No°6 – Après 07 : Le Deuxième Homme du Pays

Disclaimer : Les personnages et l’univers de No°6 appartiennent exclusivement à Atsuko Asano.

Le Concours continuera plus tard, pas de chanson dans ce chapitre ! Un bon lemon par contre ^^ ! Ça compense ? Ça ira ?

No°6 – Après

Chapitre 07 : Le Deuxième Homme du pays

Le lundi matin, Nezumi prit un malin plaisir à ne pas lâcher Shion et à le câliner de force pour l’empêcher de se lever. Shion se laissa dorloter un moment, puis se dit qu’il avait quand même du boulot… Il eut fort à faire pour réussir à sortir du lit et dut recourir aux chatouilles pour que Nezumi le lâche enfin.

Shion savait très bien où chatouiller Nezumi… Hilare, ce dernier hoqueta alors que Shion se levait :

« C’est pas du jeu ! Tu me paieras ça !

– Ce soir, sans souci. »

Nezumi rigola et se renfonça sous la couette en tirant la langue de Shion. Il se rendormit et rouvrit les yeux vers 8h et 1/2. Un peu surpris de ne pas avoir été réveillé par Haru, il se leva et constata que le petit garçon n’était pas là. Un mot l’attendait à côté d’une pile de cahiers, sur la table du salon :

« Mon chéri, coucou !

Haru s’est réveillé tôt, du coup je l’emmène en partant, comme ça tu pourras passer ta journée de repos tranquille. ^_~

Sinon, j’ai pas mal réfléchi et hésité, mais bon… C’est quand même pour toi que je les ai écrits.

Pendant ton absence, j’ai tenu un journal et ben… Voilà… Du coup j’aimerais que tu le lises…

Bon ben c’est tout ! À ce soir mon cœur ! ^^ »

En guise de signature, une petite fleur. Nezumi regarda les cahiers. Un journal ? Il prit le premier et l’ouvrit :

« 24 mai 2017, 19h27.

Mon Nezumi,

Je trouve enfin le temps de me poser un peu pour t’écrire… »

La théière était vide depuis longtemps, à côté de lui sur la table, lorsqu’un petit cri d’Encre le fit sursauter.

Il la regarda, un peu perdu.

« Squik ?

– Oui, ça va, pourquoi ?

– Squik… Squik, squik… ?

– Sérieux ? sursauta-t-il. Déjà ? ! »

Il était presque 11h. Il glissa le crayon avec lequel il annotait les cahiers entre les pages de celui qu’il lisait et se leva en prenant la souris dans sa main :

« Squik squik !

– Oui, j’avais dit que je m’occupais du jardin, aujourd’hui…

– Squik ! Squik… !

– Oui, oui, il faut planter des graines que j’ai ramenées, je sais… »

Omae et les autres souris le suivirent dans le couloir et il leur ouvrit la porte. Elles filèrent gambader dans l’herbe pendant qu’il enfilait ses bottes.

« Ah, le courrier… » pensa-t-il.

Encre grimpa sur son épaule alors qu’il traversait le jardin pour attendre le portail et la boîte aux lettres. Il faisait beau et très doux. Une petite brise légère vint caresser son visage, le faisant sourire.

Quelques enveloppes anonymes, une facture, L’Aurore, qui faisait sa Une sur les réformes du système de santé, avec l’habituelle petite caricature de Shion. Cette fois-ci, il poussait plusieurs médecins à avancer avec un caducée à la main, l’air fâché et sévère : « Comment en est-on arrivé là ? », et La Libre Parole, si elle faisait sa Une sur…

« … Putain de merde… »

… Shion et lui-même s’embrassant à la réception du samedi précédent, titrée : « La Perversion se cachait au sommet de l’État ».

Nezumi tenait le journal dans ses mains, séché.

« Merde merde merde… »

Il rentra à l’intérieur à toute allure. Il avait dû laisser son téléphone portable dans la poche du jean qu’il portait la veille… Il le trouva dans la chambre, et s’assit sur le lit en appelant immédiatement Shion. Ce dernier décrocha rapidement :

« Coucou, mon cœur !

– Euh, bonjour, mon ange… Désolé, j’espère que je te dérange pas ? demanda nerveusement Nezumi.

– Non, j’étais en rendez-vous, mais je viens de finir, je reprenais mes notes… répondit Shion, avant de continuer, inquiet : Qu’est-ce qu’il y a ?

– Euh, t’as vu la Une de La Libre Parole ce matin ?

– Non ? C’est quoi ?

– Nous. »

Il y eut un petit blanc.

« Ah bon ? finit par lâcher Shion. Nous ?

– Nous. En train de nous rouler une pelle. Tu sais, samedi après la valse… »

Nezumi entendit Shion cliquer, sans doute sur son ordinateur. Après un nouveau silence, il l’entendit cette fois soupirer avec douceur :

« Ooooooh elle est magnifique…

– Quoi ?

– Ben, la photo. Je suis sur leur site… »

Nezumi resta interdit quelques secondes, puis il exposa de rire. Il en tomba à la renverse sur le lit. Shion reprit soudain :

« Ah, mais ça doit être pour ça que Yui essaye de me joindre depuis tout à l’heure… »

Le rire de Nezumi redoubla.

« Je t’adore, Shion !… réussit-il à dire.

– Oui, Nezumi… Bon, je peux te laisser ? Yui essaie de me rappeler. Je te tiens au courant ?

– Pas de souci, mon amour. Je garde le portable avec moi. »

Il ajouta :

« Je t’embrasse.

– Moi aussi, à tout à l’heure. »

Il raccrocha et Nezumi se redressa. Bon… Ben re-jardinage, du coup…

Il retourna au jardin pour voir Omae gronder sourdement et suivant le regard de la chienne, il avisa un chat qui les toisait depuis la haie épaisse qui séparait leur jardin de celui de leurs voisins, côté garage.

Nezumi détestait les chats.

Les souris aussi l’avaient vu. Encre couina sur son épaule.

« Je vais chercher ce qu’on a comme outil, vous me prévenez si cette saleté pose une patte chez nous.

– Squik ! »

Il alla voir du côté de l’auvent. C’est là qu’il avait laissé d’une part les graines qu’il avait ramenées et d’autre part qu’il avait vu quelques outils et un tuyau d’arrosage à embout « pistolet ». Il y avait plus de matériel qu’il pensait, plutôt vieux, sans doute un reste des anciens propriétaires des lieux. Mais c’était en bon état.

Il avait retourné toute une plate-bande, et semé presque tout, lorsque les souris se précipitèrent en couinant vers lui.

Le chat avait sauté dans le jardin, l’air de rien. Omae se dressa, mais n’eut pas le temps d’aboyer : Nezumi avait saisi le tuyau d’arrosage… Il visa soigneusement. Le chat se prit le jet en pleine gueule. Il secoua la tête, stupéfait.

Le portable de Nezumi sonna à ce moment. Il décrocha de la main gauche sans lâcher le tuyau qu’il tenait de la droite.

« Salut, Freedom.

– Salut, le rongeur.

– Que puis-je pour ton service ?

– Il paraît que tu as lu le journal de ce matin…

– Pas lu, juste vu la Une.

– Ah, tu devrais lire. Tu apprendrais plein de choses sur toi que tu ignores…

– Oh, tu m’intrigues.

– Bon, et sinon, je peux envoyer Zento te chercher ? On voudrait voir ce qu’on fait de ça et tu es un peu concerné. »

Nezumi tira un nouveau jet d’eau sur le chat qui tentait une autre approche.

« Pas de souci. Je prends une douche en attendant, je jardinais… »

Troisième jet.

« OK. À tout à l’heure, Nezumi. »

Nezumi raccrocha et essuya son front. Il avait bien sué malgré tout. Le chat s’était éloigné.

« Je rentre, vous venez ? Omae, tu veux rester dehors ? »

Les souris le suivirent à l’intérieur alors qu’Omae restait siester au soleil. Nezumi alla rapidement se rafraîchir et s’habiller proprement, tout en noir, mais il n’y fit pas vraiment attention.

Zento arriva juste comme il reprenait le journal en main pour le lire. L’agent qui accompagnait le vieil ami de celui que Nezumi appellerait toujours Freedom était un homme jeune, très propre sur lui et soit constipé, soit trop sérieux.

Zento, pour sa part, interpella Nezumi du portail, quand il sortit voir qui sonnait :

« Eh, on est là ! »

Nezumi sourit et hocha la tête. Il enfila ses bottes, fit rentrer Omae et les rejoignit, Encre, Cravate et Lueur de Lune sur les épaules. Il serra la main que Zento lui tendait :

« Comment tu vas, Nezumi ?

– Ça va, ça va.

– Je te présente Katai, un collègue. Katai, … Merde, c’est quoi ton vrai nom déjà ?

