No°6 – Après 08 : Shinobi

Disclaimer : Les personnages et l’univers de No°6 appartiennent exclusivement à Atsuko Asano.

Le Concours reprend ! Une seule chanson qui ne devrait pas poser de problème si vous connaissez vos classiques !

Rappel des règles : Le but du jeu pour vous sera de retrouver ces chansons, poèmes, tout ça, et de me donner les titres et interprètes, UNIQUEMENT PAR MAIL (ninoucyrico@gmail.com). Ceci pour permettre à tout le monde de jouer, aux trois endroits où je poste cette fic. Toute réponse publique, non seulement ne donnera pas de point à son auteur, mais en plus annulera le round pour tous les suivants de partout. Sinon je noterai bien les réponses de tout le monde à part et à la fin de la fic, vous aurez les réponses et les résultats. Les gens qui ont déjà mon roman ont le droit de jouer, par contre je ne leur réoffrirai pas. Ça fera 1 point pour le titre, 2 pour le titre et l’interprète ou auteur, et à la fin la personne qui aura le plus de points recevra mon roman.

No°6 – Après

Chapitre 08 : Shinobi

Le matin suivant la conférence de presse, beaucoup de mails et de messages attendaient Shion. Il les épluchait l’un après l’autre avec attention, pendant que les souris gambadaient autour de lui. La plupart étaient bien sûr des messages de routine de ses collaborateurs, mais certains se concluaient par de petits mots personnels : « Votre ami l’air bien sympathique. », « Tout mon soutien. », etc. un message de son ami Ahmed, l’héritier du Califat de Téhéran, lui arriva. Curieux, Shion l’ouvrit sans attendre :

« On peut dire que tu m’as bien eu, petit cachottier ! Je comprends mieux pourquoi tu ne voulais pas épouser ma sœur… »

La jeune sœur d’Ahmed, Fatima, s’était toujours montrée très amicale envers Shion. Mais rien de plus, car leur union aurait de toute façon été impossible. Jamais son père n’aurait permis qu’elle épouse un non-musulman étranger sorti de nulle part… Mais c’était devenu un sujet de plaisanterie entre Shion, Ahmed et Fatima, cette dernière disant régulièrement à Shion que la personne qu’il aimerait serait très chanceuse et Ahmed les taquinant sans cesse.

« … Blague à part, tu te doutes bien que Père n’est pas ravi et j’ai croisé plusieurs ambassadeurs de N°2 ici ces dernières heures. Sullivan doit essayer de foutre la merde et il y a des chances que ça ressorte aux Annuelles. Je ne sais pas si tu comptais venir seul ou pas ? Personnellement, ça ne m’étonne finalement pas de toi et d’après la conférence que j’ai vue, je trouve que bien que ce soit un homme, il est incroyablement fait pour toi. Bref, ça ne change rien pour moi, ne crains rien, et Fatima vous a trouvés (je cite) : “absolument magnifiques”. Je te dis à bientôt, sois vigilant. »

Shion répondit immédiatement, un doux sourire aux lèvres :

« Salut Ahmed, et merci !

Oui, je me doute que Sullivan et sa clique ont quelques cordes de plus à leurs arcs avec cette histoire, mais il nous a semblé bien plus prudent de tout dire plutôt que de risquer que ça tourne en véritable scandale.

Pour les Annuelles, je viendrais seul, comme prévu, même si à tout hasard je reçois une invitation pour Aki de la part de N°5. Aki commence à peine à se poser, je ne veux pas lui imposer une rencontre internationale si tôt. Si les Annuelles se font ici l’an prochain, ça sera déjà pas mal !

Aki et moi assumons totalement notre relation, tu l’auras compris. Par contre, je n’aurais aucun scrupule à démissionner si on tentait de m’imposer d’y mettre fin.

Bon, on se retient au courant pour la suite ?

