se chargeaient bénévolement de l’animation. Shion servait, imperturbable, mais souriant, des parts de tarte et de gâteau à la cerise à qui en voulait. Les chiens batifolaient autour d’eux et les souris vinrent vite sur la table, faire de grands yeux suppliants non loin des assiettes.
Une averse aussi brutale qu’inattendue força les humains et les rongeurs à se replier à l’intérieur, mais les chiens, eux, restèrent sous l’auvent.
Installé au salon, et alors que Shion était parti chercher des serviettes pour les plus mouillés, Shinobi se permit timidement de remercier Karan pour son gâteau et Nakama pour sa tarte. Le second lui sourit, mais ne put faire plus, interpellé par sa compagne. Mais Karan lui dit gentiment :
« Merci. C’est le gâteau préféré de ton frère…
– … C’est très bon… C’est bien de savoir faire des choses bonnes comme ça… »
Shinobi parlait tout bas en regardant à droite et à gauche, mal à l’aise. Nezumi, derrière lui, eut un sourire lorsque Karan répondit, souriante.
« Ce n’est pas compliqué, tu sais… Tu ne sais pas cuisiner ?
– Ça ne fait pas partie des choses qu’on m’a apprises.
– Il n’est pas trop tard, intervint tranquillement Shion en revenant. Tu n’avais pas dit que tu avais besoin d’aide, maman ?
– Si… Mais… Il ne peut pas arrêter le collège comme ça ?…
– Il n’y va pas, répondit Shion. C’est un peu compliqué… Qu’en dis-tu, Shinobi ? Est-ce que ça te plairait d’aller seconder ma mère sa boulangerie ? »
Shinobi regarda son frère. En un battement de cils, il avait compris le message : un nouveau départ et une couverture crédible. Il hocha la tête :
« D’accord… »
********
Shinobi prenait un bain et Haru jouait tranquillement dans son coin, lorsque Nezumi retrouva la lettre dans sa poche. Shion était dans son bureau. Il s’assit sur le canapé, un peu sceptique. Il ne connaissait pas cette écriture… Il sortit de l’enveloppe deux feuilles noircies et un anneau d’argent.
« Bonjour,
Je m’excuse tout d’abord de te déranger, et te prie de croire sincèrement que je n’ai aucune mauvaise intention envers toi. J’ai beaucoup hésité à t’écrire…
J’ai été très surprise de voir à la télévision lundi soir le si beau jeune homme que j’avais ramassé sous la pluie il y a 15 jours… Surprise, mais aussi sincèrement soulagée.
Je savais que tu ne faisais que passer, mais j’avais très peur qu’il te soit arrivé malheur. Tu étais si anéanti, si désespéré… Tu ne dois pas trop te souvenir, mais tu as pleuré sans cesse, appelant jusque dans ton sommeil celui que tu aimes. Je n’aurais jamais pensé qu’il s’agissait de ce Shion-là… Mais vous allez incroyablement bien ensemble et te voir si souriant m’a vraiment fait chaud au cœur. Il ne fait aucun doute pour moi que vous êtes faits l’un pour l’autre. Alors, ne crains rien : notre nuit restera notre secret. Je ne dirai rien et ne ferai rien qui puisse vous nuire. En échange, je voudrais que toi, tu me jures de désormais tout faire pour le garder, et que rien ne pourra jamais vous séparer.
L’amour véritable qui vous unit ne doit jamais disparaître. S’il te plaît, prends bien soin de lui et laisse-le prendre soin de toi. Malgré tout ce qui peut arriver, et si surmonter les épreuves peut-être très dur, vivre seul avec des regrets est bien pire que tout…
Je veux être la seule femme de ta vie et rester un souvenir. Je t’offre un anneau. Je voudrais que tu le portes pour ne jamais oublier ce que tu as fait, et ne jamais le refaire. Si tu acceptes de t’y engager, porte-le à ton doigt et garde-le, pour rester l’homme de sa vie pour toujours.
Notre nuit restera pour moi un doux rêve, un merveilleux souvenir. J’espère t’avoir aidé quand tu en avais besoin, sache que toi, tu m’as aidée bien plus que tu ne dois l’imaginer. Il y avait bien trop longtemps que personne ne m’avait traitée avec un tel respect et une telle douceur.
Au revoir, Aki. Je te souhaite tout le bonheur du monde.
Shima
PS Remercie ton ami de tout ce qu’il fait pour nous. »
Shion revint peu après et trouva Nezumi assis sur le canapé, silencieux. La lettre était devant lui, sur la table basse, l’anneau posé dessus. Il la fixait, les poings serrés l’un dans l’autre devant ses lèvres, les coudes appuyés sur ses cuisses.
« Nezumi ? S’inquiéta Shion en s’approchant. Ça va ? »
Nezumi lui tendit les feuilles sans rien dire, sans même le regarder. Shion fronça un sourcil, puis s’assit à côté de lui et se mit à lire. D’abord très surpris, il finit par sourire doucement. Il acheva sa lecture, puis dit :
« C’est quelqu’un de bien.
-Ouais. »
Nezumi regardait l’anneau d’argent.
« … Shion, est-ce que tu me permets de le porter ?
– Oui. »
Shion sourit et passa son bras autour des épaules de son amant :
« Oui. Porte-le. Parce que ni toi, ni moi ne devons oublier ce qui s’est passé. »
Nezumi hocha la tête et passa l’anneau à son index. Il lui allait parfaitement. Le jeune serveur tourna la tête et embrassa rapidement Shion :
« Oui, il ne faut pas oublier… »
Shion hocha la tête et l’embrassa aussi.
« Je t’aime. »
Le lendemain, Shion demanda à Yui de suspendre la surveillance de cette femme. Une décision qu’il regretterait plus tard pour le reste de sa vie.
*********
Le hall du théâtre était plein et Shion regarda sa montre avec un soupir. La pièce allait bientôt commencer et Shinobi était en retard.
Yui s’approcha en marmonnant :
« C’était de qui déjà, cette idée de costard à la con ?… »
Shion le regarda et lui sourit. Si lui portait sans souci le costume gris taillé exprès pour la soirée, habitué désormais à ces tenues officielles, son conseiller ne l’était absolument pas, lui. Adrian, impeccable dans son propre smoking, répondit pour Shion :
« Quand on va au théâtre, on s’habille, Yui. Surtout pour l’inauguration.
– C’est pas confortable… Et c’est pas pratique… »
Shion sourit à nouveau.
« Ton frère est en retard, lui dit Adrian.
– Oui, c’est Jacques qui l’amène et il finissait tard à l’hôpital.
– Ça se passe toujours bien avec ta mère ?
– Oui, oui… Il est très doué, il apprend vite. Maman est ravie, elle le cajole… Il a pris 3 kg, d’ailleurs. »
Yui leva son sourcil, surpris, alors qu’Adrian hocha la tête :
« Maigrichon comme il était, ça n’a pas dû lui faire de mal. »
Le téléphone de Shion sonna, c’était justement son frère. Le jeune président décrocha :
« Oui, Shinobi ? Ça va ? Tu en es où ?
– Je suis arrivé, ‘Nisan, mais ils ne veulent pas me laisser entrer, parce que je n’ai pas d’invitation… Je leur ai dit que tu m’attendais dedans, mais ils n’y croient pas…
– Ah bon sang, je les avais prévenus, pourtant… Bon, je viens te chercher, reste devant la porte… »
Une voix annonça alors que la pièce allait commencer et que le public était prié d’aller s’installer dans la salle. Shion grogna et courut à l’entrée. Avisant son frère qui attendait sagement, il lui fit signe de venir et lorsque deux vigiles lui barrèrent la route, il soupira, les rejoignit et les écarta fermement :
« Excusez-moi, c’est quoi que vous n’aviez pas compris tout à l’heure, quand je vous ai dit : “Mon frère va me rejoindre, il n’aura pas d’invitation, puisqu’il compte comme la deuxième personne de la mienne. Merci de le laisser entrer.” ? »
Il leur jeta un œil , attrapa le bras de Shinobi et l’entraîna avec lui avec un « Bonne soirée. » glacial. Ils rejoignirent Yui et Adrian et filèrent dans la salle. Ils étaient au premier rang, et, comme Yui était encore très suspicieux envers Shinobi, Shion et Adrian se placèrent très naturellement tous les deux entre eux.
Un petit moment passa sans que rien ne se passe, justement, et le public commençait à chuchoter, lorsque brutalement, un jeune homme se vit proprement éjecter de derrière le rideau, à gauche de la scène.
« EH ! »
Un sourire aussi doux que curieux se fit sur les lèvres de Shion alors que tous reconnaissaient après lui Nezumi, qui parvint par on ne sait quel miracle à rester sur ses jambes et regarda derrière lui, furieux :
« Non, mais ça va pas !… Ouais, ben encore heureux que je me sois pas vautré !… Et tu peux m’expliquer ce que je fais, moi, là ?!… Comment ça, je les occupe ?!… »
Il passa ses mains sur son visage pour reprendre son calme, puis inspira un grand coup et se tourna vers le public. Il se racla la gorge et sourit.
Shion rigolait déjà.
« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, la troupe vous prie d’excuser son retard, indépendant de la volonté de la grande majorité d’entre nous. La pièce va bientôt commencer… Enfin, nous l’espérons au moins autant que vous. »
Il jeta un œil à son invisible interlocuteur, toujours caché derrière le rideau.
« Ouais, ben, tu veux que je leur dise quoi ?… Hein ?… »
Il eut un sourire mauvais :
« Tu l’auras cherché ! »
Il regarda à nouveau le public qui attendait, amusé.
« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous vous prions d’excuser ce retard inopportun, mais deux des acteurs principaux de notre pièce ayant trouvé moyen de s’envoyer en l’air il y a approximativement une demi-heure, ils n’ont pas pu finir de se préparer à temps. … Si tu répètes ça, ajouta-t-il après un temps en pointant son index vers le rideau, je balance les noms… Ouais, ben c’est pas pro, c’est tout ! »
Il fit quelques pas avant de continuer l’air de rien :
« C’est vrai quoi,… Moi j’ai fait ça tranquillement cet après-midi pendant la pause, quand ça dérangeait personne… »
Toute la salle entendit Shion exploser de rire et se mit à rire avec lui.
« … Oh, bonsoir, mon amour, continua innocemment Nezumi. Je ne t’avais pas vu, ça va ?… »
Nezumi jeta un œil au rideau :
« Ah, ça, mon vieux, c’est que tu ne connais pas aussi bien les coulisses que moi. »
Il sourit ensuite à Shion en lui faisant un clin d’œil :
« N’est-ce pas qu’elles sont sympas, les coulisses, mon ange ? »
Shion opina en s’essuyant les yeux. Il en pleurait de rire. Nezumi hocha la tête, puis regarda encore le rideau :
« Bon, ils sont prêts, les deux, là ?… Encore cinq minutes ?… Pfff… Bon,… Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,… Je sais pas trop quoi vous raconter,… Soupira-t-il.
– Chante ! Lui cria Yui.
– Ah, pas con, ça… » Reconnut le jeune acteur.
Il resta silencieux un moment alors qu’Adrian chuchotait à Yui :
« Ça va aller ?
– Ah, c’est vrai, tu ne l’as jamais entendu chanter, toi… Murmura Yui en prenant sa main.
– Non, jamais.
– Prépare-toi à t’envoler. »
Adrian regarda, sceptique, puis se tourna à droite. Il sursauta. Shion avait déjà tellement d’étoiles dans les yeux qu’il ne devait plus être très loin de la Voie Lactée. Adrian échangea un œil inquiet avec Shinobi, puis tous deux regardèrent à nouveau la scène, car Nezumi venait de se racler la gorge. Sa voix s’éleva et emplit toute la salle sans qu’il ait l’air de forcer le moins du monde.
« Certains disent que l’amour est une rivière
Qui submerge le tendre roseau
Certains disent que l’amour est une lame
Qui laisse notre âme en sang
Certains disent que l’amour est une soif
Un douloureux désir sans fin
Moi, je dis que l’amour est une fleur… »
Il tendit la main vers Shion un instant.
« … Et vous, que ce n’est qu’une graine.
C’est un cœur qui a peur de se briser
Qui n’a jamais appris à danser
Un rêve qui a peur de se réveiller
Qui n’a jamais saisi sa chance
C’est celui qui ne sera pas pris
Mais qui ne sait pas donner
Et une âme effrayée par la mort
Qui n’a jamais appris à vivre
Quand la nuit semble trop solitaire
Et la route trop longue
Et que tu crois que l’amour, c’est juste
Pour les chanceux et les plus forts,
Souviens-toi simplement que pendant l’hiver
Si loin sous la neige épaisse
Repose la graine qui dans l’amour du soleil,
Au printemps, devient… L’aster. »
Ni Shion, ni Nezumi n’entendirent réellement le tonnerre d’applaudissements qui suivit, trop occupés à échanger un baiser plus que profond, l’acteur accroupi au bord de la scène et son président debout face à lui.
Nezumi se releva, s’inclina, souriant, puis, lorsque le silence revint enfin, déclara :
« Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, nous allons pouvoir commencer et espérons que vous prendrez autant de plaisir à nous regarder que nous à jouer. Pour ma part, je vous donne rendez-vous à la toute fin de la pièce, à part si bien sûr, nos deux amis remettent ça à l’entracte !… »
Il écarta largement les bras :
« Soyez les bienvenus au Royaume de Danemark. »
Il s’inclina et la salle se retrouva plongée dans le noir.
La pièce se déroula sans accroc, devant un public concentré et admiratif. Personne ne vit les acteurs pour l’entracte. Le spectacle continua jusqu’à la scène finale et son hécatombe toute shakespearienne.
Nezumi fit donc son apparition sur scène, au milieu de quelques autres, mais Shion ne vit que lui.
« Quel est ce spectacle ? »
Nezumi avait quatre répliques et personne ne se doutait ce soir-là qu’elles lanceraient une carrière si exceptionnelle.
Les applaudissements et les rappels durèrent un moment, puis le public gagna la sortie ou, pour encore quelques élus, le buffet prévu avec la troupe dans le salon de réception du théâtre.
Shion parlait paisiblement avec un Shibai survolté par la soirée d’inauguration, alors qu’Adrian jouait au Casque bleu entre Yui et Shinobi, lorsque les comédiens arrivèrent enfin. Les invités les applaudirent.
Nezumi rejoignit Shion qui le regardait avec tendresse et lui tendit la main :
« Vous avez été parfaits, mon joli rat.
– Merci, ma petite fleur. » Répondit Nezumi en la prenant.
Un peu plus tard, alors qu’il se servait à boire au buffet, Nezumi se vit aborder par une jeune femme, un peu plus âgé que lui, estima-t-il.
« Mes félicitations pour votre trop courte prestation… »
Son ton mielleux le dégoûta immédiatement. Il la regarda mieux, lui souriant poliment. Elle était loin d’être laide, mais pour lui, il émanait d’elle quelque chose d’irrémédiablement repoussant.
« Merci… Répondit-il prudemment.
– Je dois admettre que vous m’avez surprise… Je ne m’attendais vraiment pas à ce que vous ayez vraiment du talent. »
Il la regarda sans perdre son sourire, intrigué. Il savait qu’elle avait voulu l’attaquer, mais elle était loin d’être au niveau. Il fallait plus qu’une pique aussi mesquine pour le toucher.
« Qu’est-ce qui vous faisait penser que je n’en avais pas ?
– Je pensais que vous aviez obtenu ce rôle grâce à d’autres talents. »
Le sourire de Nezumi s’élargit. Le voyant, elle insista :
« Vu vos antécédents…
-Mes antécédents ? La relança-t-il.
– Ça n’aurait pas été la première fois que vous auriez eue à donner de votre personne pour ce genre de choses, non ? »
Il rit doucement :
« Vous insultez souvent les gens avant même de vous présenter, Mlle ? »
Elle le regarda et allait tenter une autre attaque, lorsque la voix de Yui la coupa dans son élan :
« Depuis quand avez-vous assez bon goût pour vous intéresser au vrai théâtre, Mlle… »
Le grand borgne vint se placer près de son ami. Il regardait la jeune femme avec un sourire glacial :
« J’adorerais pouvoir me dire que c’est une bonne nouvelle, mais c’est bizarre, je n’en crois rien.
– Et vous, depuis quand essayez-vous de vous déguiser en homme de la bonne société ? Répliqua-t-elle.
– Tu la connais ? Demanda Nezumi à son ami.
– Hélas… Soupira Yui. Je te présente Munashisa Hantaisha, la fille chérie du principal actionnaire de La Libre Parole.
– Je vois, sourit Nezumi. Enchanté, Mlle.
– Je reconnais bien votre goût des œuvres passéistes et décadentes dans la pièce que nous avons vue… Lança Munashisa à Yui.
– Désolé d’avoir mis fin aux pièces formatées qui ont bercé votre jeunesse… Ricana-t-il.
– De grandes œuvres comiques, pourtant, intervint Adrian en s’approchant à son tour avec Shion et Shinobi. Quel dommage, on avait pas droit de rire…
– Moi, je me souviens surtout que c’était ennuyeux à mourir, soupira Shion en venant trinquer avec Nezumi. Santé, mon chéri.
– Santé, mon ange. »
Un jeune homme vint alors près de la demoiselle qui fulminait sans plus savoir quoi dire.
« Muna, la voiture nous attend. Grand-Père veut y aller. »
Elle tourna les talons et partit d’un pas sec et rapide. À part Shinobi qui le regarda faire avec scepticisme, les autres, y compris celui qui était venu la chercher, rigolèrent.
« Bonsoir, Sheishin, le salua Shion, aimable.
– Bonsoir… Merci pour la pièce, et… »
Il baissa d’un ton :
« … Merci du coup de pouce pour le transfert…
– De rien. Je vous souhaite un bon voyage, et saluez votre grand-père pour moi. »
Le garçon opina et fila derrière la jeune femme. Nezumi vida son verre et demanda :
« Qui était-ce ?
– Sheishin, le plus jeune des trois frères de notre amie et le seul fréquentable, répondit Shion. Il veut aller poursuivre ses études à l’étranger et son père bloquait les dossiers de transfert. Je les ai débloqués. Il part dans quelques jours. »
Nezumi eut un sourire. Il posa son verre vide et passa ses bras autour de Shion.
« Toi aussi, tu pars bientôt… »
Shion sourit.
« Allez, 10 jours, c’est vite passé… »
*********
« Allez, Nezumi, 10 jours, c’est vite passé… »
Yui tapota l’épaule de son jeune ami. Ce dernier regardait avec un air un peu dépité l’avion qui emportait Shion vers N°5. Les festivités des trois ans de la ville s’étaient très bien passées et le jour suivant, Shion, Adrian et quelques autres s’envolaient pour les Annuelles. Dans les bras de Nezumi, Haru serrait son doudou, tout triste. Nezumi le berçait tout doucement.
« Je te ramène ? Proposa Nezumi.
– Ouais… Volontiers. »
Ils sortirent de l’aéroport et Yui s’alluma une cigarette.
« Tu fumes trop… Lui dit Nezumi. Tu veux que je te laisse ou ?
– Vous passez boire le thé chez nous ?
– Ah, pourquoi pas… »
Ils roulèrent tranquillement jusqu’au centre-ville. L’appartement que Yui partageait avec Adrian était grand et spacieux, dans une tour moderne.