– Aki Kazemori, tu t’y feras, t’inquiète. »

Nezumi serra la main de Katai qui lui sourit rapidement, grave :

« Monsieur.

– Aki, le corrigea Nezumi.

– Pardon ?

– Aki. Ça va, j’ai suffisamment d’années de moins que vous pour que vous m’appeliez par mon prénom… On y va ? »

Ils montèrent dans la voiture, Katai au volant, Zento près de lui et Nezumi à l’arrière, le journal à la main. Il se mit à lire et soupira assez vite :

« Le style est à chier…

– Ah, ça… La Libre Parole, c’est pas de la grande littérature, lui répondit Zento.

– J’avoue, L’Aurore, je survole, La Libre Parole, moins… Et là, je me souviens pourquoi. J’avais essayé, ça m’avait saoulé… Ah ben super, une faute d’orthographe maintenant… Freedom avait raison, c’est très instructif… J’aurais jamais cru tout ça de moi ! »

Ils arrivèrent bientôt au Palais. Ils se garèrent dans la cour. Nezumi descendit et regarda le bâtiment avec curiosité. Il lui sembla plus grand qu’à la télé, et le parc, autour, avait l’air immense.

Il suivit Zento et son collègue, le premier jouant au guide, à travers la cour jusqu’à l’entrée, où il salua aimablement les vigiles, qui le lui rendirent poliment, puis ils prirent l’ascenseur qui s’ouvrit à l’étage présidentiel, face au bureau de Mlle Hisho. Cette dernière toisa les nouveaux arrivants d’un œil sévère… Qui se fit stupéfait lorsque Nezumi la gratifia, en la saluant également, de son sourire le plus charmeur.

Ils arrivèrent bientôt devant une double porte que Zento ouvrit après avoir frappé, et entrèrent juste pour entendre Yui s’écrier avec humeur :

« Shion pour la dernière fois, lâche cet ordi et viens ! »

Assis à son bureau, Shion couina :

« Mais si, je t’écoute… »

Yui était assis sur le canapé, Adrian debout à côté, et trois autres personnes étaient là : un jeune homme qui rigolait doucement sur un fauteuil, une jeune femme et une plus âgée, amusées elles aussi, près de Yui sur le canapé. Adrian déclara :

« Shion, regarde qui est là… »

Nezumi s’inclina poliment :

« Bonjour à tous. »

Et il n’eut que le temps de se redresser pour recevoir Shion qui avait bondi pour lui sauter au cou.

Yui soupira avec un sourire alors que sur son fauteuil, l’autre jeune homme éclatait de rire. Les deux femmes pour leur part échangèrent un regard entendu, toujours amusées. Adrian rigola :

« Eh ça y est, il a lâché son ordi ! »

Mais ni Shion, ni Nezumi n’avaient trop fait attention à tout ça, occupés à s’embrasser tranquillement.

« Voilà, ça, c’est s’il restait un doute à quelqu’un… fit Yui avec un nouveau soupir.

– Oh, la photo était assez explicite… » dit la plus âgée des deux femmes.

Shion lâcha le cou de Nezumi, mais garda sa main dans la sienne :

« Tu viens, je te présente ?

– Volontiers. »

Ils s’approchèrent des autres, main dans la main :

« Alors, voici Yosan, notre calculette nationale, dit Shion en désignant le jeune homme sur son fauteuil, Mlle Koé, notre porte-parole, continua-t-il, et Mme Gaikôkan, notre diplomate en chef. Je crois que tu connais les deux autres. Mlle, Madame, Monsieur, mon compagnon, Aki Kazemori.

– Enchanté, dit Nezumi.

– De même ! répondit aimablement Yosan. Asseyez-vous donc et ne laissez pas Shion se remettre devant son ordi, sinon on n’y arrivera jamais… »

Nezumi les regarda rire sans comprendre, et retient Shion lorsque ce dernier fit un pas vers son bureau. Shion couina :

« Mais j’ai pas fini…

– Fini quoi, mon ange ? lui demanda doucement Nezumi dans le ceinturant.

– De nettoyer la photo… Je la voulais en fond d’écran… Je suis en train d’effacer le titre… »

Nezumi sourit, amusé :

« Allons, ça peut attendre un peu. Moi, j’avais autre chose à vous proposer… C’est l’heure de manger et il fait très beau, alors si on allait voir tout ça avec des bentos dans le parc ?

– Oh, bonne idée ! » s’exclama Mlle Koé.

La porte s’ouvrit brusquement, les faisant sursauter, sur messieurs Keitatsu et Kyoiku. Le responsable de la police sursauta violemment en voyant Shion toujours dans les bras de Nezumi et celui de l’éducation ne fut surpris que le temps de sourire :

« Bon, donc, j’avais raison. Ça n’était pas de l’intox. »

Il va tendre la main à Nezumi qui lâcha Shion le temps de la serrer :

« Makoto Kyoiku, Conseiller chargé de l’Éducation, enchanté.

– Aki Kazemori, serveur, enchanté aussi. »

Keitatsu pour sa part grimaça. Nezumi le vit et se fit donc un devoir de lui faire son plus aimable sourire :

« Oh, vous êtes responsable de la police, je crois ? Je vous ai vu à la télé. Enchanté.

– Euh hm de même… » grogna Keitatsu.

Yui rigola et se leva du canapé :

« Bon, parti pour le pique-nique ? »

Dix minutes plus tard, ils s’installaient tranquillement dans un coin tranquille, sous des arbres, à l’ombre, à une centaine de mètres du bâtiment, sans le responsable de la police qui avait argué du travail.

Après qu’ils aient commencé à manger tranquillement, Mlle Koé demanda :

« Et du coup, qu’est-ce qu’on fait ? »

Tous les regards se tournèrent vers Shion. Ce dernier était assis contre un arbre, Nezumi à ses côtés, leurs mains comme souvent entrelacées. Le jeune président haussa les épaules :

« Moi, vous me connaissez, les coups bas de Hantaisha et de sa clique, je m’en fous royalement.

– Hantaisha ? releva Nezumi.

– Le principal actionnaire de La Libre Parole, lui répondit Shion.

– Un très vieil ami à nous, ajouta Adrian.

– Lui et sa marmaille… soupira Yui. À part le petit dernier, ils sont tous à abattre…

– J’ai dit non, Yui, sourit Shion.

– Façon de parler, Shion, tu sais bien que j’ai rangé mes flingues.

– Je sais, je te charriais.

– Ouais, enfin font bien chier quand même, grogna Adrian.

– Malheureusement, soupira Mme Gaikôkan, j’ai peur que cette fois, on ne puisse pas se contenter de les ignorer… Ça serait leur laisser le champ libre pour les pires calomnies.

– Je suis d’accord avec vous, intervient Yosan. Là, clairement, il faut répondre et leur couper l’herbe sous le pied.

– Leur reprendre la parole avant que ça ne parte en sucette en somme, dit Kyoiku.

– Qu’est-ce que tu en penses ? » demanda Shion à Nezumi en lui tendant un beignet de crevette.

Nezumi se fit un devoir de mordre dedans avant de répondre :

« Je sais pas trop comment ça pourrait se gérer, mais s’il s’agit de me montrer avec toi, ça me gêne pas.

– C’est pas si simple, Nezumi, intervint Yui. Il faut répondre vite, fort et clairement. »

Nezumi mâcha et avala son beignet en haussant les épaules.

« Bon, reprit-il, alors on les appelle, on les assoit dans un coin pour leur expliquer que je suis là et que si ça ne leur va pas, c’est pareil. »

Un silence suivit. Shion se resserra un peu contre Nezumi, tout sourire, alors que Yosan faisait la moue et que Mlle Koé hochait la tête :

« Réunir la presse pour s’expliquer pourrait être une bonne solution, effectivement. »

Shion hocha la tête :

« Ça tombe bien, j’avais rien à faire cet après-midi ! »

Une petite brisée souffla, faisant voleter les cheveux blancs et bleutés. Nezumi sourit.

À leur pied, Encre gambadait dans l’herbe avec Cravate. Lueur de Lune, pour sa part, s’était installée pour faire la sieste avec Hamlet et Macbeth, sur les genoux de Shion. Ce dernier regarda Nezumi :

« Tu es sûr que ça ne te gêne pas ? Je peux m’expliquer seul, sans que tu te montres ? »

Le téléphone de Yui sonna. Il regarda, c’était un message.

« J’assume totalement notre relation, mon ange, et je me contrefous qu’on me reconnaisse dans la rue. Et puis, ajouta-t-il après un silence, il est hors de question que je me taise après toutes les saloperies qu’ils ont crachées sur ma gueule ! »

Shion lui fit un petit bisou.

« Ensemble jusqu’en Enfer, ma petite fleur, tu as oublié ?

– Quoi qu’il arrive, mon joli rat. Non, ne t’en fais pas. »

Ils s’embrassèrent encore.