À bientôt et mes amitiés à Fatima ! »

Shion envoya le message. Il était content du soutien de son ami. Non pas qu’il ait craint quoi que ce soit (en fait, il n’y avait même pas pensé, juste désireux de dire la vérité), mais dans la partie d’échecs qu’était la politique internationale, perdre celui qui était son premier et encore un des seuls vrais soutiens aurait été très problématique.

À la réflexion, il n’avait finalement pas pris de si grands risques.

N°1 avait sur ces questions une politique de tolérance tacite et un peu hypocrite, mais il y avait longtemps que les lois qui condamnaient l’homosexualité étaient lettre morte, si pas abolies.

À N°2, bien sûr, c’était « un crime contre Dieu » qui conduisait au camp de rééducation voire à la chaise électrique si récidive. Mais Sullivan n’avait pas besoin de ça pour attaquer Utopia de toute façon. Ça lui donnait certes un argument de plus, mais pas le plus recevable internationalement.

Car même N°3, état musulman encore très traditionaliste, avait dû, suite aux pressions des autres villes (à part N°2 et N°6 à l’époque) abolir la peine de mort pour les homosexuels, suite au scandale qu’avait causé la condamnation de deux jeunes filles de 16 et 17 ans par un vieux juge extrémiste.

Un an de pression et de tractation avait abouti à la commutation de leur peine en exil et elles avaient pu partir à N°5, où les homosexuels jouissaient des mêmes droits que les hétérosexuels depuis des lustres. N°3 tolérait depuis les homosexuels dans la mesure où ceux-ci ne troublaient pas l’ordre social et restaient discrets. Certains hauts responsables religieux avaient en effet officiellement déclaré que l’Islam exigeait avant tout de ne rejeter aucun croyant. La pression sociale restait dans les faits très forte.

N°4, pour sa part, avait une politique mixte : l’homosexualité n’y était pas condamnée en tant que telle, mais là aussi, les pressions sociales restaient très fortes. La communauté gay et lesbienne commençait à s’organiser pour revendiquer sa place. Mal vue par le pouvoir, méfiant, et par une Église Orthodoxe très influente et fermée sur ces questions, elle avait compris qu’il fallait y aller doucement, par étape, sans faire de vague, les excités voulant changer trop vite le monde ayant eu de sérieux problèmes.

À N°5, la question ne se posait donc plus.

Si Shion avait aboli la peine de mort sans attendre avec toutes les lois discriminantes de N°6 (de celles sur Bloc Ouest à celles qui condamnaient les homosexuels, en passant par celles qui ordonnaient une surveillance draconienne des résidents étrangers, ou encore réprimaient les femmes de plus de 25 ans qui voulaient travailler, même si elles étaient seules), il n’avait pas accordé aux homosexuels le droit de se marier ou d’adopter. Il savait la population partagée sur ces questions et jugeait surtout qu’elles n’étaient pas aussi urgentes que d’autres problèmes. Le temps faisait son œuvre là dessus et les choses évoluaient d’elles-même à assez court terme, il le savait. À un moment où les diverses communautés de la ville commençaient péniblement à cohabiter sans trop de heurts, ajouter un nouveau clivage lui semblait la dernière chose à faire.

Bref, Sullivan avait trouvé un argument de plus pour sa propagande à N°2, mais pas pour les autres pays qui ne pouvaient pas ou plus attaquer officiellement Shion pour ça. Restaient les réactions individuelles des différents dirigeants qui pouvaient, elles, en modifiant leur comportement envers lui à titre personnel, changer beaucoup de choses. Il en jugerait aux Annuelles. Et il était déjà décidé à partir s’il s’avérait que ça posait de réels problèmes.

Son portable siffla brièvement. Il le prit et sourit : un message de Nezumi. L’ouvrant, il découvrit avec amusement un dessin de petit rat qui gambadait joyeusement non loin d’une petite fleur. Shion ajouta un point d’interrogation au-dessus de cette dernière et lui renvoya.

Le téléphone fixe de son bureau sonna. Il décrocha :

« Oui ?

– Shion, Sergei Gagarine au téléphone, lui dit Kaoru.