Ils s’installèrent dans le salon, clair, car donnant sur le grand balcon. Haru se mit rapidement à jouer dans son coin, avec les souris. Sur les grands canapés de cuir qui se faisaient face, Yui et son ami étaient silencieux. Puis Nezumi prit la parole :
« Il est classe, cet appartement…
– Ouais… Je l’aime bien, moi aussi.
– Ça a dû te faire un choc, après le bunker.
– Ouais, ça m’a fait bizarre de me réveiller dans un vrai lit super confortable avec un grand mec tout câlin collé à moi qui m’a demandé gentiment : “Tu manges quoi au petit déjeuner ?” »
Nezumi éclata de rire.
« Je suis resté con et du coup, lui aussi…
– Tu m’étonnes ! Hoqueta Nezumi, hilare. Ça m’a fait pareil chez la mère de Shion…
– Des placards pleins de bouffe… Bon sang, c’était juste inimaginable pour moi… Tu l’aurais vu, il était tout gêné, du coup…
– Vous vous êtes bien trouvés, en tout cas.
– Ouais… C’est un gars bien. »
Un peu plus tard, Nezumi et Haru repartaient. Ils rentrèrent chez eux. Haru resta à trotter dans le jardin alors que Nezumi rentrait la voiture. Lorsque le jeune homme sortit du garage, l’enfant courut dans ses jambes, apeuré :
« Zumi !! Le chat il est méchant ! »
Nezumi caressa la tête du petit garçon et alla voir d’un pas ferme, sourcils froncés. L’inopportun félidé au ventre très rond se trouvait sous l’arbre et fila sans demander son reste lorsqu’il approcha. Il eut une mimique dédaigneuse. Ah, plus facile de cracher contre un gamin que contre moi, hein, saloperie ?
Il s’immobilisa soudain en entendant de petits bruits en provenance du sol. S’accroupissant, il découvrit avec stupeur deux oisillons dans les brindilles de ce qui avait dû être leur nid.
« Houla… »
Il prit délicatement les deux petites boules de plumes noires terrorisées dans ses mains.
« Là, du calme… Ça va aller… Du calme… Haru ? »
Le petit garçon s’était approché.
« Prends la clé de la maison dans ma poche et ouvre la porte, s’il te plaît… Si je ne les tiens pas comme il faut, ils vont se débattre et ils risquent de se blesser… »
Le petit garçon obéit rapidement, désireux d’aider les oisillons. Nezumi alla les déposer sur le canapé, tout doucement, et aussitôt, les souris vinrent voir, intriguées, ainsi qu’Omae qui se leva pesamment de son tapis. Nezumi alla voir s’il pouvait trouver une boîte de carton et une serviette moelleuse à l’étage.
Lorsqu’il revint, les souris étaient toutes blotties contre les oisillons pour leur tenir chaud et Omae essayait de grimper sur le canapé pour faire de même. Haru la retenait, il avait passé ses bras autour de son cou et disait :
« Non, Omae, t’as pas le droit de monter sur le canapé !
– Il a raison, Omae, dit Nezumi en s’agenouillant. En plus, je te l’ai déjà dit, il ne faut pas sauter dans ton état…
– Elle va bientôt avoir ses bébés, Omae, Zumi ?
– Dans quelques semaines, poussin… »
Il installa la serviette dans le carton et reprit doucement les oisillons pour les y installer. Ils s’étaient un peu calmés et se laissèrent faire.
« Dis, Zumi, c’est des bébés quoi ?
– Corbeau, poussin.
– Pourquoi t’a pas remis le nid dans l’arbre ?
– Parce que leur maman les aurait abandonnés quand même, en sentant mon odeur sur eux… Voilà, bien au chaud… Je vais voir si on a quelque chose pour les nourrir, maintenant… »
L’exercice se révéla laborieux, mais, armé de patience et d’une pince à épiler, Nezumi parvint à faire avaler aux oisillons un peu de viande prémâchée… Il les laissa ensuite dormir un peu, sous la bienveillante surveillance des souris.
*********
Adrian secoua doucement Shion pour le réveiller. Le jeune président ouvrit des yeux vagues et enleva ses écouteurs de ses oreilles.
« On va atterrir, Shion.
– OK. »
Le garçon bâilla et s’étira.
Que la fête commence… Pensa-t-il.
Il fut accueilli au pied même de la passerelle par son hôtesse, la présidente de N°5 en personne : Jessica Spiele, une quadragénaire forte (aussi bien physiquement que moralement) qui lui serra la main avec sa vigueur habituelle.
« Bienvenue à la délégation d’Utopia.
– Merci beaucoup, Jessica. Comment allez-vous ?
– Très bien ! Et vous, vous avez fait bon voyage ?
– Sans problème… Tout le monde est là ?
-Non, nous attendons encore la délégation de N°2 et celle de N°4. »
Ils gagnèrent l’intérieur de l’aéroport.
« … D’ailleurs, le cheikh n’a pas pu venir. C’est son fils qui le représente. »
Houla, songea Shion. Pauvre Ahmed…
« Nous vous laissons installer à votre hôtel. À part un dîner informel ce soir, rien n’est prévu jusqu’à demain après-midi, les dernières délégations seront là dans la matinée. »
Dès qu’il fut seul dans la luxueuse chambre qu’on lui avait réservée, Shion s’assit sur le lit et prit son téléphone. Il sourit malgré la fatigue en entendant une voix le saluer tendrement :
« Bonsoir, mon amour.
– Salut…
– Ça va ? Bien volé ?
– Ouais, ouais… Je te dérange pas ? Il est quelle heure chez nous ?
– Je sais pas, tard… Je regardais la télé en t’attendant…
– Quoi de neuf ?
– On a deux bébés de plus à la maison.
– Pardon ?
– Deux petits oisillons tombés de notre arbre, au sens propre… Tu n’as rien contre les corbeaux ?
– Euh, non…
– Parce que là, on n’a plus le choix, tout le monde les a adoptés… Les souris se sont même organisées pour les nourrir toutes seules… »
Shion rigola doucement.
« Bon, ben c’est noté… Faudra que je leur trouve des noms, j’imagine ?
– Nous comptons sur vous, Votre Majesté.
– Mâles ?
– Oui… Deux mâles. Ils sont jumeaux.
– OK, je verrai ça.
– Tu as l’air épuisé, ma petite fleur.
– Je n’ai pas que l’air, mon joli rat… Et j’ai un dîner ce soir… Heureusement, ça sera entre gens bien.
– Laisse-moi deviner… Sans les Américains ?
– Non, encore mieux. Sans les Américains ET sans les Russes ! »
Et de fait, ça devait être une excellente soirée. À peine eut-il posé un pied dans la salle du restaurant qu’il se faisait sauter au cou par la très ronde et joviale épouse du roi de N°1 :
« Notre petit Shion !… Ça me fait tellement plaisir de te voir !
– Bonsoir, Maryam… Comment va la plus belle fleur de Dakar ? sourit-il.
– Vil petit flatteur ! Tu m’auras pas comme ça ! rit-elle. Il paraît que tu es venu tout seul ?
– Effectivement. »
Elle le lâcha et il put serrer la main d’Ahmed qui s’était approché avec Yousouf, l’époux de Maryam.
« Mais j’avais tellement envie de rencontrer ton homme, méchant que tu es !
– On avait tous envie, corrigea Ahmed.
– Ça viendra, ne vous en faites pas.
– En plus, dit encore Maryam, j’avais un cadeau pour Haru ! Tu me feras penser à te le donner !
– D’accord. »
Ils s’installèrent à table et furent vite rejoints par Jessica Spiele. Le repas fut très sympathique et joyeux. Shion passa encore un moment avec Ahmed dans un salon avant d’aller se coucher. Il s’endormit difficilement, malgré la fatigue, car désormais, s’endormir sans la chaleur du corps de Nezumi était très dur pour lui.
*********
Epona trouva Nezumi exactement là où elle pensait : endormi dans la réserve. Bon sang, vivement que Shion revienne, songea-t-elle. Six jours qu’elle avait un espèce de zombie sociopathe au boulot…
Elle n’aurait jamais cru le voir un jour arriver dans cet état. Et c’était arrivé le lendemain du départ de leur président… À son inquiet : « Et, ça va pas ? », il avait répondu à un vague : « Crevé. »
Au bout de quelques jours, il avait fini par lâcher le morceau : il avait un mal de chien à dormir sans Shion… Du moins dans leur lit. Ce qui lui valait d’aller régulièrement se poser pour siester dans la réserve du pub pendant ses pauses.
« Aki ? L’appela-t-elle.
– Hm…
– Il y a M. Himitsu au téléphone et ça a l’air très urgent.
– … OK. »
Il se leva sans grande énergie des caisses sur lesquelles il s’était posé pour la suivre en s’étirant. Il alla prendre le combiné du téléphone du pub, derrière le comptoir.
« Ouais ? Bâilla-t-il.
– Ah ben quand même ! Jamais tu décroches ton portable ?! S’écria Yui, visiblement sur les nerfs.
– Il est en silencieux quand je dors… Qu’est-ce qu’il y a ?
– Tu peux venir à l’hôpital Sud ? Ta belle-mère vient de se faire agresser…
– Quoi ?!… Qu’est-ce qui s’est passé ? !
– Un cinglé qui voulait, je cite, “venger N°6 de celle qui a engendré le monstre qui l’a détruit” …
– Elle va bien ?
– La blessure est superficielle. Tu connais son apprenti, le mec a eu un bras cassé et je crois que mes gars sont arrivés à temps pour que ça ne soit pas pire. En fait, c’est surtout qu’elle est très secouée… Les médecins ont peur qu’elle fasse une fausse couche et je me disais que comme Shion n’est pas là, tu pouvais peut-être aller la réconforter un peu ? »
Nezumi interpella vivement sa patronne :
« Epona, tu permets que je file ?…
– Reste discret, lui dit Yui.