Kyoiku rigola et dit :

« Et dire que je me faisais la réflexion pas plus tard que la semaine dernière que je vous trouvais une humeur radieuse depuis quelque temps, Shion…

– J’ai pensé ça aussi, dit Mme Gaikôkan. Et ce que vous nous avez dit lundi dernier au Conseil me l’a confirmé.

– J’ai dit quoi au Conseil ?

– Vous avez vaguement évoqué quelqu’un que vous aviez attendu sept ans…

– Ah oui, exact…

– Ça fait pas tout à fait sept ans… Ça fera sept ans cet automne, remarqua gentiment Nezumi en passant son bras autour des épaules de Shion.

– Moui… Sept ans le 7 septembre… »

Yui regardait avec sérieux et intervint :

« J’ai du nouveau.

– Ah ! s’exclama Shion. Alors ?

– Alors, la photo a été prise avec un portable Sumsing XP347… On est en train de recouper avec la liste des invités, que ce cher Satoru nous a fournie dès qu’on lui a demandé… Il se répandait en excuses, d’ailleurs.

– Il n’y est pour rien, il n’a pas à s’en vouloir… soupira Shion.

– Pas mal de gens étaient déjà partis, ça va limiter les recherches. » remarqua Adrian.

Yui hocha la tête.

La brise souffla à nouveau et cette fois, Nezumi fronça les sourcils en se redressant.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » lui demanda Shion, alarmé.

Le couteau de Nezumi apparut comme par enchantement dans sa main et il n’eut pas le temps de répondre qu’ils entendirent tous, clairement, un coup de feu beaucoup trop proche.

Adrian et Yui étaient debout, armes au poing, en un clin d’œil, alors que Nezumi restait accroupi à côté de Shion et que Hogorusu, Kanshi et Zento sortaient d’on ne sait où, armés aussi.

« Qu’est-ce qui se passe, Zento ? demanda Yui.

– Quatre intrus dans le parc, on est en train de les encercler, mais ils sont armés. Apparemment, ils sont entrés par le nord, l’endroit où le mur est en ruine…

– C’est vrai qu’on l’a toujours pas réparé… » pensa tout haut Shion.

Il semblait toujours plus intrigué qu’inquiet.

D’autres hommes arrivèrent. Nezumi restait aux aguets. Le vent fit à nouveau voler ses cheveux et il fronça encore les sourcils et murmura :

« … Cinq… »

Shion le regarda sans comprendre. Les autres ne l’avaient pas entendu.

Des gardes escortèrent Kyoiku, Yosan, Mme Gaikôkan et Mlle Koé au Palais, mais Shion refusa de rentrer et Nezumi ferma les yeux un instant. Zento était en communication avec d’autres :

« Je m’en fous, vous me bloquez ces mecs, on discutera après ! Le président est dans le parc, vous me les désarmez et vous me les menottez, POINT BARRE !!! On ne prend aucun risque ! »

Un moment passa, sans que rien ne bouge, puis les téléphones de Yui et Zento bipèrent ensemble.

« C’est bon, ils ont été maîtrisés. » dit Yui.

Shion se leva, suivant Nezumi qui, lui, restait sur ses gardes.

« On sait qui c’est ? demanda le jeune président.

– Ils prétendent être des policiers, répondit Yui, on vérifiera. En tout cas, ils étaient armés et ont fait feu… Ils disent qu’ils poursuivaient un criminel. »

Shion regarda Nezumi. Le vent fit à nouveau voleter leurs cheveux. Nezumi rangea son couteau. Il était visiblement cette fois plus inquiet que méfiant.

« Nezumi ?…

– À tous les agents, présence possible d’un cinquième homme dans le parc, dit Yui dans son téléphone. Restez vigilant. »

Il écouta un moment, puis soupira :

« Ils nous les amènent, mais personne n’a vu quelqu’un d’autre… »

Shion hocha la tête. Il regardait toujours Nezumi qui murmura en regardant plus loin :

« … Il est là-bas…

– Quoi ?

– Je vais voir…

– Nezumi ! »

Shion lui saisit le bras. Nezumi lui sourit :

« Ne crains rien, mon ange. »

Yui, Adrian et les autres regardèrent d’autres gardes arriver, encadrant et tenant plus que fermement quatre hommes bien attachés. Shion, lui, regarda Nezumi s’éloigner, inquiet.

Ce dernier disparut sous les arbres. Si ce qu’il avait senti était juste et si son serviteur ne s’était pas trompé, il devait être par là… Sur son épaule, Encre était sur le qui-vive. Lui restait aux aguets, comme il l’avait été ailleurs, en chasse.

Autour de lui, les arbres immenses, le chant des oiseaux, les bruits des écureuils.

Il s’arrêta soudain et ferma les yeux. Il se concentra un instant et sourit. Il ne s’était pas trompé.

Il écarta lentement un buisson et dit très calmement :

« Encre, va chercher Shion. »

La souris couina et fila.

Nezumi n’avait pas perdu son sourire. Il regardait avec douceur le tout jeune adolescent terrorisé qui le fixait, les yeux écarquillés et le bras en sang.

« Tout va bien, ne t’en fais pas. » lui dit-il en s’agenouillant.

Le garçon eut un mouvement de recul, comme s’il voulait disparaître dans l’arbre sur lequel il s’appuyait. Nezumi s’approcha très lentement, en parlant avec cette même douceur :

« Tu n’as rien à craindre.

– S’il vous plaît… bredouilla le gamin en se mettant à pleurer. Ils veulent me tuer…

– Personne ne va te tuer. Les hommes qui te poursuivaient ont été arrêtés par des gens bien plus puissants qu’eux, et ces gens ne laisseront personne te faire du mal. »

Le garçon le regarda sans trop avoir l’air de savoir s’il devait le croire et sursauta en entendant :

« Nezumi ! »

Shion arrivait en courant, Encre sur l’épaule, suivi par Adrian et Yui, eux toujours armés.

« … Ça va ? demanda Shion en s’arrêtant près de lui.

– Moi oui. » répondit Nezumi en désignant le garçon blessé.

Ce dernier fixait Shion avec des yeux ronds, mais cette fois, c’était de la stupéfaction et plus de la peur.

Yui et Adrian arrivèrent une seconde trop tard pour empêcher leur président de tomber à genoux et de prendre le garçon dans ses bras. Nezumi rigola et Yui s’écria :

« Shion !

– Du calme, il est inoffensif, lui dit Nezumi en se relevant.

– Tu es sûr ? insista Yui.

– Certain. C’est juste un gosse blessé et effrayé…

– Si c’est lui, le “dangereux criminel” que ces mecs nous ont dit poursuivre, il y a un léger souci, nota Adrian.

– Ouais, ça, tu peux le dire… »

Yui rangea son arme et reprit son téléphone pour appeler les médecins du Palais.

Cinq minutes plus tard, l’adolescent définitivement stupéfait était assis sur le canapé du bureau de Shion et se laissait soigner par une jeune doctoresse assistée d’un infirmier. Il regardait tout autour de lui sans parvenir à croire ce qui lui arrivait…

Comme, par exemple, le fait que le président de sa ville lui apporte une tasse de thé et des gâteaux avant de s’asseoir près de lui pour lui demander gentiment, l’air inquiet :

« Ça va mieux ?

– … Oui… »

La voix du garçon était à peine un souffle, mais Shion lui sourit :

« Tu n’as rien à craindre, d’accord ? Les hommes qui t’ont fait du mal sont hors d’état de nuire. »

Le garçon lui jeta un œil peu sûr. Shion regarda la doctoresse :

« Ça ira ?

– Oui, oui, ne vous en faites pas. La balle n’a fait qu’effleurer son bras, trois points de suture et ce sera réglé. »

Nezumi revint alors, accompagné de Yui. Voyant la scène, il rigola :

« Quoi, c’est pas toi qui le sutures ? Oh, quel dommage, tu fais ça si bien ! »

Shion rigola aussi et lui tira la langue. L’œil de Yui alla de l’un à l’autre, puis il haussa les épaules et dit :

« Bon, on est en train de cuisiner nos quatre larrons, là, il faudrait que notre jeune ami nous donne sa version des faits. »

Voyant l’air pas rassuré dudit jeune ami, Shion lui sourit à nouveau :

« Ne t’en fais pas, Yui n’est pas méchant. Nous voulons juste que tu nous dises la vérité…

– C’est vrai, on sait qui il est flippant, ajouta Nezumi en jetant un œil moqueur à son ami borgne, mais en vrai, il est très gentil. »

Yui jeta un œil noir à Nezumi qui continua en s’approchant de Shion :

« C’est comme Adrian, donne-lui du gâteau à la cerise et…

– T’as fini de te moquer de mon gouvernement ? le coupa Shion, amusé.