– OK, passe-le-moi. »

Il entendit un petit clic et une seconde plus tard, une voix grave et fatiguée le salua :

« Bonjour, Shion.

– Bonjour, Sergei. Que faites-vous debout à cette heure ? »

Sergei Gagarine n’avait aucun rôle officiel à Saint-Pétersbourg. Pour le grand public, c’était une silhouette sur les photos des journaux, non loin du président Youri Popenki. Dans les faits, c’était son éminence grise et sans doute le véritable maître du pays, en lutte incessante avec la première ministre, Nadia Sychla.

« Une affaire qui m’a pris une bonne partie de la journée et de la nuit et ne m’a laissé voir votre conférence de presse qu’à l’instant…

– Je vois.

– Voilà une nouvelle intéressante.

– N’est-ce pas ! sourit Shion.

– Alors comme ça, vous n’êtes pas asexué. La vie est pleine de surprises… »

Shion rigola.

« Ce garçon m’a en tout cas l’air d’être taillé à votre hauteur.

– Tout à fait.

– C’est intéressant… Une nouvelle pièce sur l’échiquier, à quelques semaines des Annuelles. Le coup de vos ennemis était bien pensé et votre réponse aussi.

– Merci.

– Vous êtes décidément un homme surprenant…

– Dans votre bouche, je le prends comme un compliment. »

Le portable de Shion re-siffla. Cette fois, sur le dessin, le rat câlinait la fleur avec trois petits cœurs au-dessus de la tête.

« Surprenant… Vous avez apporté un véritable renouveau sur l’échiquier et je vous en remercie. La partie devenait plus qu’ennuyeuse. »

Shion sourit encore. Sergei n’était pas un allié. C’était un homme qui avait des décennies d’expérience dans les sphères du pouvoir. Il avait une vision très claire de ce qu’il voulait et toute personne se dressant contre lui s’engageait dans un duel dont peu étaient sortis vainqueurs. Pour lui, la politique était un jeu et Shion un nouveau joueur. Ni d’ennemis ni d’alliés, tout variait en fonction des batailles.

Il n’avait d’abord prêté aucune attention à celui qu’il considérait comme un gosse, attendant que le véritable nouveau pouvoir de l’ex-N°6 s’installe. Mais Shion avait tenu bon… Et Sergei l’avait donc admis sans ciller sur l’échiquier. Car il y avait une chose qu’on devait reconnaître au Russe, c’est qu’il était bon joueur. Shion s’était maintenu au pouvoir dans une ville en plein chaos et malgré l’opposition de bien des gens, tant à Utopia qu’à l’extérieur, et le vieux renard était en fin de compte ravi d’avoir trouvé un joueur de cette envergure sur un échiquier sclérosé depuis bien trop longtemps à son goût (Sullivan au pouvoir depuis une trentaine d’années, le Cheikh depuis quinze et N°6 pareillement).

Pour Shion cependant, ces parties d’échecs n’avaient rien d’un passe-temps ludique.

« Vous devriez aller dormir, Sergei. Vous dites des bêtises. »

Sergei rigola.

« Vous êtes encore jeune, Shion… Mais vous prendrez goût à ce jeu, vous verrez.

– Ça, ça m’étonnerait, répondit le garçon.

– Personne ne peut résister longtemps au goût du pouvoir…

– Dans ce cas, je vais m’employer à rester l’exception qui confirme la règle… »

Un nouveau message arriva sur le portable de Shion qui eut un petit rire silencieux en le voyant : cette fois-ci, le rat regardait la fleur avec une petite larme à l’œil.

« Il n’y a pas d’exception, Shion.

– C’est ce que nous verrons, Sergei. En attendant, vous feriez mieux d’aller vous reposer, d’autant que je dois vous laisser. »

Sergei rit encore :

« À la bonne heure ! À très bientôt, Shion.

– Prenez soin de vous, Sergei. »

Shion soupira en raccrochant, puis modifia le dessin pour que la fleur tende ses feuilles vers le rat et il écrivit au-dessus d’elle : « Mais si je t’aime ! » avec trois petits cœurs.