– … Karan a eu un souci, je ne sais pas ce qu’elle a fait, elle est à l’hôpital ?
– Pas mal, commenta Yui.
– Merci, lui répondit Nezumi.
– Rien de trop grave, j’espère ? S’inquiéta Epona en s’approchant.
– Apparemment non, mais je préférerais la rejoindre…
– Oui, bien sûr, vas-y, pas de problème… »
Nezumi hocha la tête :
« J’arrive, Freedom.
– Je t’attends. »
Nezumi fut aussi rapide que possible. Yui l’attendait devant l’entrée principale. Il le suivit jusqu’à la chambre de Karan :
« Jacques est en plein rush dans son service, il arrive dès que possible… Shinobi est en train de faire sa déposition… Je te laisse avec elle, il faut que je retourne au Palais ?
– Pas de souci, je vais rester avec elle en attendant Jacques.
– Ça me gave, sérieux je voudrais pouvoir rester près d’elle, mais là, c’est trop la merde…
– Il y a un problème ?
– Il n’y a que quand le chat n’est pas là, les souris dansent, et que certains Conseillers sont en train de bien profiter de l’absence de Shion…
– Keitatsu ?
– Lui et d’autres. Bloc Ouest va exploser dans très peu de temps… À la prochaine bavure, j’en ai peur, vu comme ce con a toujours pas recadré ses troupes… Bref, elle est là, je file. Je repasse dès que je peux.
– Je vais m’occuper d’elle, ne t’en fais pas. » Lui dit Nezumi avec un sourire confiant.
Ils se serrèrent la main et Nezumi entra sans plus attendre dans la chambre. Karan lui sourit faiblement, très pâle. Elle était allongée sur un lit blanc, sa poitrine bandée. Apparemment, c’était un peu sous la clavicule qu’elle avait été touchée. Il lui sourit doucement, s’assit près d’elle et prit sa main :
« Comment tu te sens ?…
– Ça va, ne t’en fais pas… »
Le sourire du garçon s’élargit.
« Comment tu te sens ? » Répéta-t-il.
Elle trembla. Il la regardait avec une sincère tendresse, comme s’il lisait parfaitement en elle. Elle finit par balbutier :
« J’ai eu des contractions… J’ai peur… Tu crois… Tu crois que je vais perdre le bébé… ?… »
Il caressa sa tête :
« Repose-toi, ça va aller. »
Elle sentit ses paupières s’alourdir irrésistiblement. Elle entendit encore : « Ça va aller. » avant de sombrer dans un profond sommeil.
Nezumi n’avait pas perdu son sourire. Il dit avec gentillesse :
« Je t’aime beaucoup, Karan, mais même toi, il y a des choses que tu ne dois pas savoir… »
Il posa sa main sur le ventre un peu rebondi et continua sur le même ton :
« … Alors, petite sœur, qu’est-ce que tu me fais ?… Oh… Oui, effectivement, maman ne va pas bien… Mais c’est une très mauvaise idée de vouloir sortir lui faire un câlin pour la consoler… Tu es encore beaucoup trop petite pour ça. … Non, il faut rester sage et attendre. Oui, parce que maman ira beaucoup mieux si tu restes sage. Il faut que tu grandisses encore avant de sortir. … Oui, il faut attendre. Si tu sors trop vite, tu vas mourir et nous serons tous très très tristes. D’accord ?… Oui, promis. Et promis aussi, je reviendrai te parler. Je te dirai quand ce sera l’heure. D’accord ? Ne t’en fais pas, on est là pour lui faire des câlins en attendant les tiens. Repose-toi, maintenant. Ne t’inquiète rien. »
Karan rentrouvrit les yeux peu après. Nezumi chantait doucement dans un dialecte inconnu d’elle, tenant toujours sa main d’une main et caressant son ventre de l’autre. Il tourna la tête vers elle, souriant :
« On se réveille ?
– J’ai dormi longtemps ?
– Non, non. Ça va mieux ?
– J’ai l’impression… Les contractions se sont arrêtées ?…
– Ah, bonne nouvelle.
– Tu chantais quoi ?
– Une vieille berceuse de chez moi. »
Jacques arriva sur ces entrefaites, à bout de souffle. Nezumi les laissa peu après. Il regarda sa montre. Il allait aller chercher Haru. En sortant, il se dit qu’il devait appeler Shion pour lui dire que tout était arrangé. Il devait être mort d’inquiétude. Il s’exécuta sans plus attendre en regagnant sa voiture.
« Salut, mon joli rat… Dit la voix fatiguée de Shion.
– Coucou, ma petite fleur. Je te dérange pas longtemps, je voulais juste te dire que ta mère va mieux, je m’en suis occupé. »
Il y eut un blanc à l’autre bout de la ligne.
« … Shion ? Tu m’entends ?
– Il s’est passé quoi avec ma mère ?
– Euh… Tu n’es pas au courant ?…
– Non, mais il y a un quart d’heure, Sergueï m’a souhaité qu’elle aille bien, et maintenant, toi tu me dis qu’elle va mieux… Il s’est passé quoi ? »
Shion était nerveux et Nezumi regretta un instant de l’avoir appelé. Mais il ne lui serait jamais venu à l’idée qu’il n’avait pas été prévenu…
Il expliqua rapidement. Shion resta un moment silencieux :
« Bon, finit-il par dire, si ça va, c’est l’essentiel.
– Oui, ne crains rien.
– … Oui, Adrian, j’arrive… Je dois te laisser, mon cœur. Je peux te rappeler ce soir ?
– Quand tu voudras, mon ange, quand tu voudras.
– Je t’aime… Tu me manques.
– Toi aussi, tu me manques. Allez, courage, le plus long est passé.
– Ouais… À ce soir.
– À ce soir. »
*********
Shion claqua la porte de sa chambre au nez des trois hommes qui voulaient « absolument lui parler » avec un « Bonne nuit ! » aussi froid que ferme.
Il était exténué. Il s’assit sur son lit, tremblant si fort qu’il eut du mal à prendre son téléphone.
Nezumi… Mon Nezumi… J’ai besoin de t’entendre…
« Salut, mon ange… »
Nezumi avait une drôle de voix, mais Shion ne retint pas un soupir soulagé, souriant.
« Je te réveille, mon chéri ?
– Non, non… Je pensais justement à toi. »
Le sourire de Shion s’élargit.
« … Tu as toujours une petite voix. Ça va ?
– Je suis épuisé, j’en ai plein le cul et tu me manques, j’en ai mal à crever.
– Ouais… Toi aussi, tu ne dors plus, pas vrai ?
– Je peux plus dormir sans toi…
– Moi non plus.
– Je t’aime…
– Oui, Shion… Allez, faut qu’on s’accroche, ma petite fleur… Dans trois jours tu seras là…
-Moui…
– Mais sinon, quand même, ça se passe bien ?
– Ouais… Ouais, c’est sans arrêt à devoir être crédible et s’imposer, mais ça va… Nous, on est surtout là pour faire joli niveau politique, mais nos entreprises et nos ingénieurs ont pris énormément de contacts. Par contre, on est bien parti pour obtenir de faire ça chez nous l’année prochaine. Sullivan fait la gueule, mais les autres sont à peu près d’accord… Ce serait bien.
– Ouais. »
Shion avait enlevé ses chaussures. Il s’allongea sur le lit :
« Tu sais ce dont j’ai envie…
– Quoi ?
– Un bon bain brûlant et un massage…
– C’est noté. »
Ils rirent. Puis Shion reprit :
« Et toi, tu as envie de quelque chose ?
– De toi, mon amour. De toi fondant de plaisir dans mes bras…
– Je prends la commande.
– Merci. Hmm… Dis-moi…
– Moui ?
– Je peux avoir un acompte ?
– Euh… Comment ça ?
– Tu es dans ta chambre ?
– Oui… ?
– Personne ne peut venir te déranger ?
– Non, personne… »
Shion fronça un sourcil intrigué sans perdre son sourire.
« À quoi tu penses, toi…
– À toi, mon amour. Je te l’ai dit, j’étais en train de penser très fort à toi… »
Comprenant cette fois ce que ça sous-entendait, Shion rougit comme une tomate alors que Nezumi ajoutait, coquin :
« … Que dirais-tu de faire pareil ?…
– Euh… Je vois pas trop comment… J’ai jamais fait ça…
– Je vais t’aider, ne t’en fais pas. C’est plutôt un bon exercice pour ce que tu as, d’ailleurs… Alors, pour commencer… Tu es couché ?
– Oui.
– Encore habillé ?
– Oui…
– D’accord… Mets le haut-parleur, pose le téléphone tout près de ton oreille et éteins la lumière. »
Shion s’exécuta.
« Voilà. Je fais quoi, maintenant ?
– Tu fermes les yeux et tu te sers de ton imagination. Je sais que c’est un concept encore un peu compliqué pour toi…
– Eh, je progresse !
– Tout à fait. Alors je vais te dire très précisément ce que tu dois faire et toi, il faut juste que tu t’imagines que c’est moi qui te le fais… Tu es prêt ?
– Moui ! »
Shion ferma les yeux et se laissa bercer par la voix de son amant.