– Nan. »

Le jeune président regarda à nouveau le garçon :

« Déjà, comment est-ce que tu t’appelles ?

– Kôun…

– Tu as dit à Nezumi que ces hommes voulaient te tuer. Pourquoi ?

– … Parce que… Ils rackettaient le vieux Kenji, et ils l’ont tabassé et ils l’ont tué et je les ai vus… » bredouilla l’adolescent, tremblant et au bord des larmes.

Un long silence suivit. Yui grimaça, Shion soupira, et Nezumi dit :

« Sympa.

– On va voir ça et très sérieusement, déclara Yui.

– Je compte sur toi. » opina gravement Shion.

Le téléphone de Yui sonna. Nouveau message. Il le regarda et fronça son sourcil avant de venir à son tour vers son président :

« Shion, on a identifié le portable de la photo…

– Ah. Et ?

-Ben regarde. »

Shion se leva pour prendre l’appareil que lui tendait son conseiller. Il regarda l’écran et soupira.

« Je vois. »

Il lui rendit :

« Je vais voir avec Kaoru pour organiser une conférence de presse, 18h ça serait pas mal. Trouve-moi à quelle heure finissent ses cours.

– OK. »

Nezumi vint prendre Shion dans ses bras :

« Je veux la faire avec toi, mon ange.

– On va voir ça, mon cœur. »

Keitatsu entra brusquement dans le bureau :

« Qu’est-ce que ça signifie !… »

Yui eut un sourire en coin, mais laissa Shion répondre, bonhomme :

« De quoi ?

– Que signifie l’arrestation de ces quatre policiers !

– Ils se promenaient armes au poing dans le parc, répondit Shion. Les services de sécurité n’ont fait qu’appliquer le règlement.

– Mais ce sont des policiers !… Et ils ne faisaient que leur travail !

– Leur profession n’est pas marquée sur leur nez, et elle ne justifie en rien leur intrusion dans le parc, répondit Shion. Au contraire, ils auraient dû avant toute chose nous signaler qu’il y avait un intrus et absolument pas se lancer seuls à sa poursuite. »

La colère de son Conseiller glissait sur Shion comme une goutte d’eau sur du Téflon.

« Rien ne prouvait, ni ne prouve encore, d’ailleurs, qu’ils n’avaient pas d’autres intentions, à mon égard ou à l’égard d’un autre. Il n’y a pas à vous inquiéter, l’enquête est lancée et déterminera tout ça. »

Keitatsu grogna. Nezumi n’avait pas lâché Shion, blotti dans son dos.

« Pourquoi l’enquête n’a pas été confiée à la police des polices ?

– Parce qu’il y a eu violation du domaine présidentiel et que tout ce qui touche à la sécurité de Shion relève de mes services, intervint enfin Yui en croisant les bras.

– Mais enfin, ces hommes ne faisaient que leur travail !

– À moi, rien ne prouve que ce n’était pas un coup monté pour tenter de tuer notre président.

– Votre paranoïa est ridicule !

– C’est mon boulot.

– Je ne vois pas pourquoi vous vous énervez, Keitatsu, reprit paisiblement Shion. Ces hommes ne faisaient effectivement que leur travail, ils n’ont pas à s’en faire, à part à la limite pour la violation du règlement, mais ça n’est pas si grave… Si jamais il y a autre chose, il sera toujours temps de laisser la justice faire son travail.

– Pour être honnête, Keitatsu, reprit Yui, leurs explications ne sont pas très crédibles, pour le moment.

– Que voulez-vous dire ? !

– Ben honnêtement,… fit semblant d’hésiter Yui. Prétexter qu’ils poursuivaient un criminel suffisamment dangereux pour avoir leurs armes sorties et ne pas prendre le temps d’avertir mes hommes…

– Et pourquoi est-ce que ce n’est pas crédible ? »

Yui montra l’adolescent d’un signe de tête. Ce dernier se laissait recoudre, mais il était clair que s’il avait pu devenir transparent, il ne se serait pas gêné.

« … Jugez vous-même de la dangerosité de l’individu… Je lui donne 14 ans large et il n’avait même pas un canif dans la poche…

– Il a très bien pu jeter son arme !

– Mes hommes ont remonté sa piste avec des chiens sur près d’un kilomètre sans rien trouver.

– Non mais tu es injuste, Freedom, intervint Nezumi à son tour. C’est pas gentil de te moquer de ces quatre pauvres types…

– QUI vous traitez de pauvres types ? ! s’étrangla Keitatsu.

– Ben, se mettre à quatre gros bras armés pour attraper un gosse, ‘faut pas être doué…

– Dans la bouche du type qui est mis en échec toute la police de N°6 à 12 ans, ça sonne bizarre… » remarqua Shion.

Il y eut un petit flottement, puis Nezumi et lui éclatèrent de rire. Nezumi resserra ses bras autour de Shion et répliqua :

« Mais tout le monde n’est pas aussi doué que moi, mon ange… »

*********

Arisu Tomodachi était contente que sa journée soit finie. Elle sortit en riant avec ses amies du lycée pour jeunes filles huppées où elle allait. Elle les salua pour aller vers la voiture qui l’attendait un peu plus loin. Le chauffeur lui ouvrit la porte arrière, elle ne remarqua pas sa nervosité. Elle s’assit avec un soupir et se pétrifia en entendant une voix lui dire très gentiment :

« Bonsoir, Arisu. »

Elle recula précipitamment, apeurée. Et de fait, Shion la regardait avec une douceur très étrange, assis là très naturellement.

« Qu’est-ce que… Qu’est-ce que vous voulez ? balbutia-t-elle.

– Oh, j’imagine que vous le savez très bien. Je vous remercie pour la photo, vraiment, elle est superbe. »

Il lui sourit et elle se sentit glacée de terreur.

« Arisu, reprit-il toujours doucement, je ne sais pas quelle mouche vous a piquée et pour être honnête, je me contrefous. Que vous ayez fait ça par dépit, jalousie ou en espérant que Nezumi et moi ne pourrions pas résister à un scandale, je m’en tamponne.

– Mais… Comment avez-vous su… ?

– Sous-estimer les compétences des services de renseignements de cette ville n’était pas très intelligent. Mais quelle importance, après tout… J’ai passé une bonne partie de l’après-midi à convaincre votre père de ne pas porter plainte pour violation de la vie privée, comme il le souhaitait. Je vous fais le cadeau de fermer les yeux sur ce que je considère comme un dérapage de gamine. Que les choses soient claires : ce sera le seul. Si vous retentez quoi que ce soit contre moi ou Nezumi, soyez sûre que l’amitié que j’ai pour vos parents et mon désir de leur épargner la peine de savoir que vous avez fait ça ne vous protégeront plus. »

Il avait dit ça avec calme et gravité. Il sourit à nouveau :

« Nezumi et moi nous connaissons depuis très longtemps et la tempête que vous nous imposez est ridicule aux yeux de celles que nous avons déjà essuyées. Je ne peux que vous souhaiter de vivre un jour ce que nous vivons tous les deux, mais ce ne sera pas avec moi. »

Il regarda sa montre.

« Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Je vous conseille d’allumer votre télé à 18h pour le reste. Bonne fin de journée. »

Il descendit de la voiture sans attendre de réponse et rejoignit Hogosuru et Kanshi, debout près d’une autre voiture à quelques pas de là.

« C’est bon. On rentre au Palais. »

Il monta à l’arrière, Hogosuru à la place du mort et Kanshi prit le volant.

« Vous pensez que ça ira, Shion ? demanda Hogosuru en se tournant vers son président.

– J’espère, répondit ce dernier en prenant son téléphone, parce que Nezumi m’a promis qu’il s’en chargeait la prochaine fois… »

Hogosuru et Kanshi rigolèrent et le second démarra. Shion appela son assistante :

« Oui, Kaoru ? C’est moi.

– Ça a été, Shion ?

– Oui, oui, on est sur le retour… Ça en est où de ton côté ?

– J’ai une réponse de quasi tout le monde, ils vont venir, tu n’as pas à t’en faire… Et la diffusion en direct est confirmée.

– Parfait… »

Shion entendit la voix de Nezumi crier au loin :

« ENCRE ÇA SUFFIT ! »

Il entendit aussi Kaoru rire et demanda :

« Houla, qu’est-ce qui se passe ?

– Je ne sais pas trop, pour être honnête… Ça fait une demi-heure que ça dure, apparemment cette souris l’empêche de relire l’article comme il voudrait…

– Ah t’y mets pas aussi Cravate ! » entendit encore Shion.

Il sourit.

« Si vous continuez, je vous file au chat du voisin, compris ! »

Shion pouffa :

« Bon, on arrive, Kaoru…

– On vous attend ! »

*********

À 17h50, ce soir-là, dans la grande salle de conférence du Palais présidentiel, la quasi-totalité de la presse d’Utopia et même plusieurs représentants de la presse étrangère attendaient.