Il se dit qu’il allait se faire un thé et se mettait de l’eau à chauffer lorsque son portable siffla à nouveau. Cette fois-ci, le rat tout sourire se blottissait dans les bras, pardon, les feuilles de la fleur, plein de petits cœurs au-dessus de la tête.

Shion sourit et lui envoya un message :

« Tu t’ennuies, mon chéri ? »

La réponse lui parvint rapidement :

« Ouais, pas un chat au pub ce matin, c’est horrible… Et toi ? »

Shion répondit :

« La routine… Tu me garderais ma table pour midi ? »

Le téléphone mit quelques minutes à siffler :

« Owi ! *_* Pas de souci mon ange ! » disait le petit rat en dansant, tout sourire.

Shion rit doucement.

« Alors à tout à l’heure, mon joli rat. Je t’aime. »

Un dernier dessin du petit rat agitant sa patte en signe d’au revoir.

*********

Nezumi balayait en chantant, de très bonne humeur.

« Du plus loin que me revienne
L’ombre de mes amours lointaines
Du plus loin du premier rendez-vous
Du temps de mes premières peines
Las j’avais quinze ans à peine
Coeur tout blanc et griffes aux genoux
Que ce fût, j’étais précoce
De tendres amours de gosse
Ou les morsures d’un amour fou
Du plus loin qu’il m’en souvienne
Si depuis j’ai dit “je t’aime”
Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous
 »

Le pub était tranquille en ce milieu de mâtinée, il n’y avait que quelques clients et ces derniers le regardaient finalement avec plus de curiosité qu’autre chose.

« C’est vrai je ne fus pas sage
Et j’ai tourné bien des pages
Sans les lire, blanches et puis rien dessus
C’est vrai je ne fus pas sage
Et mes guerriers de passage
À peine vus, déjà disparus
Mais à travers leurs visages
C’était déjà votre image
C’était vous déjà et le cœur nu
Je refaisais mes bagages
Et poursuivais mon mirage
Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous
 »

Epona le regardait aussi en essayant de nettoyer le comptoir comme elle pouvait entre les trois souris qui m’amusaient comme souvent à courir et glisser dessus.

« Sur la longue route qui menait vers vous
Sur la longue route j’allais le cœur fou
Le vent de décembre me gelait au cou
Qu’importait décembre, si c’était pour vous »

À son arrivée au matin, les patrons de Nezumi l’avaient accueilli avec amusement, pour deux raisons : il était très en avance (il était venu directement après avoir laissé Haru à la crèche) et surtout, sa prestation télévisuelle surprise les avait beaucoup fait rire.

« Du grand toi ! » avait dit Jeff.

Nezumi s’était fendu d’une petite courbette.

« Elle fut longue la route
Mais je l’ai faite la route
Celle-là qui menait jusqu’à vous
Et je ne suis pas parjure
Si ce soir je vous jure
Que pour vous je l’eus faite à genoux
Il en eu fallu bien d’autres
Que quelques mauvais apôtres
Que l’hiver et la neige à mon cou
Pour que je perde patience
Et j’ai calmé ma violence
Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous 
»

Les clients l’avaient reconnu, surpris, mais aimables pour la plupart.

« Mais tant d’hivers et d’automnes
De nuits, de jours et personnes
Vous n’étiez jamais au rendez-vous
Et de vous perdant courage
Soudain me prenait la rage
Mon Dieu que j’avais besoin de vous
Que le Diable vous emporte
D’autres m’ont ouvert leur porte
Heureuse, je m’en allais loin de vous
Oui, je vous fus infidèle
Mais vous revenais quand même
Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous
 »

C’était un magnifique mardi matin, il faisait un soleil radieux, et Shion venait manger à midi.

« J’ai pleuré mes larmes
Mais qu’il me fut doux
Oh ! Qu’il me fut doux
Ce premier sourire de vous
Et pour une larme qui venait de vous
J’ai pleuré d’amour, vous souvenez-vous ?
 »

Nezumi chantait en zigzaguant agilement entre les tables avec son balai.