« … Alors je vais commencer par te caresser doucement les cuisses à travers le tissu… Et j’ai une main qui s’égare à l’intérieur de ta cuisse alors que l’autre remonte tout doucement le long de ton corps pour venir caresser ta poitrine… Et j’insiste sur ton téton droit… Je le pince un peu… Et un peu plus…
– Hmm…
– … J’ouvre ta chemise et je caresse ta poitrine à pleines mains…
– Aaaah…
– Et j’insiste bien sur tes tétons… Et comme je sais que tu commences à être dur, je redescends une main pour te toucher là… Et j’appuie fort et tu te sens très à l’étroit… Je continue à dorloter ton téton et je défais ta braguette…
– … Nezumi…
– … Et je te caresse très lentement pour le plaisir de te sentir encore durcir dans ma main… Et de mon autre main, je vais aller m’occuper de tes bourses et surtout d’une petite zone juste derrière elles que tu adores que je chatouille… N’est-ce pas ?…
– Oui… Hmm…
– Et je caresse ton sexe de plus en plus vite…
– … Nezumi…
– Plus vite… »
Les gémissements de Shion se firent plus fort et Nezumi se tut, et ses propres cris suffirent à conduire Shion au bout de son plaisir. Il jouit en premier en se mordant les lèvres pour ne pas crier et il sourit en entendant Nezumi jouir à son oreille. Après quelques secondes, il murmura tendrement :
« Ça va, mon cœur ?…
– … Ouais… Et toi ? Ça a été ?
– Ma main vaut pas la tienne, mais c’était pas mal…
– Ouais, pareil… Putain, vivement que tu reviennes…
– Hm…
– Tu t’endors ?
– … Ouais…
– Je te laisse, alors… J’espère qu’avec ça, tu vas bien dormir…
– Nezumi ?
– Oui, mon ange ?
– Dors bien aussi… »
Ils raccrochèrent.
Nezumi regarda par la fenêtre. Le jour se levait. Heureusement qu’il était d’après-midi au pub et que Shinobi était là pour s’occuper d’Haru…
*********
Shion regardait par le hublot. L’avion volait entre deux couches de nuages, c’était un spectacle magnifique. Il était pressé d’atterrir et de rentrer se poser chez lui. Nezumi lui avait promis son bain et son massage et il avait vraiment hâte d’y être.
Les Annuelles s’étaient bien achevées. Utopia avait obtenu à l’arraché l’accord des autres villes pour les accueillir l’année suivante. Une victoire diplomatique et un pas de plus dans la reconnaissance internationale de sa ville, avec en contrepartie le devoir de faire un sans-faute dans l’organisation de la prochaine rencontre.
Shion était épuisé, comme toute sa délégation. Adrian dormait près de lui. Tous deux voulaient juste souffler, passer une bonne nuit dans les bras de leurs hommes, tranquillement.
Le destin leur réservait un tout autre programme.
L’avion amorçait sa descente lorsqu’un de ses assistants arriva précipitamment vers Shion.
« Shion, je suis désolé, il y a urgence… »
Alarmé, le jeune président fronça les sourcils.
« Qu’est-ce qu’il y a ?
– Apparemment, une sérieuse insurrection populaire à Bloc Ouest…
– Quoi ?! »
Le cri de Shion réveilla en sursaut Adrian.
« Comment ça ? Une insurrection à Bloc Ouest ? Qu’est-ce qui se passe ?! »
Adrian regarda tour à tour Shion et l’autre :
« … Hein ?
– Je suis désolé, nous manquons d’informations. Tout ce que nous savons, c’est que Yui Himitsu y est et vous demande de le rejoindre le plus vite possible… Notre ami était avec lui, semble-t-il.
– Nezumi ?… Mais il s’est passé quoi ?… Ça n’a pas pu péter comme ça ?
– C’est assez confus… Mais… Il semblerait que ce soit parti d’une autre bavure policière… »
Adrian et Shion échangèrent un regard sombre.
« Je veux une voiture sur le tarmac pour partir immédiatement.
– À vos ordres ! »
Kaoru et Zento les attendaient à la descente de l’avion :
« C’est ici qu’on a demandé un taxi pour Bloc Ouest ? »
La blague fit rire Shion et Adrian malgré eux. Ils grimpèrent dans la voiture qui fila, précédée d’une autre et de deux motards et suivie d’une troisième.
« Bon alors, c’est quoi ce bordel ? Demanda Adrian.
– On commence à y voir plus clair, expliqua Kaoru. Apparemment, tout a commencé ce matin vers 9 ou 10 h. Plusieurs policiers sont venus pour arrêter un homme accusé d’on ne sait pas trop quoi, sauf que ça a mal tourné et qu’ils l’ont abattu…
– Hein ?!
– Le gars était veuf, père de deux petites filles et très connu et respecté à Bloc Ouest… Il y avait des grosses tensions depuis plusieurs jours, continua Zento qui conduisait. Et là, ça a mis le feu aux poudres… Un des flics a été lynché direct, les autres ont réussi à se casser, on les cherche. Depuis, il y a eu plusieurs barricades de montées… C’est la vraie merde.
– Yui est là-bas ? Demanda encore Adrian, inquiet.
– Tu penses bien, il y a foncé… J’ai pas eu de nouvelles depuis un moment… J’espère que ça va…
– Et Nezumi ? Demanda Shion.
– Il était avec lui… J’en sais pas plus… Ton frère est auprès de ta mère, à la boulangerie, Haru à la crèche… J’ai fait renforcer leur surveillance, mais jusqu’ici, de leur côté, il n’y a pas de problème. Ils ont préféré se barricader à Bloc Ouest qu’aller foutre la merde ailleurs…
– C’est toujours ça… » Soupira Shion.
Le centre-ville était de fait assez paisible. Mais à la frontière de Bloc Ouest, un certain nombre de véhicules militaires bloquaient les rues. Le cortège présidentiel s’arrêta et Adrian et Shion descendirent. Rapidement, le responsable de l’opération, un commandant proche d’Adrian, les rejoignit :
« Mes respects, Monsieur le Président, mon général…
– Bonjour, Commandant, quelle est la situation ? Demanda Adrian.
– Très tendu, mon général,… Je vous prie de me pardonner d’avoir agi sans votre ordre… Mais dans l’urgence…
– Pas de souci, où en est-on ?
– Nous bloquons les accès au quartier, des deux côtés… Beaucoup de personnes possèdent encore des armes, à Bloc Ouest, et nous craignons qu’ils s’en servent… D’autant que plusieurs personnalités de Chronos ont appelé à manifester pour la reconstruction du Mur… On a déjà évacué pas mal d’excités qui voulaient “casser du pouilleux”…
– Est-ce que les manifestants ont essayé de sortir ? S’enquit Shion.
– Non, Monsieur. Ils sont barricadés chez eux, mais rien de plus. En fait, on s’est vraiment mis là pour empêcher les extrémistes des deux camps de se rencontrer.
– Très bonne initiative, Commandant, opina Shion. Kaoru ?
– Oui ?
– On sait ou est Keitatsu ?
– On cherche activement.
– Vous me l’amenez dès que vous le trouvez.
– T’inquiète, c’était prévu.
– Commandant, est-ce que vous savez où sont Yui Himitsu et mon ami ?
– Dans Bloc Ouest, Monsieur… On n’approche pas pour ne pas risquer d’attiser la colère des habitants, on n’en sait donc pas plus. On peut juste vous dire qu’on n’a pas attendu d’autres coups de feu.
– Bien. On va y aller, alors… Adrian, tu viens, Zento aussi. Kaoru, reste ici. Tu m’appelles si besoin.
– Voulez-vous une escorte, Monsieur ?
– Non, et quoi qu’il arrive, vous n’approchez pas mon ordre formel et personnel.
– Un gilet pare-balles ? Insista le commandant.
– Non. Je fais confiance à mes concitoyens. Allons-y.
– On te suit. »
Les trois hommes contournèrent les véhicules. Une cinquantaine de mètres séparait ces derniers de la barricade de fortune qui barrait la route. On apercevait des silhouettes autour et dessus. Shion avança sans hésitation et sans un regard en arrière. Zento et Adrian restaient sur leurs gardes.
Sur la palissade, les silhouettes bougèrent, les montrèrent du doigt et plusieurs disparurent derrière alors que quatre hommes descendaient à leur rencontre, dont trois bien armés.
« Bonjour, les salua Shion.
– … Euh, Bonjour… Grogna un des hommes.
– Je vous prie très sincèrement d’excuser les dérapages survenus pendant mon absence… Pourrions-nous, s’il vous plaît, régler la situation sans plus de violence ?
-Commencez par dégager vos soldats ! Répliqua nerveusement un autre, un grand barbu plutôt rond.
-Ils ne bougeront pas. Ils ne sont pas venus là pour vous attaquer, mais pour empêcher d’autres personnes de venir.
– Ah ouais, qui ? !
– Ceux qui voudraient reconstruire le Mur. Je ne pense pas qu’il faille les laisser venir vous voir. Je vous demande de me faire confiance, ajouta Shion, doux, mais ferme, parce que je veux régler cette histoire en évitant de nouvelles victimes, quelles qu’elles soient. »
Une voix cria du haut de la barricade :
« Et vous croyez quoi ? Qu’on va gentiment attendre et continuer à se faire tuer sans rien faire ? ! Qu’ils viennent, ces connards, on va leur expliquer la vie ! »
Shion regarda la femme qui avait dit ça. Zento rigola en la voyant :
« Salut Misa, ça faisait un bail…
– Salut, Zento. La vie est cool chez les nantis ?
– Désolé d’avoir déménagé, ma belle… »
Elle descendit et Adrian reprit poliment :
« Bonjour, Misa. Savez-vous où est Yui ?
– Il a filé au Port, je crois… Il voulait voir le vieux Ken…
– Kenmeena ? Rebondi Zento.
– Ouais.
– Ah, bonne idée… » Opina Shion.
Il jeta un œil autour de lui. Une petite foule commençait à s’agglutiner.
« Vous connaissez Kenmeena ? » fit Misa, sceptique.
Shion eut un petit rire fatigué.
« Oui, je connais le respectable doyen de Bloc Ouest… Un homme très sympathique, nous aimons les mêmes thés… »
Il se tut un moment, puis reprit :
« J’ai commis une erreur impardonnable en accordant ma confiance à des personnes qui ne la méritaient pas… Et qui ont profité de mon absence pour faire n’importe quoi. 1000 ans d’excuses ne ramèneront pas ces deux hommes à la vie. Mais je ne veux pas d’autres victimes. Aucune, à aucun prix. C’est pour ça que je ne peux pas accepter la situation telle qu’elle est maintenant, et que je suis venu voir avec vous ce que nous pouvons faire.