Le message présidentiel était assez succinct :

« Conscients du trouble qu’a pu causer la Une de La Libre Parole de ce matin auprès d’un certain nombre de nos concitoyens, nous vous invitons afin de nous expliquer. »

Les journalistes, photographes, cameramen, chroniqueurs et autres attendaient. Certes, la nouvelle avait fait du bruit et depuis le matin, les interrogations allaient bon train dans les rédactions et sur Internet. De la simple curiosité au plus franc dégoût, de l’indignation au cri au complot, beaucoup de choses avaient été dites et pensées.

Devant l’estrade où trônait une table vide, au premier rang, car arrivé très tôt, se trouvait un trentenaire qui présentement, dessinait sagement sur un bloc un petit paysage bucolique de bord de rivière, qu’il avait vu en venant tranquillement en vélo, remontant la rivière qui traversait la ville d’est en ouest.

Sugaki était dessinateur de presse, surtout connu pour ses caricatures qui illustraient toutes les semaines L’Aurore. Lorsqu’il avait, comme toute la rédaction, reçu l’invitation présidentielle, il avait bondi sur sa carte de presse et filé au palais, laissant ses supérieurs se battre pour décider qui ils envoyaient.

Autour de lui, d’autres journalistes plaisantaient en se demandant si le « nous » du message signifiait que le jeune président avait cette fois pris la grosse tête et parlait désormais de lui au pluriel…

Sugaki, lui, avait une autre explication et hâte de voir s’il avait vu juste.

À 18h pile, Mlle Koé s’avança sur l’estrade, devant la table blanche et vide.

« Mesdames et Messieurs, dit-elle, comme toujours souriante, nous vous remercions d’avoir répondu à l’invitation de notre président et de son compagnon. »

Bingo, sourit Sugaki.

« Ils vont maintenant se présenter à vous pour répondre à vos questions. Merci de leur faire bon accueil. »

Elle s’inclina poliment devant la salle stupéfaite, alors que derrière elle arrivaient tranquillement le président et celui qui avait fait avec lui la Une de La Libre Parole. Shion Seijunna semblait parfaitement à l’aise et le jeune homme à ses côtés regardait la salle avec un petit sourire curieux. Il dit quelque chose qui fit rire le président et ils s’assirent tous deux à la table, devant les micros qui attendaient là. Mlle Koé était repartie.

Ils laissèrent les flashs se calmer, le temps que quelques souris se mettent à gambader sur la table et surtout que la main du président ne vienne doucement se poser sur celle du jeune homme. Ce dernier lui jeta un coup d’œil avec un sourire et retourna sa main pour glisser ses doigts entre ceux de Shion qui lui sourit aussi. Les doigts se mêlèrent et ne devaient plus se lâcher de la conférence.

Les journalistes n’osaient pas se lancer. Il faut dire qu’ils ne s’attendaient vraiment pas à ça.

Comme le silence durait, Shion, après un regard à son ami qui hocha la tête, prit la parole, très aimable et souriant :

« Bonjour à tous. Nous vous prions sincèrement de nous excuser de cette conférence de presse imprévue, et espérons ne pas avoir trop dérangé votre journée. Il nous a semblé urgent, cependant, au vu des réactions suscitées par la Une de La Livre Parole de ce matin, de répondre aux interrogations que vous pouvez avoir et également de corriger un certain nombre d’approximations et d’erreurs dans l’article en question. »

Le jeune homme à sa gauche pouffa. Shion lui demanda avec un sourire :

« Tu as quelque chose à ajouter ?

– Du tout !… J’admire juste la façon dont tu dis ça. »

Shion eut un sourire cette fois goguenard :

« Ben vas-y, tu l’aurais dit comment ? »

Le garçon fit la moue puis déclara :

« Bonjour à tous. Désolés de vous avoir sonnés de façon si brutale, et rassurez-vous, nous aussi, on avait autre chose à faire cet après-midi. Mais il nous a semblé plutôt urgent de vous réunir pour mettre les choses au clair, étant donné que le nombre de conneries au paragraphe dans l’article de La Libre Parole dépasse de loin les quotas autorisés par le bon sens. »

Sugaki fut le deuxième à rire après Shion et avant plusieurs autres dans la salle. Le ton est donné, se dit le dessinateur, et ça s’annonçait à son goût. Sugaki regardait ce garçon et tentait, jusqu’ici en vain, de le saisir sur sa feuille. Défi magnifique à ses yeux… Il avait mis un moment à dessiner Shion, lorsqu’il avait intégré le journal. Le jeune président lui avait paru un moment insaisissable, définitivement hors d’atteinte de son crayon.

Les journalistes de La Libre Parole étaient là, bien sûr, et l’un d’eux prit violemment la parole :

« Je ne vous permets pas ! Notre article est le fruit d’une enquête très sérieuse !

– Et ben qu’est-ce que ça doit être quand elles ne sont pas, répondit du tac au tac le jeune homme brun. Et si, je me permets, parce que figurez-vous que je connais mieux ma vie que vous. »

Le journaliste resta moucher alors que ça riait un peu plus fort dans la salle. Shion désigna son ami de sa main libre :

« Messieurs-dames, j’ai le plaisir et l’honneur de vous présenter mon compagnon, Aki Kazemori.

– Enchanté de faire votre connaissance, dit ce dernier en s’inclinant poliment.

– Il n’a jamais été dans nos intentions de cacher notre relation, mais, comme il est rentré à Utopia il y a à peine un mois après un long voyage trois ans, l’occasion ne s’était pas encore présentée. Nous attendons vos questions. »

Sur la table, les souris avaient cessé de gambader. Hamlet, Cravate et Macbeth regardaient la salle, Lueur de Lune, elle, regardait Shion et Encre, après avoir flairé le micro de Nezumi, grimpa sur l’épaule de ce dernier.

Une jeune journaliste se lança enfin :

« M. Kazemori, vous évoquiez un certain nombre d’erreurs dans l’article de nos confrères ? Pourriez-vous être plus précis ?

– Volontiers, vous avez la soirée ? On en a pour un moment.

– Peut-être pouvez-vous vous contenter des plus flagrantes, répondit-elle, amusée, afin que mes collègues puissent aussi avoir le temps de poser leurs propres questions ?

– Dans ce cas, je vous retourne la question. Un point particulier vous a-t-il interrogée ?

– L’article prétend que vous êtes un ancien délinquant de Bloc Ouest, prostitué travesti ? »

Nezumi eut un sourire, admiratif qu’elle ose d’entrée mettre les pieds dans le plat. Cette partie de l’article était probablement celle qui l’avait le plus énervé… Mais il avait décidé de ne pas mentir.

« Sur ce point, répondit-il posément, l’article mélange les choses.

– C’est-à-dire ? » Le relança-t-elle.

Il réfléchit un instant, puis répondit :

« J’ai vécu à Bloc Ouest entre mes 14 et mes 16 ans, grosso modo. Lorsque j’y suis arrivé, j’étais seul et absolument sans ressource. Alors oui, j’ai effectivement été contraint de me prostituer quelques mois, je n’ai pas tenu de calendrier précis. »

Sugaki vit très clairement que si Shion restait grave, sa main, elle, s’était resserrée autour de celle de Nezumi et son pouce l’avait caressée.

« … Après quoi, j’ai trouvé un vrai travail de comédien et chanteur qui m’a sorti de ça. Le travestissement, ça n’a rien à voir. C’est qu’il m’est arrivé de jouer des personnages féminins dans certaines pièces. Aucun des comédiens ou des chanteurs ne se prostituaient à l’Arc-En-Ciel, on nous payait très bien, il n’y avait aucun problème.

– Étiez-vous au courant de ça, Monsieur le Président ? »

Shion hocha la tête :

« Tout à fait. »

Nezumi eut un sourire fugace en se souvenant de la réaction de Shion lorsqu’il lui avait dit ça.

Après leur rencontre avec Rikiga, Shion ne décollerait pas. Le soir, chez eux, il grommelait encore à moitié en préparant la soupe et en sortant de la salle de bains, Nezumi en avait eu marre :

« ‘Tain, Shion, c’est bon, lâche l’affaire !

– Grml grml…

-… De toute façon, t’en fais pas, y a aucune chance que je recommence un jour ! »

La louche s’était pétrifiée dans la casserole et Shion avait tourné un visage horrifié vers Nezumi.

Merde, avait pensé ce dernier.

Il avait regardé ailleurs, un curieux sentiment au ventre, un peu comme de la peur…

« … J’te dégoûte, c’est ça ?