« Ce fut un soir en septembre
Vous étiez venus m’attendre
Ici même vous en souvenez-vous ?
À nous regarder sourire
À nous aimer sans rien dire
C’est là que j’ai compris tout à coup
J’avais fini mon voyage
Et j’ai posé mes bagages
Vous étiez venus au rendez-vous
Qu’importe ce qu’on peut en dire
Je tenais à vous le dire
 »

Nezumi alla chercher la pelle et la balayette.

« Ce soir je vous remercie de vous
Qu’importe ce qu’on peut en dire
Tant que je pourrai vous dire
Ma plus belle histoire d’amour
C’est vous
 »

Il passa derrière le comptoir en chantonnant encore pour aller jeter son petit tas de poussière. Quelques personnes applaudirent.

« Eh ben, t’as la pêche ! » lui dit Epona.

Nezumi s’étira, tout sourire :

« Moui ! Comme dirait ma petite fleur.

– Euh, à propos… T’étais obligé de mettre la pancarte “Réservée” sur sa table tout de suite après son message ?…

– On est jamais trop prudent !

– Non, mais,… Il est à peine 10h… »

Trois clients entrèrent.

« On sait jamais ! »

Ils s’installèrent à une table.

« Allez, va bosser un peu ! » ordonna avec amusement Epona.

Nezumi prit le carnet de commandes en faisant semblant de râler :

« Ah non, si je dois bosser c’est pas drôle, je vais plus venir travailler moi… »

Encre sur son épaule, alors qu’il continuait en rejoignant la table :

« … C’est quoi ce travail où il faut bosser sérieux… Bonjour, mesdames et monsieur !

– Bon… jour ?! »

Visiblement, le trio avait buggé. Encre pencha la tête, intriguée, et Nezumi sourit, aimable :

« Oui, c’est moi. Bonjour, enchanté, qu’est-ce que je vous sers ?

– Squik ? »

Nezumi jeta un regard en biais à sa souris :

« Encre, tu me fatigues. Bref, mesdames-monsieur ?… Vous voulez la carte, peut-être ?… »

Une des demoiselles se reprit enfin :

« Euh… Un thé et euh… Vous avez quoi à euh… manger ?

– Cookie, brownie,… Euh… Epona, chère et révérée patronne ? appela-t-il en tournant la tête. Tu sais si Keisuke a refait de la tarte ?

– Fraise et pomme.

– Merci. Donc : cookie, brownie et tarte fraise et pomme.

– Squik !

– Ce n’est pas à toi que je parlais, Encre.

– Squik !!

– Après eux, s’il en reste et si tu es sage. »

La tablée commanda enfin et un peu plus tard, Nezumi les servit en chantonnant. Epona l’interpella :

« Aki, tu as faim ?

– Un peu.

– Tu veux de la tarte ?

– Fraise.

– Je te la laisse sur le comptoir.

– Merci. »

Il vint s’asseoir au comptoir, devant la petite assiette à côté de laquelle trois souris attendaient, assises sur leur arrière-train.

« J’en connais qui perdent pas le nord. »

Les petits rongeurs le regardèrent avec de grands yeux innocents et couinèrent de concert. Nezumi eut un sourire :

« Ouais ouais… Vous me prendriez pas pour un lapin de deux semaines, vous trois ?

– Squik ?

– Ton auréole est de travers, Encre.

Il posa une grosse fraise devant elles et caressa la petite tête noire du bout des doigts :

« Ça doit être tes petites cornes qui la gênent… »

Nezumi se mit à manger. Il ne fit pas trop attention à la porte d’entrée qui s’ouvrait, mais sursauta par contre en entendant :

« YVES ! »

Il se tourna pour aviser un petit homme barbu tout essoufflé et fronça un sourcil en le reconnaissant : le directeur du nouveau théâtre ?

« Monsieur Shibai ?

– Je suis absolument navré de vous importuner… »

Nezumi sourit, plutôt amusé de l’air beaucoup trop nerveux du petit bonhomme.