– Ce sale flic n’a eu que ce qu’il méritait !
– Il ne vous appartenait pas d’en décider. »
Shion soutenait sans ciller le regard sombre de Misa :
« L’époque où on faisait justice à coups de fusil à Bloc Ouest est révolue, comme celle où on condamnait sans procès à N°6.
– C’est ça que vous allez dire à ces deux gamines ?! S’écria-t-elle.
– Et vous, vous allez dire quoi la famille de ce policier ? Répliqua Shion. Deux morts, quels qu’ils soient, c’est deux de trop ! Ça fait des mois, non pardon, des années, que je bosse à la mise en place d’un système judiciaire équitable, tout ça pour me le faire pourrir par certains flics qui se croient tout permis ou par quelques citoyens qui s’obstinent à faire justice eux-mêmes à la moindre occasion !…
– Euh, Shion… ?… Tenta Zento.
– Quoi ?
– On a trouvé Keitatsu… On l’amène ici ? »
Shion soupira.
« Ouais, mais trouvez-lui une bonne escorte, je veux qu’il vive assez longtemps pour répondre de ses actes, gronda le président.
– À tes ordres… »
Adrian regardait autour : les gens étaient pour la plupart graves, mais calmes, et finalement assez peu étaient armés. Il savait que Shion était épuisé et il l’était autant que lui. Il sentait son jeune ami très tendu et ça ne lui disait rien de bon… Où restaient Yui et Nezumi ? Bon sang, pensa-t-il, pourvu qu’il ne leur soit rien arrivé…
Shion se massa les tempes, il commençait à avoir mal à la tête. Son homme et un bain… Pourquoi fallait-il que les choses se passent comme ça…
Nezumi… Où es-tu…
« Bon… Accepteriez-vous que Kenmeena-sama serve de médiateur pour régler cette histoire ?
– À qui vous posez la question ?
– À vous tous ! Répondit vivement Shion en désignant la foule d’un large mouvement de bras. Mon bureau est un peu petit pour que je vous reçoive tous… Toutes mes excuses ! »
Un silence suivit. L’assistance était partagée entre la grogne et la gêne. Shion était épuisé, ça crevait les yeux. Tout le monde savait qu’il sortait de près de 9h d’avion après 10 jours de rencontre internationale… Qu’il vienne malgré tout en personne et immédiatement voir ce qui était arrivé était déjà pour eux le signe qu’il était conscient de la gravité de la situation. Mais quelle décision allait-il prendre ? Pouvait-il vraiment prendre leur parti ?…
Quatre militaires et trois agents de sécurité arrivèrent alors depuis les camions des soldats, escortant plus que sévèrement un Keitatsu tremblant de peur et le regard noir que Shion lui jeta ne fut pas vraiment pour le rassurer. La foule gronda, mais l’escorte ne plaisantait pas et les découragea de s’approcher.
« Et voilà l’homme du jour ! Ironisa Shion. J’espère que vous êtes fier de vous. »
Keitatsu n’osa ni répondre ni le regarder.
« Vous avez foutu quoi, au juste, pendant que je n’étais pas là ? ! »
Un cri les fit tous se tourner vers la barricade. Shion sursauta en voyant Yui avancer, son arme braquée sur Keitatsu et visiblement prêt à tirer…
Il se retrouva au sol avant de l’avoir pu, son bras armé fermement tenu par un Nezumi qui s’était jeté sur lui et le maintenait visiblement à terre avec difficulté. Yui rugit :
« LÂCHE-MOI !
– Euh, non.
– … LAISSE-MOI LE BUTER CE PORC !… »
Nezumi dut saisir à deux mains le bras armé tout en s’appuyant de tout son poids sur le dos son ami en disant :
« Bonjour, mon amour… Je m’excuse, je suis à toi tout de suite… »
Adrian se précipita. Ils mirent à deux au moment à faire lâcher son arme à l’ancien résistant excédé. Puis Nezumi laissa Adrian prendre son ami dans ses bras pour le calmer. Yui tremblait de rage. Nezumi souffla un coup. Derrière eux, il regarda le vieux monsieur en fauteuil roulant qui lui regardait Yui d’un air navré. Puis Nezumi s’approcha de Shion et lui tendit les bras avec un joyeux :
« Bienvenue à la maison, mon chéri ! »
Shion sourit et se jeta à son cou.
« Je suis rentré… »
Ils s’embrassèrent en se serrant à s’étouffer. La foule rigola doucement autour d’eux et certains même sifflèrent. Le vieil homme en fauteuil rit gentiment en s’approchant d’eux. Shion lui sourit et s’inclina respectueusement devant lui :
« Kenmeena-sama, bonjour.
– Shion-kun, tu as l’air exténué…
– Je le suis… Vous allez bien ? Je suis navré de vous déranger… Dit Shion en s’accroupissant pour se mettre à sa hauteur.
– Ce n’est rien, ne t’en fais pas. Il faut bien que je serve encore à quelque chose, parfois. »
Le vieil homme ébouriffa paternellement la tête blanche.
« J’ai un thé vert à la prune qu’il faut absolument que vous goûtiez.
– Avec plaisir, mon petit, quand tu le pourras. Mais relève toi, tu vas prendre mal au dos, et voyons ce que nous pouvons faire. »
Shion opina et obéit. Il regarda encore autour de lui, la foule, et haussa un sourcil en avisant un cameraman qui filmait en silence. Apparemment, vu le logo de sa caméra, il travaillait pour une chaîne documentaire. Il devait être là par pur hasard… Shion le laissa immortaliser la scène, ignorant encore l’ampleur du moment.
Il regarda ensuite Yui qui foudroyait toujours Keitatsu de son œil . Shion ne se souvenait pas avoir déjà vu son ami avec un air si meurtrier. Zento, si, et ça lui faisait froid dans le dos.
« Salut, Yui.
– Salut, Shion.
– Peux-tu me faire un compte rendu de la situation ?
– Sept bavures en ton absence, dont trois qui auraient pu finir comme celle de ce matin.
– Les motifs ?
– Encore des tentatives d’expulsion forcée, “justifiées” par des plaintes bidon visant à coffrer les récalcitrants. J’ai au moins 18 policiers mouillés là-dedans, dont trois des quatre de ce matin.
– C’est un de ces trois-là qui est mort ?
– Ce serait trop beau. Bien sûr que c’est le quatrième ! Une jeune recrue de 24 ans en poste depuis cinq jours, un gosse de Chronos qui n’avait rien à faire là, et surtout qui ne serait pas mort si ce sale con avait fait son boulot et nettoyé sa police comme on lui demande depuis des plombes !!! » Hurla Yui.
Adrian passa d’autorité son bras autour de ses épaules. Il ne lui avait pas rendu son arme.
Shion leva les yeux au ciel avec un gros soupir, puis hocha la tête.
« Où sont les corps ?
– Celui du père est chez lui, celui du flic, on a réussi à négocier qu’ils nous le rendent… Expliqua Nezumi. Ils devraient le ramener dès qu’ils auront trouvé un suaire… »
Shion jeta un œil à Keitatsu qui grommelait entre ses gardiens.
« J’espère vraiment que vous êtes fier de vous. Deux vies détruites, cracha-t-il, et notre ville au bord de la guerre civile. C’est un magnifique cadeau de bienvenue que vous m’offrez là, après 10 jours à me battre à chaque seconde pour donner d’Utopia une image de paix et de crédibilité.
– … Euh… Je reste persuadé que tout ceci est le fruit d’un malentendu…
– Ben voyons, ironisa Nezumi. Quatre flics abattent un homme seul. Là sérieux, soit il avait une mitraillette, soit il y a un souci. »
Shion est un sourire :
« C’est ça, ils ont nettoyé leurs armes tous ensemble et le coup est parti tout seul… Combien de balles, Yui ?
– Au moins une dizaine, on verra l’autopsie.
– Où sont les trois policiers survivants ? » Demanda encore Shion.
Keitatsu sursauta alors que Shion souriait. Yui lui répondit un sourire las :
« Troisième cave du commissariat Nord.
– Bien… »
Le jeune président réfléchit une seconde. Enfin, c’est ce qu’il aurait voulu faire si le cri du cœur de Keitatsu n’avait pas brutalement interrompu ses pensées.
« Shion, je vous en prie ! Ne vous laissez pas abuser par des ragots ! »
Shion trembla comme la foule grondait. Il enfouit son visage dans ses mains et se mit à murmurer quelque chose à toute vitesse. Adrian et Yui échangèrent un regard inquiet, Kenmeena fronça les sourcils et Nezumi blêmit.
« 3,14159265358979323846264338327950288419716939937510582097494… »
Il attrapa Shion par les épaules et le secoua vivement :
« Eh, pas de blague ! Reste avec nous ! Shion, Shion !… Réveille-toi !… »
Shion sursauta et le regarda avec de grands yeux, ce regard d’enfant un peu intrigué qui lui était propre. Nezumi fit la moue et le serra dans ses bras.
« Me fais pas peur comme ça… »
Shion se lova contre lui avec un grand sourire, tout rose.
Autour d’eux, tous se demandaient ce qui arrivait. Un petit moment passa avant que le jeune président ne sorte des bras de son amant et ne prenne une grande inspiration. Il leva un index :
« Bien bien bien. Là, je crois que vous êtes venus à bout de ma patience. Adrian.
– Euh… Oui ?…
– Maintien des troupes jusqu’à nouvel ordre, je ne veux aucune échauffourée entre personne, vous me tenez les excités loin les uns des autres.
– À tes ordres.
– Je ne veux aucun autre mort et pas le moindre blessé.
– Compris.