– NON ! »

Nezumi avait senti avec stupéfaction de Shion se jeter dans son dos et ses bras l’encercler avec force :

« … Non… Non, jamais… Jamais rien de toi ne pourra me dégoûter… C’est juste… »

Shion avait sangloté :

« … Pourquoi toi… Pourquoi ça… C’est tellement injuste… »

Nezumi allait se mettre à l’engueuler, énervé qu’il pleure encore, mais Shion avait alors murmuré quelque chose qui l’avait sidéré :

« … Si je pouvais construire un monde où tu ne souffrirais plus jamais… »

Nezumi regarda Shion qui répondait calmement :

« Nous savons tous ce qu’était la vie à Bloc Ouest avant la Réunification, et Nezumi… Aki n’a certainement pas été le seul adolescent réduit à ça pour survivre. Le passé est ce qu’il est, laissons-le à sa place. Je crois avoir déjà souvent dit que le présent et l’avenir m’intéressaient beaucoup plus. » avait-il fini avec un sourire.

Les journalistes sourirent aussi. La première apparition télévisée de celui qui n’était pas encore président était restée célèbre pour sa façon si polie d’envoyer chier le journaliste encore très formaté de ce qui avait été la première chaîne de propagande de N°6 :

« Non, mais ça m’est égal, complètement égal, ce que vous pensez des habitants de l’ancien Bloc Ouest. Là, moi, j’ai une ville à reconstruire, alors si ça vous amuse de rester là à pleurer sur des ruines, sur le passé, ça vous regarde. Moi, ce qui m’intéresse, c’est reconstruire, c’est l’avenir, et rien d’autre. »

Nezumi regardait Shion avec tendresse et Sugaki commençait à le « sentir », quand un autre journaliste demanda :

« Monsieur le Président, l’article prétend aussi que vous avez recueilli M. Kazemori il y a un mois alors qu’il mendiait dans la rue sans le connaître plus que ça ?

– Et juste parce que j’avais envie d’un giton, compléta Shion avec un sourire en coin.

– Euh…

– Aki et moi nous connaissons depuis six ans, sept mois, dix-neuf jours, et je vous épargne le reste. »

Nezumi éclata de rire. Shion lui tira la langue et reprit :

« Je vous épargne aussi le calcul, c’était le soir de mes 12 ans. »

Nezumi se calma :

« Alors toi, tu m’en feras pas d’autres…

– Dans quelles circonstances vous êtes-vous connus ? » demanda un autre journaliste.

Shion et Nezumi échangèrent un grand sourire :

« On lâche le morceau ?

-Comme tu veux, mon ange.

-OK ! »

Shion re-montra Nezumi de sa main libre :

« Je vous présente la cause de ma déchéance de l’élite de N°6.

– Ravi de faire votre connaissance, dit Nezumi en s’inclinant à nouveau. À l’époque, vous avez pu me voir à la télé sous le joli nom de VC103221. »

Shion rigola :

« Que de souvenirs… »

Il regarda Nezumi :

« J’ai recueilli un fugitif, le soir de mon anniversaire. C’était un garçon de mon âge, épuisé, blessé, avec les plus beaux yeux que j’ai jamais vus… »

Nezumi se gratta la nuque, mal à l’aise.

« … Et comme je l’ai aidé et pas dénoncé, j’ai été déchu de tous mes privilèges et ma mère et moi chassés de Chronos pour atterrir à Lost Town. »

Nezumi eut un sourire :

« Ça me semble toujours irréel, même après tout ce temps… Non, parce que sérieux, continua-t-il en se redressant et en prenant l’assistance intriguée à témoin, vous connaissez beaucoup de garçons de 12 ans qui, en voyant un inconnu débarquer par la fenêtre avec un bras en sang, lui disent d’entrée : “Viens, je vais te soigner !”… »

Shion rigola, comme un certain nombre de personnes dans la salle.

« … Et une demi-heure après, après qu’il est vu l’avis de recherche à la télé : “Eh VC103221, je t’ai remonté du gâteau !”… Réaction parfaitement normale, quoi ! »

Shion lui répliqua, moqueur, alors que l’assemblée riait plus fort :

« Oh mais tu étais si mignon avec ta chemise trop grande et ton bras blessé…

– Et toi, tu étais flippant avec ta seringue et ton aiguille…

– Quoi, ils étaient très bien, mes points de suture !

– J’en ai cauchemardé des années…

– Jamais content de ce type, je vous jure…

– Si, si, le gâteau était très bon. »

Il y eut un petit flottement pendant lequel ils tentèrent de se retenir de rire tous les deux, devant une salle à moitié hilare.

« Et donc, reprit Nezumi, on s’est retrouvé quatre ans plus tard quand je suis venu le tirer des pattes des agents spéciaux qui l’avaient embarqué pour le planquer à Bloc Ouest.

– Leçons de survie n°1 : courir et vite. »

Ils rirent à nouveau, puis Shion reprit doucement :

« Voilà dans les grandes lignes. »

Un autre journaliste demanda :

« M. Kazemori, vous étiez fiché comme VC à 12 ans ?

– J’ai toujours été précoce… Non, je plaisante, bien sûr. Disons pour faire simple que c’était plus facile pour les autorités de N°6 de me faire passer pour un criminel plutôt que de raconter à leur population qu’ils se livraient à des expériences pour le moins pas recommandables sur des êtres humains. Je n’étais pas le rat le plus docile du laboratoire. Je n’en dirai pas plus à ce sujet. »

Le ton était suffisamment ferme pour que personne n’ait de toute façon envie d’insister. Il y eut un silence avant qu’un autre journaliste ne prenne la parole :

« M. Kazemori, l’article prétend également que vous êtes un agent de Yui Himitsu…

– … Et que c’est ce dernier qui m’a mis dans le lit de Shion pour mieux le manipuler… soupira Nezumi. En fait, ajouta-t-il après un silence, ce qui m’énerve dans cet article, à part les fautes et le titre… Non mais sérieux, c’est quoi ce titre de merde… Enfin bref… C’est ce mélange invraisemblable de tout en vrac, sans aucune volonté de trier le vrai du faux ou même simplement de dire les choses de façon claire… Que j’ai joué Ophélie ne fait pas de moi un travelo qui fait le trottoir, même si je l’ai fait avant, être revenu de mon voyage à pied et avoir traîné quelques heures dans les rues de cette ville ne fait pas de moi un clochard que Shion a ramassé par vice… Et pour répondre à votre question, le fait que j’ai connu Freedom à Bloc Ouest et que je l’ai ramené à Shion au moment de la chute du Mur ne fait pas de moi un de ses agents. J’ai connu Freedom dans des circonstances particulières, je lui ai rendu service pour une affaire particulière, rien de plus. Je n’ai jamais été un de ses hommes. Et de toute façon, Freedom ne manipule pas Shion, faut arrêter la psychose. Un cerveau qui va aussi vite que le sien, ce n’est pas manipulable.

– Ah, t’es chiant, arrête avec ça, grogna Shion. J’ai pas 200 de QI.

– Voilà, sourit Nezumi. C.Q.F.D. »

Shion sourit aussi :

« Ah, là, tu m’as eu.

– Et oui, mon ange. J’ai pas ton QI, mais je te connais. Je vous explique : là, il est passé direct de ma remarque à la conclusion du débat que nous n’avons donc pas eu sur son intelligence.

– Mais j’ai pas 200 de QI…

– Tu chipotes, mon ange, tu chipotes. Dis-leur à combien tu étais évalué, gamin.

– Mais il n’était pas valide, ce test…

– Dis-leur. »

Shion soupira, mal à l’aise :

« 197. »

Des cris de stupeur retentirent dans la salle.

« … Mais je suis sûr que c’était surévalué !

– Tu en repasseras un si ça t’amuse. »

Les journalistes rigolèrent. Sugaki, à défaut d’avoir réussi à dessiner Nezumi, avait réussi à le caricaturer de façon plaisante. D’autres questions furent posées dans une ambiance assez détendue, jusqu’à ce qu’un journaliste demande :

« Monsieur le Président, pouvez-vous nous dire où en est la réforme des gardes médicales ?

– Houlà, une vraie question… Vous pourriez prévenir ! »

Shion se redressa et répondit sérieusement :

« Elle sera appliquée sans exception à partir de mercredi.

– Les syndicats de médecins la jugent exagérée et trouvent inacceptable que vous leur forciez ainsi la main. »

Shion fronça les sourcils et répliqua avec sévérité :

« Moi, ce que je juge inacceptable, c’est que des citoyens de cette ville se retrouvent privés des soins les plus élémentaires parce que des médecins refusent de quitter leur joli quartier pour aller les soigner ! Ça fait des années que nous bataillons pour l’organisation des permanences médicales dans l’ancien Bloc Ouest, tout le monde sait à quel point sa population est encore fragile, et je rappelle tout de même qu’un vieil homme est mort l’an dernier parce que le médecin qui devait assurer la garde de son centre de soins était parti jouer au golf !… Alors oui, certains font très bien leur travail, Dieu merci, mais la fréquence des absences des autres est un problème trop grave et puisque les avertissements sont restés lettre morte, oui, nous en sommes réduits à prendre des mesures de rétorsion draconiennes. C’est déplorable, effectivement, de nous avoir forcés à en arriver là, mais la réalité du problème ne nous laisse pas le choix.