« Il n’y a pas de souci, dit-il en se levant pour venir lui serrer la main. Asseyez-vous et reprenez votre souffle…

– Merci…

– Je vous sers quelque chose ? continua le jeune homme en passant derrière lui pour le pousser diplomatiquement vers un des tabourets du comptoir. Un thé ? Je vous proposerais bien un whisky, mais c’est encore un peu tôt…

– Oh, un thé, oui, volontiers… »

Nezumi passa de l’autre côté du comptoir.

« … Vraiment navré…

– Pas de souci ! répéta Nezumi en le servant. Voilà… Thé anglais, hein, vous aimez, j’espère ?

– Euh, oui…

– Et une pâtisserie, avec ?

– … Je ne veux pas déranger… »

Epona s’approcha :

« Oh, rassurez-vous, je crois que RIEN ne peut atteindre notre Aki aujourd’hui…

– Tout à fait ! confirma Nezumi. Que puis-je pour vous ? Et comment m’avez-vous trouvé, d’ailleurs ?

– Je me suis permis d’appeler notre président… Je m’excuse, vraiment…

– Arrêtez de vous excuser et dites-moi ce que vous voulez ?

– J’ai un immense service à vous demander… »

Nezumi croisa les bras sur le comptoir. Il jeta un œil à droite et sourit. Les souris avaient gentiment fini sa part de tarte… Sûrement par peur du gaspillage, faut pas gâcher…

« Vous m’intriguez ? le relança Nezumi en reprenant l’assiette pour se servir un brownie. Vous en voulez un ?

– Non, merci…

– Alors, que puis-je pour vous ?

– Je suis vraiment navré…

– Oui, oui, on sait. Et donc ?

– Comme vous le savez, nous montons Hamlet pour les trois ans de la ville…

– Hm, hm ?… » opina Nezumi en attaquant son brownie.

Il tenait à l’œil les souris qui approchaient.

« … Or, un de nos acteurs nous a abandonnés… Il attendait une proposition de l’étranger qu’il ne pouvait pas refuser… C’est un rôle minuscule et j’ai honte de déranger un homme de votre talent pour si peu… »

Nezumi regardait Shibai en se retenant de rire.

« … Par pitié venez-en au fait… pouffa-t-il. Vous voulez que je vous dépanne pour un petit rôle, c’est ça ?

– Vraiment j’en suis navré… »

Nezumi balaya ça d’un revers de main.

« De quel rôle s’agit-il ?

– Fortinbras.

– Hmm… réfléchit Nezumi. Quatre répliques à la toute fin de la pièce, je crois.

– C’est ça… répondit Shibai, surpris de la précision du jeune homme.

– Rien d’insurmontable en somme… Reste à savoir si c’est compatible avec mon travail ici ? demanda-t-il en jetant un œil en coin à Epona.

– Vu le peu de texte, nous pouvons nous arranger… dit Shibai.

– Combien de représentations sont prévues ?

– Une le soir du lancement des festivités et deux autres une semaine plus tard.

– Je pense que c’est gérable… »

Nezumi se mit d’accord pour passer au théâtre après son travail, dès qu’il aurait récupéré Haru. Shibai se répandit encore une bonne dizaine de minutes en remerciements.

« Intéressant personnage. » nota Epona, accoudée au comptoir.

Nezumi, qui venait de raccompagner le petit homme à la porte, hocha la tête.

La matinée s’acheva tranquillement. Nezumi faisait mine de ne plus remarquer les regards curieux… Shion arriva vers midi et demi, de charmante humeur lui aussi. Et Nezumi mit fin à toute ambiguïté en lui criant de la table qu’il servait, au fond :

« Assis-toi, mon ange, j’arrive ! »

Ce qui fit éclater de rire Epona, Jeff et Manon.

Shion se contenta de sourire et s’installa tranquillement. Il consultait son téléphone en sifflotant quand Nezumi le rejoignit :

« Qu’est-ce qu’on te sert, ma petite fleur ?