– Yui, je veux tous tes dossiers sur la police de la ville.
– … D’accord… »
Yui et Adrian se regardèrent encore, dubitatifs.
« Kenmeena-sama, je souhaite que toute la lumière soit faite sur cette affaire et plus largement, une fois pour toutes, sur les abus de certains membres des forces de police dans cette ville.
– Voilà une excellente initiative, opina le vieil homme.
– Je veillerai à ce que la police des polices fasse le maximum ! S’empressa Keitatsu.
– La police des polices ne sera pas chargée de cette enquête, lui dit Shion avec calme.
– Comment ? !… Mais que…
– Adrian, je confie cette affaire aux services d’enquête de l’armée. »
Un silence stupéfait suivit la dernière phrase de Shion qui regarda son général avec calme :
« Ordre à eux de faire une enquête globale sur l’ensemble des forces de police et d’en repérer tous les mauvais éléments. »
Adrian le regarda avec sérieux, puis hocha la tête.
« Bien.
– Keitatsu, vous êtes démis de vos fonctions.
– Quoi ?…
– Et vous répondrez de vos négligences.
– Comment ça, sale petit… Mais vous n’avez pas le droit ! »
Deux militaires l’empêchèrent fermement de se jeter sur Shion qui ne le lâchait pas des yeux. Il n’avait pas frémi. Keitatsu tenta en vain de faire un autre pas :
« Et qui va s’occuper de la police ?!
– Moi, répondit Shion.
– Qu’est-ce que vous voulez dire !
– Que je décide ce jour d’avoir recours à l’article 97-03 de la Constitution. »
Adrian et Yui sursautèrent alors que Nezumi fronçait les sourcils.
« Je prends les pleins pouvoirs. »
Nezumi sursauta à son tour. Un nouveau silence stupéfait avait salué la déclaration. Shion s’accroupit encore devant le fauteuil roulant :
« Kenmeena-sama, je dois retourner au Palais. Puis-je vous laisser le soin de faire le point ici et de venir me voir dès que possible ? S’enquit respectueusement Shion.
– Tu prépareras ton thé vert à la prune ?
– Bien sûr, sourit le garçon.
– Tu devrais dormir, en attendant… »
Shion eut un petit rire triste :
« J’adorerais… »
Nezumi se retourna en entendant Yui qui donnait des ordres rapides au téléphone :
« Plan F de sécurité présidentielle activé, ce n’est pas un exercice. Je répète : plan F activé. »
Shion se releva après que le vieil homme l’ait encore ébouriffé. Nezumi le sentait près de s’écrouler. Il fronça les sourcils quand Zento lui dit :
« Bon, je vais appeler des gars pour t’emmener…
– Où ça ?
– Le plan F stipule que tous les proches du président doivent être mis à l’abri.
– Vous pouvez vous brosser en ce qui me concerne. Je reste avec lui.
– Nezumi…
– C’est pas négociable, Zento. »
Shion les rejoignit :
« On rentre au Palais. Veillez à ce que les corps partent à l’institut médico-légal dès que possible, gardez Keitatsu à résidence, et on voit le reste dans la voiture.
– Ça va, mon ange ? Demanda Nezumi.
– Ça ira.
– Shion, on fait quoi du cameraman ? » Demanda Yui.
Ce dernier avait filmé toute la scène.
« Foutez-lui la paix. »
Ils partirent et rejoignirent les véhicules militaires. Le vieux Kenmeena les regarda s’éloigner, puis Misa, à côté de lui, qui lui dit :
« Vous croyez vraiment qu’il veut régler ça ?
– Oui. Il faut lui faire confiance et lui accorder notre soutien. Réunis tous les chefs de famille, Misa. Nous devons nous organiser pour ramener le calme. »
*********
Shion bâillait en s’installant dans la voiture. Nezumi s’assit près de lui, Kaoru de l’autre côté, Yui devant, Zento au volant. Adrian était parti donner des ordres de son côté.
« J’en ai marre… Grogna Shion en s’appuyant contre son amant. Kaoru, on va parer au plus urgent ce soir… Je te laisse prévenir tout le monde que je veux une réunion du Conseil demain à la première heure, et surtout que ce n’est même pas la peine que ceux qui désapprouvent ma décision se pointent.
– D’accord. Compte sur moi.
– Shion, si tu permets, commença Yui, je préférais que vous habitiez au Palais quelque temps.
– Pas de souci… Il y a un appartement au-dessus de mon bureau… Bâilla encore Shion. Si ça te va, mon cœur ?
– Je te suis, mon ange. Faudra juste aller chercher quelques affaires à la maison.
– Moui… »
Shion était presque endormi lorsqu’ils arrivèrent. Il découvrit avec lassitude trois de ses Conseillers qui l’attendaient : Mme Sangyô, la responsable de l’industrie, M. Kyoiku, celui de l’éducation et Mme Nôgyo, celle de l’agriculture.
Le deuxième était furieux et s’écria :
« SHION ! Qu’est-ce que ça signifie ? !
Ils allèrent dans le bureau, où Shion répondit :
« Ça signifie que j’en ai plein le cul de devoir me battre pour vous faire bosser comme je veux, alors que je me vois réduit à vous y forcer. Toutes mes excuses.
– Vous vous prenez pour Dieu ou quoi ? ! »
Shion venait de poser sa veste sur le dossier de sa chaise. Il se pétrifia. Puis se tourna lentement pour regarder son Conseiller avec un regard définitivement mortel. Mais il ne put rien répliquer.
Nezumi venait de l’attraper pour le presser dans ses bras et l’embrassait plus que passionnément.
Yui fronça son sourcil. Shion leur tournait le dos. Nezumi rouvrit les yeux, grave et leur fit silencieusement signe de la main de sortir. Yui hocha la tête avec un sourire et fit sortir les trois autres Conseillers avec Zento avant de sortir derrière eux.
Shion se retrouva assis sur son bureau avant de trop comprendre ce qui arrivait. Nezumi lâcha enfin ses lèvres, le serra dans ses bras, caressant son dos et ses fesses.
« … Nezumi… Haleta-t-il. Qu’est-ce que tu fais ? J’ai du boulot…
– Chhhhht… Plus tard…
– Mais… »
Nezumi l’embrassa encore et le coucha délicatement sur le bois :
« Plus tard… Pour l’instant, oublie toute cette merde, lâche l’affaire… Laisse-moi te faire te sentir bien, d’accord ? »
Shion grogna, mais un nouveau baiser un bout de ses dernières résistances. Nezumi déboutonna sa chemise et caressa sa poitrine, puis se mit à l’embrasser doucement.
« Nezumi, tu es un pervers… Gémit Shion.
– Tu m’as manqué… »
Nezumi envoya voler son T-shirt. Shion est un sourire et caressa sa poitrine quand il se repencha sur lui :
« Mon Nezumi… Tu restes près de moi ?
– Ensemble jusqu’en enfer, mon amour. Quoi qu’il arrive. »
Ils s’enlacèrent et s’embrassèrent longuement, cœur contre cœur. Nezumi déboutonna le pantalon de Shion et caressa son sexe doucement. Shion ferma les yeux. Il laissa son amant lui enlever son pantalon et son boxer. Nezumi continua à le branler d’une main en léchant les doigts de son autre main. Il les glissa ensuite en Shion aussi délicatement que possible. Shion écarta les cuisses en gémissant :
« Dépêche-toi…
– Laisse-moi te préparer un peu, sinon je vais te faire mal…
– Mmm… Embrasse-moi… »
Nezumi se pencha et obéit avec gourmandise. Ses lèvres, ses yeux, ce corps… Songèrent-ils tous les deux. Comme ça leur avait manqué… Les lèvres de Nezumi remontèrent le long de la mâchoire de Shion jusqu’à son oreille.
« Moi qui rêvais de te prendre ici, je suis ravi… Murmura-t-il.
– Je maintiens le pervers… Couina Shion en se cambrant sous les effets du savant doigté de son amant.
– Mon imagination sera toujours sans limites pour te faire rougir de plaisir, mon ange.
– Prends-moi vite…
– À tes ordres. »
Nezumi sortit son membre et se frotta un peu. Shion grogna :
« … Méchant…
– Très.
– … Pervers et méchant…
– C’est comme ça que tu m’aimes… »
Il le pénétra en se penchant pour l’enlacer. Shion passa ses bras autour de sa poitrine et ses jambes autour de sa taille. Ils s’embrassèrent encore, puis Nezumi se mit à l’œuvre tout doucement, avec une infinie tendresse.
« Pervers, méchant et tout à toi, mon amour.
– Nezumi… Mon Nezumi… »
Ils se mirent à crier ensemble comme Nezumi accélérait le mouvement et que Shion resserrait encore ses jambes autour de lui. Nezumi saisit ses hanches pour s’enfoncer plus profondément en lui et Shion s’arqua en criant plus fort.
Ils jouirent ensemble et restèrent un moment enlacés, à bout de souffle, avant que Nezumi ne se redresse lentement et ne se retire.
Shion avait les yeux fermés et respirait profondément. Il soupira d’aise. Nezumi sourit et caressa la tête blanche. Shion s’endormait enfin, comme il l’avait espéré. Nezumi nettoya délicatement quelques traces blanchâtres, puis souleva son amant dans ses bras pour aller le déposer sur le canapé. Shion se laissa rhabiller sans broncher, et Nezumi le recouvrit du plaid avant de l’embrasser doucement. Shion sourit dans son sommeil.
« Je reviens vite, mon amour, repose-toi. »
Il alla ramasser son T-shirt et sortit du bureau. Le couloir était vide, à l’exception de Kanshi, un des gardes du corps de Shion, assis pas très loin et qui vint vers lui :
« Tout va bien ?
– Oui, il dort. Veillez à ce que personne ne le dérange, il faut qu’il récupère.
– Entendu.