– Les trois mesures sont celles annoncées ?

– Oui. En premier lieu, des amendes proportionnelles au nombre d’heures d’absence, puis au bout de 15 jours, interdiction d’exercer tant que le quota d’absence n’est pas rattrapé et au bout d’un mois, interdiction d’exercer tout court. Nous sommes conscients que c’est très sévère, mais nous n’attendrons pas un deuxième mort. »

Il y eut un nouveau silence. Un doux sourire flottait sur les lèvres de Nezumi qui regardait Shion.

« Bon… D’autres questions ? » demanda tranquillement ce dernier.

Encre regardait depuis un moment Sugaki, intriguée. Il était le seul, au premier rang, à regarder plus son bloc de dessins que l’estrade. Elle descendit de l’épaule de Nezumi et fila voir ce qu’il faisait. Nezumi ne la retint pas.

Une autre journaliste, à l’accent américain très prononcé, demanda :

« Mister President, pensez-vous qu’il soit sain pour un enfant d’être élevé sans mère ? »

Sugaki sourit en voyant soudain une petite souris noire grimper sur sa jambe et venir se poser au bord de son bloc pour le regarder dessiner.

Le sourire de Shion s’élargit. Il se disait bien que ça allait sortir à un moment, ça… Nezumi avait froncé les sourcils.

« Je pense que tant qu’un enfant est élevé par des adultes qui l’aiment et le respectent, il n’y a pas de problème. Pour le reste, des études psychologiques ont plus que démontré qu’aucun schéma n’était réellement meilleur qu’un autre tant que ces deux conditions étaient réunies. Mon fils, puisque j’imagine que c’est de lui que vous vouliez parler, est très heureux du retour de mon compagnon, et ce retour va aussi palier la seule inquiétude que j’avais, à savoir le risque de rapport fusionnel entre lui et moi. J’ai toujours fait très attention à ce qu’Haru fréquente suffisamment de personnes pour éviter ça, mais vivre à trois est encore le plus simple.

– Tout à fait, approuva Nezumi. D’ailleurs, je prends mon rôle de père très au sérieux… commença-t-il avant d’ajouter avec un grand sourire en regardant Shion : Je parle de séparer la mère de l’enfant, vous aviez compris… »

Shion explosa de rire :

« Enfoiré ! Tu me paieras ça ! »

Il se calma et reprit sérieusement :

« Pour le reste, j’ai toujours veillé à ce qu’Haru n’oublie pas sa défunte mère et à ce qu’il voit assez souvent le mienne pour avoir, à défaut d’une vrai mère, une présence féminine régulière dans son entourage. Après, moi j’ai grandi sans père et ça ne m’a jamais empêché de dormir… »

La journaliste grommela, mais ne trouva rien à redire. Shion souriait toujours :

« Messieurs-dames, il reste quelques minutes si vous avez une dernière question. »

Un autre journaliste, cette fois-ci russe, à l’oreille, demanda alors :

« Monsieur le Président, votre ami va-t-il avoir un rôle officiel au sein d’Utopia ? »

Nezumi et Shion échangèrent un regard et le premier dit avec amusement :

« Il est hors de question que je sois la première dame de ce pays.

– C’est vrai que tu n’as plus vraiment la carrure d’Ophélie… sourit Shion. Pas la première dame, alors, peut-être le deuxième homme ? »

Nezumi réfléchit une seconde, puis opina :

« Ça, pourquoi pas… »

La conférence de presse s’acheva là-dessus. Shion et Nezumi se laissèrent photographier un peu, puis se retirèrent.

Encre arriva alors, porteuse d’une feuille pliée en quatre un peu trop grande pour elle. Nezumi la prit et caressa la petite tête noire.

« Squik !

– Un cadeau, vraiment ?

– Squik, squik ! »

Il déplia la feuille et éclata de rire. Voyant le dessin, Shion rit également.

La caricature le montrait, tout sourire et tout rose, devant un Nezumi qui avait ses bras autour de lui et tirait une langue plus que moqueuse à l’assistance. « Tous mes vœux de bonheur. », avait écrit le dessinateur.

*********

Shion coucha Haru qui dormait déjà, tout doucement, et sortit de sa chambre sur la pointe des pieds.

Puis il alla se doucher et alors qu’il s’essuyait, il entendit Nezumi derrière lui :

« Te rhabille pas, mon ange, c’est pas la peine. »

Shion sourit.

« T’aurais pas une idée derrière la tête, toi ? »

Il sursauta soudain alors qu’on lui bandait les yeux.

« Qu’est-ce qui te fait croire ça… » susurra Nezumi à son oreille en passant ses bras autour de lui.

Shion sourit, intrigué.

« Hé, c’est quoi, ça ?

– Ta punition pour les chatouilles de ce matin.

– Ah ?

– Oui. Et c’est pas fini… Viens par là. »

Shion le laissa le coucher sur leur lit.

« Shion, j’ai très envie de m’amuser avec toi. »

Shion était couché sur le dos, tranquille, Nezumi encore habillé agenouillé entre ses cuisses.

« Tu veux bien ?

– Tout ce que tu voudras…

– Je veux que tu me dises de m’arrêter si quoi que ce soit ne va pas…

– D’accord. »

Shion sentit Nezumi saisir ses poignets, les placer au-dessus de sa tête et les lier, le tout avec une infinie douceur.

« Je ne te savais pas ce genre de penchant, remarqua le jeune président.

– J’ai envie de m’amuser… Ça va, tu es bien installé ? Pas trop serré ?

– Ça va…

– N’hésite pas, sinon…

– Oui, oui.

– Bien. Alors, l’exercice pour toi consiste à te détendre et à profiter.

– “L’exercice” ? releva Shion.

– Oui. En fait… »

Shion sentit Nezumi s’allonger sur lui.

« … j’ai un peu réfléchi à ton petit souci et je me suis dit que je me devais de t’aider à prendre goût au sexe… Et donc… »

Shion frémit en sentant le souffle de Nezumi contre sa gorge, puis sa langue le long de sa mâchoire.

« … Là, en fait, oui j’ai très envie de m’amuser avec ton corps, mais au-delà de ça, j’aimerais que toi, tu profites d’être privé de tes yeux es de tes mains pour te concentrer sur ses autres sens, sur ce que tu vas sentir et ressentir.

– Hmm…

– D’accord ?

– Moui !

– Parfait. »

Shion sourit et gémit. Les lèvres de Nezumi se posèrent sur les siennes. Ils s’embrassèrent profondément, alors que Shion sentait Nezumi le serrer dans ses bras. Puis les lèvres descendirent le long de sa gorge, alors que ses mains descendaient le long de son dos. Shion se cambra et gémit encore. La bouche de Nezumi sur son torse, ses mains sur sa peau… Il avait l’impression de ne jamais avoir senti ses caresses avec une telle intensité. La langue s’arrêta sur son téton et joua avec longuement. Shion haletait. Les mains se posèrent sur ses fesses pour les presser, les caresser avec force. Shion était déjà dur et sentait le sexe de Nezumi à travers son pantalon.

Nezumi se redressa. Shion grogna. Il entendit un bruit de tissu et une seconde plus tard, il sentit le corps chaud de son amant, son torse nu contre le sien, ses lèvres contre les siennes. Une main de Nezumi caressa ses fesses et sa cuisse alors que l’autre allait s’occuper de son sexe.

Shion se mit à gémir plus fort. Il sentit Nezumi sourire contre ses lèvres. La main caressait lentement sa verge, sur toute sa longueur, et c’était délicieux.

« Ne retiens pas tes cris, mon ange…

– … Mais… Aaaah… Mais… Haru…

– Il dort. Fais-toi plaisir, fais-moi plaisir, ne te retiens pas. »

Nezumi se redressa encore. Shion se perdait dans son plaisir. Il ne put retenir un cri en sentant la langue de Nezumi effleurer son gland. Il entendit rire doucement. Puis la langue descendit lentement jusqu’à ses bourses. Shion savait déjà que Nezumi était plus que doué… Mais Nezumi n’allait pas se priver de lui montrer une nouvelle fois.

Shion sentit une bouche affamée saisir et sucer ses testicules avec appétit, alors qu’une main caressait son sexe et qu’une autre s’aventurerait entre ses fesses. La langue remonta lentement le long de sa verge, un doigt le pénétra avec douceur. Il se cambra encore, haletant. Il écarta plus les cuisses, ses pieds se crispant sur le drap. La bouche de Nezumi engloutit son sexe et Shion se mit à crier sans plus pouvoir se retenir.