– Où sont Freedom et les autres ?
– Dans le salon, vous prenez à droite là, c’est un peu plus loin. »
Nezumi le remercia et prit le couloir en enfilant son T-shirt. La discussion était vive dans le salon, il entendit la voix de son ami depuis le couloir :
« Et vous vouliez qu’il fasse quoi ?… Qu’il dise à Keitatsu que ce n’était pas grave et qu’on se fasse tous écharper par la foule ?! »
Nezumi entra et jeta un goguenard :
« Chut. Me le réveillez pas. »
Le regard sombre de Kyoiku ne le fit pas frémir.
« Freedom, j’ai besoin de passer à la maison récupérer des affaires et les bestioles. »
Yui hocha la tête :
« Zento va t’accompagner.
– Vous comptez rester ici ? Lui demanda timidement Mme Nôgyo.
– Bien sûr, lui répondit Nezumi.
– Et vous comptez aussi nous empêcher de parler à Shion à chaque fois ? » Gronda Kyoiku en serrant les poings.
Nezumi ricana :
« Vous empêcher de parler, non. Vous empêcher de vous engueuler pour rien, oh que oui. Et là, croyez-moi, vu son état et le vôtre, vous fonciez droit dans le mur et ça n’aurait servi à rien. »
Il marqua une pause avant de continuer, sans perdre son petit sourire.
« Je vais être très clair avec vous : vos salades gouvernementales, je m’en tamponne. J’y connais rien, j’en comprends pas la moitié et je m’en contrefous, parce que j’ai confiance en Shion pour gérer cette ville. Là par contre, il est sur les nerfs, et vous avez besoin de moi, parce que si ses colères sont redoutables, moi, je sais les voir venir, les gérer et surtout, je sais les calmer. Croyez-moi, vous allez être super contents que je sois là dans les jours à venir. Et pour revenir à ce que vous disiez tout à l’heure, non, rassurez-vous, il ne s’est jamais pris pour Dieu.
– Vous aussi, vous allez me dire qu’il n’y a aucun risque qu’il devienne un vrai dictateur ?! » S’écria encore le Conseiller de l’éducation.
Il resta bête, car Nezumi lui éclata de rire au nez. Les autres les regardaient, Yui et Zento amusés et les deux Conseillères plus sérieuses et inquiètes. Nezumi dénia du chef :
« Aucun risque.
– Comment pouvez-vous en être aussi sûr ?
– Peut-être déjà parce que je le tuerai de mes propres mains si ça arrive. »
Tous se regardèrent avec stupeur.
« … Et ensuite et surtout parce que Shion ne veut pas et n’a jamais voulu du pouvoir. Vous crachez tous votre venin à l’accuser de tout, mais vous n’êtes que des merdes à ses bottes, bien contents de les lécher parce qu’aucun d’entre vous n’aura jamais les couilles de porter son fardeau, de se sacrifier comme lui pour faire ce qu’il se tue à faire 15h par jour depuis trois ans. Alors si vous voulez plus suivre, si vous ne lui faites pas confiance, vous gênez pas, dégagez. C’est d’alliés forts dont il a besoin, pas de faibles qui doutent de lui. »
*********
Shion se réveilla en entendant des petits couinements familiers et en sentant des petites boules chaudes lui courir dessus. La voix de Nezumi gronda gentiment :
« Eh, du calme ! Laissez-le se réveiller, il vous a manqué, mais quand même ! »
Shion ouvrit les yeux en rigolant pour découvrir Hamlet sous son nez, qui se frotta affectueusement à lui. Il embrassa doucement :
« Coucou, ma belle ! »
Omae vint aussi le saluer. Il se redressa lentement. Il n’était plus dans son bureau, mais dans le grand lit de l’appartement présidentiel, à l’étage du dessus, juste sous les combles de Yui.
« Bien dormi, mon amour ? Lui demanda tendrement Nezumi en posant une boîte à chaussures sur la table, un peu plus loin.
– Comme une masse… J’ai même pas senti qu’on me bougeait… Quelle heure il est ?
– Pas loin de 17h, je comptais te réveiller pour aller manger d’ici 2h… Tu peux te rendormir, si tu veux.
– Faut mieux que j’en garde un peu pour cette nuit… Eh… Mais tu as emmené toute la ménagerie ?… » Réalisa Shion.
Nezumi hocha la tête :
« Je me voyais mal leur payer une nounou. Bon, sinon, ta mère, Haru et Shinobi sont bien à l’abri chez Inukashi.
– Ah oui… Le plan F…
– Ils ont appelé tout à l’heure. Je leur ai dit que ça allait et que tu les rappellerais quand tu pourrais.
– Merci.
– De rien. Bon, et encore sinon, tu sais quoi ?
– … Non… ? Bâilla Shion.
-J’ai aussi ramené ton huile de massage préférée… Roucoula Nezumi en lui montrant le flacon. Et cerise sur le gâteau, ajouta-t-il en venant s’asseoir au bord du lit, il y a une très grande baignoire dans la salle de bains de cet appartement… Alors, puisque te voilà réveillé, si on s’occupait un peu, avant manger, de ce que je t’ai promis ? »
Shion sourit :
« Avec plaisir… »
Il se déshabilla, se coucha sur le ventre et laissa avec délectation son amant masser lentement et soigneusement tout son corps, sans oublier le moindre centimètre de sa peau.
Puis, il resta un moment allongé, attendant que Nezumi prépare le bain. Il finit par se lever en s’étirant pour tout de même se choisir des vêtements propres pour la soirée. Il regarda les valises au sol, puis sursauta en voyant remuer dans la boîte en carton, sur la table. Il s’approcha et sourit, attendri, en découvrant les deux petits corbeaux sagement blottis l’un contre l’autre. Nezumi sortit à ce moment de la salle de bains :
« Le bain de Votre Majesté est prêt… Ah !… Tu fais connaissance avec nos deux bébés ?
– Ils sont magnifiques…
– Approche doucement ta main et parle-leur, qu’ils t’identifient… »
Shion obéit :
« Bonjour, bonjour… Comment ça va ?
– Crôa ?…
– C’est votre deuxième papa, leur dit Nezumi en s’approchant.
– Crôa crôa ?…
– Alors, une idée de noms ?
– Ce sont deux mâles, tu m’as dit ?
– Oui.
-Que diriez-vous de Yami et Kage ?
– Pas mal…
– Crôa ! » piaillèrent les poussins en chœur.
Nezumi sourit.
« Ils sont d’accord. Allez viens, le bain va refroidir. »
Un peu plus tard, bien installé dans les bras de Nezumi, Shion se laissait câliner. Au bout d’un moment, il murmura :
« Pourquoi les choses ne peuvent pas simplement bien se passer…
– Parce que les hommes sont faibles, Shion, lui répondit tendrement Nezumi.
– J’en ai tellement marre…
-Ça va s’arranger.
– Nezumi ?
– Oui, mon amour ?
– Tu crois… Que j’ai pris la bonne décision ?…
– Oui. »
Shion se sentit confusément soulagé.
« Tu es le seul qui puisse réussir ça, Shion. Je ne laisserai jamais un tel pouvoir entre d’autres mains que les tiennes. Ne crains rien, tu y arriveras. Et tu pourras démissionner la tête haute en faisant un beau doigt d’honneur à tous ceux qui n’y croyaient pas.
– Et vivre tranquillement le reste de ma vie dans tes bras et y mourir en paix…
– À 116 ans dans un champ de fleurs.
– Moui. »
À suivre dans le chapitre 10 : Shima.
Merci pour ce chapitre
Pauvre Shion et Nezu, de retour et des problèmes. Heureusement que Nezumi est là pour calmer Shion (hihi).
JE file découvrir la résolution du problème !
@Pouika : Oui, méthode un peu radicale mais très efficace 😉 !
Il était long mais il en valait la peine c’était super. Merci. Et les lemons sont juste…à croquer.
Merci encore et bon courage pour la suite.
@Layli : Merci beaucoup ! La suite arrive bientôt !!! 🙂
C’était long mais ça en valait la peine, et les lemons sont toujours si…miam.
Bref, bonne continuation. =)
@Yuki : Merci merci !! j’en ai sué surtout le téléphonique… ^^’ A la prochaine ! 🙂
Ils m’avaient bien manqué tous les deux… ^^ Merci pour ce très long chapitre que j’ai pris plaisir à lire. Il n’y a pas à dire : plus c’est long, plus c’est bon ! XD
@Skyland : Owi !! La taille fait un peu quand même hein :p ! Bizoux !!
Pfiou, j’en suis venue à bout, après trois soirées ! Mais ça valait le coup, j’ai vraiment adoré =D
Les lemons sont parfaits, la dernière scène est toute mignonne, j’aime bien Shinobi… Bref, un bon boulot comme toujours ^^
Vivement la suite ~
@Alissa : Merci ^^! Houlà 3 soirées… Eh bé ! Oui, j’avais envie de finir sur une scène un peu choupinou après toute cette tension 🙂 ! Contente que ça t’ait plu !
A la prochaine !
Je suis un concentré de génie et d’amour c’est pour ça !! aïe aïe j’ai des chevilles qui enflent, bon je repars à ma lecture biz
@Amakay : C’est plus intéressant que du concentré de tomate… Bonne lecture en tout cas ^^ !
Comment tu as deviné que je suis pas très grande?? Oui la connection est redevenue normale parce que lire sur mon portable c pas trop çaz
@Amakay : Euuuh j’en savais rien… C’était purement affectueux !!! Bon courage !!!
ça valait le coup d’attendre comme d’hab!!! et 3 supers câlins, ça fait tout oublier.
bonne semaine,
@Amakay : Ooooooooooooooooooooooooooooh ma petite 1ere fan chérie qui est de retour tu m’as manquéééééééé !!!!!
Merci en tout cas et contente que ça t’ait plu !