Comment Nezumi faisait ça, comment pouvait-il le prendre entièrement comme ça… ?… Le plaisir lui fit très rapidement perdre raison. Il se mordit les lèvres, tendu comme un arc. Les éclairs commencèrent à traverser son corps, il parvint à articuler :

« Arrête… Je… Je vais… »

Nezumi n’arrêta pas. Deux autres doigts rejoignirent le premier et là, le cerveau de Shion tomba officiellement en panne. Un des doigts effleura sa prostate et il jouit dans un ultime cri.

Il reprenait son souffle, pantelant, lorsqu’il sentit Nezumi se rallonger sur lui, ses lèvres se poser contre les siennes, puis sa langue les caresser. Shion sourit et reçut son baiser sans plus se faire prier, découvrant avec curiosité le goût de sa propre semence dans la bouche de son amant. Il sentit une main contre sa joue.

« Ça va, Shion ? » entendit-il.

Nezumi lui avait parlé très tendrement.

« … Oui,… C’était bien…

– Prêt pour la suite ?

– Quand tu veux ! »

Nezumi l’embrassa encore.

« Nezumi…

– Oui, mon ange ?

– Tu bandes…

– Sans blague… T’es sacrément sexy, là…

– Je peux goûter ? »

Shion sentit la surprise de son amant, puis ce dernier l’embrassa encore :

« À vos ordres, Votre Majesté… »

Shion le sentit se redresser et un peu plus tard, s’agenouiller précautionneusement sur sa poitrine. Il entendit la braguette s’ouvrir, Nezumi se releva un peu alors même qu’une odeur désormais familière arrivait au nez de Shion qui sourit. Il s’en enivra un instant, puis donna un long coup de langue dessus.

« Ne le prends pas en bouche, surtout… » lui dit Nezumi.

Shion n’en avait pas spécialement l’intention. Il lécha par contre avec soin la verge, se régalant tant de son goût que des gémissements de Nezumi, que de la sentir durcir encore contre ses lèvres.

Il poussa un petit râle de frustration en perdant sa sucette, alors même que le poids disparaissait de sa poitrine.

Deux mains réécartèrent ses cuisses, un bassin se rapprocha du sien. Shion gémit en sentant la verge frotter entre ses fesses. La stimulation ne cessa pas alors que le torse de Nezumi se posait sur le sien, que ses lèvres dévoraient encore les siennes, puis sa gorge, et qu’une voix rauque lui murmurait :

« Alors, Votre Majesté ?

– Nezumi…

– Que puis-je ? demanda le jeune homme en léchant très soigneusement sa peau juste sous son oreille.

– Viens… Prends-moi… »

Le sexe le pénétra d’un coup, lui arrachant un cri. Puis il se mit en mouvement sans lui laisser de répit, presque brutal. Shion passa ses jambes autour de la taille de Nezumi en criant son plaisir. Il sentit les mains qui agrippaient ses hanches alors que la verge le frappait plus fort encore. Les cris de Nezumi se mêlaient aux siens. C’était si puissant au fond de lui, juste là où c’était le meilleur…

Shion jouit encore, se cambrant violemment, en sentant Nezumi se répandre en lui en le pressant dans ses bras, son visage enfoui dans son cou.

Ils retombèrent tous deux sur le matelas, à bout de souffle. De longues minutes passèrent avant que Nezumi ne se redresse et se dégage. Shion sentit qu’on détachait ses mains et un instant plus tard, il retrouva la vue.

Il papillonna alors que Nezumi se rallongeait contre son flanc, câlin. Shion le regarda. Alangui, à demi nu, sur le flanc, les yeux mi-clos, il était incroyablement beau.

Shion se tourna et le prit dans ses bras. Ils s’étreignirent.

« Ça a été ? demanda Nezumi.

– Très bien ! Expérience très intéressante.

– Hmmm… »

Nezumi se blottit dans ses bras.

« Tant mieux… J’avais peur que tu le prennes mal… »

Shion sourit en caressant ses cheveux :

« Je t’aime… J’ai confiance en toi.

– Oui, Shion…

– Et puis, tu me revaudras ça. »

Nezumi rigola.

« Quand tu voudras, mon ange. »

*********

L’homme s’écroula dans la ruelle. Il avait perdu beaucoup de sang… Il avait dû abandonner le cadavre du vieil homme plus loin. Les enfoirés…

Échec sur toute la ligne. Il n’avait pas pu le sauver et en prime, il allait y passer aussi… Décidément, il s’était bien ramolli. Même plus fichu de se défendre contre ce gosse… Ses maîtres devaient bien se marrer depuis l’Au-Delà… Et lui ne tarderait plus à aller rire avec eux.

La silhouette fine d’un adolescent se dessina à l’entrée de la ruelle. L’homme se redressa comme il put, s’assit contre le mur et le regarda braquer son arme sur lui sans frémir.

Il se souvint du petit garçon triste qu’on lui avait confié une dizaine d’années plus tôt. Il en avait fait un si redoutable tueur… Quelle ironie que ce soit lui qu’ils aient envoyé pour l’abattre. Il le regarda. Finalement, c’était un juste retour de flamme de mourir de sa main… Il lui sourit :

« Désolé pour tout… »

Le garçon demeura impassible, comme toujours.

« … S’il te plaît, fais gaffe… Ce qu’ils préparent, ça sera bien pire… J’en ai rien à foutre de cette ville, mais fais attention à toi, et t’en fais pas, je te garde une place là-haut. »

Le garçon appuya sur la gâchette sans ciller. Il regarda un instant le cadavre, puis murmura :

« Repose en paix, Onîsan… Loin de toute cette merde… »

Aucune émotion n’avait transparu, ni dans sa voix, ni sur son visage. Il fit les poches du mort, prenant tout ce qui pouvait aider à l’identifier. Les sirènes de police le forcèrent à fuir avant qu’il ait fini. Alors qu’il reprenait le chemin de la base, son téléphone sonna.

« Tout va bien ?

– Mission accomplie, Monsieur. Je rentrai.

-Parfait ! Dépêche-toi, nous devons organiser rapidement l’attentat contre le président. »

Le garçon rapprocha avec un soupir. L’image de Shion Seijunna et de son compagnon brillait dans la nuit, sur un écran géant, muet à cette heure.

L’adolescent aux yeux tristes ne savait pas trop pourquoi ils voulaient le tuer… Mais ça n’était pas son problème. Une arme telle que lui n’avait pas à penser. Ni à écouter ce drôle d’instinct qui lui disait, depuis qu’il avait vu Shion pour la toute première fois, qu’il ne devait pas lui faire de mal…

À suivre dans le chapitre 08

 

(13 commentaires)

  1. J’adore ce chapitre, il tient ses promesses avec toutes ses notes d’humour qui illustre bien le caractère du personnage.

    Merci et cette fin est très prenante !

  2. Toujours aussi bien écrit et toujours ces petites traces d’humour qui me fait bien marrer !
    La dernière scène promet pour la suite… Très bonne continuation à toi !

  3. Ah et dire qu’ à quelques minutes près je le lisais le soir de sa sortie !!! en même temps ça aurait fait beaucoup d’un coup et rien ce week end 😉 encore un bon chapitre, moi aussi j’ai adoré l’interview, très drôle et réaliste qui aborde les questions délicates et dont les réponses sont bien foutues ! Et puis avec le jeu entre eux, on les imagine très bien se chamailler gentiment ^^
    bref félicitations ! maintenant je vais devoir attendre … je ptet aller voir tes autres récits pour patienter !

    1. @Maru : Ils sont là pour ça, fais-toi plaisir ^^ ! Merci en tout cas ! J’avoue être contente de ce chapitre, l’interview j’ai repris plusieurs choses dont certaines sur le conseil de ma bêtalectrice chéwie ^^ mais le résultats me va bien ^^ ! A tout bientôt !

  4. Superbe interview, j’ai bien rigolé ^^ Et le lemon… Un pur régal =3 On en redemande ! C’est superbe, comme d’habitude =)

    La fin me laisse curieuse, je me demande bien qui est ce tueur… Que de suspens !

    1. @Alissa : Merci, franchement je me suis marrée à l’écrire aussi. Et le lemon, exercice intéressant que de décrire la scène du seul point de vue de Shion aveugle… J’ai pas tant galéré que je pensais. La suite en cours d’écriture comme d’hab… Et le tueur eh eh eh… A mon avis qui c’est, personne va s’y attendre ^^ !

    1. @Amakay : Merci ^^ ! Très bonnes les tisanes… *Tousse tousse* ! Super WE et bien contente que ça te plaise toujours ! 1A la semaine prochaine donc ^^ !

  5. Pourquoi tant de haine ! Je voulais juste croquer mon quatre heure moi et on m’arrose !
    Comme toujours très bon chapitre ! Vivement la suite ! Mamamaou !

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