– Comme d’hab’, mon joli rat.

– Burger avec supplément bacon et poivrons, petite frite et Guiness en pinte ?

– Tu deviens bon.

– Sauce moutarde ?

– Exactement.

– Ça marche… »

Nezumi s’éloigna pour passer la commande et en servait une autre lorsqu’une silhouette, près de la table de Shion, attira son attention.

Un quadragénaire grand et jovial, à côté duquel Shion n’avait pas l’air du tout gêné.

Nezumi s’approcha juste à temps pour entendre l’inconnu dire :

« … Je ne me serais vraiment pas attendu à vous trouver ici.

– Ni moi, Professeur !… Ceci dit, le hasard fait bien les choses, puisque ça fait une semaine que j’oublie de vous appeler… Oh, Nezumi ! Je te présente le professeur Sagasu, un des responsables de la centrale géothermique. Professeur, mon compagnon, Aki Kazemori. Il est serveur ici.

– Enchanté, jeune homme ! s’exclama joyeusement le scientifique en tendant la main à Nezumi.

– De même… répondit ce dernier en la lui serrant, amusé par ce drôle de bonhomme. Vous voulez manger ?

– Tout à fait ! En fait, à la base, c’est même pour ça que je suis là.

– Voulez-vous manger avec moi, Professeur ? proposa Shion. Il fallait vraiment que je vous parle, et je vais me faire gronder…

– Oh, mais avec plaisir. »

Nezumi prit la commande du scientifique et continua son boulot. Il les servit un peu plus tard, interrompant visiblement une conversation très technique.

« … Non, mais dans ce cas, trois et pas quatre mais on augmente l’ampérage de moitié ?… »

Entre eux deux se trouvait une feuille couverte de formules mathématiques que Nezumi ne tenta même pas de lire. Il posa les assiettes et les verres sur la table et s’éloigna après un « Bon appétit ! » amusé. S’il y avait bien un domaine de la vie de Shion auquel il resterait toujours hermétique, et il le savait, c’est bien tout ce qui était scientifique.

Sagasu repartit assez vite après avoir fini de manger. Shion, pour sa part, prit le temps de boire un café et Nezumi se posa en boire un avec lui. Il en profita pour lui raconter la visite de Shibai.

« … Il fume quoi, ce gars ? conclut-il.

– Rien, je crois que son état normal, d’être survolté comme ça, répondit Shion. En tout cas, je ne l’ai jamais vu autrement. Alors, te voilà parti pour remonter sur les planches ?

– Oh, quatre répliques à la fin, c’est bien pour les dépanner…

– Ça te fait plaisir, quand même ?

– Je te dirai ça ce soir quand j’aurai rencontré l’équipe. »

*********

Profitant de la douceur du soir, Shion s’était posé avec un livre sur le banc rouillé qu’il avait recouvert d’une couverture, devant la maison. Un petit moment à lui seul… Il souriait doucement.

Nezumi et Haru ne tarderaient sûrement plus. L’audition de Nezumi avait apparemment pris un peu plus de temps que prévu.

Mais Shion savait apprécier un peu de solitude et ne regrettait en rien d’avoir fini tôt… Lire au calme de son jardin était un plaisir rare pour lui.

Omae, qui était couchée à ses pieds, et les souris, installées autour de lui, se dressèrent de concert en entendant un long miaulement langoureux. Shion sourit lui sans lever le nez de son livre. La minette des voisins était en chaleur. Normal en cette saison…

Nezumi et Haru arrivèrent un peu plus tard. Le petit garçon était fatigué, mais très content d’avoir vu le théâtre et encore plus les essais de son second père.

« S’ion ! Zumi il est trop fort, ils avaient tous les yeux tout ronds ! » s’exclama-t-il dès que Shion le prit dans ses bras pour l’accueillir.

Shion sourit doucement. Nezumi lui fit un petit bisou :

« Bonsoir, mon ange.

– Bonsoir, mon chéri. Alors, ils veulent bien de toi ?

– Oui, oui… Bon, il a fallu que je commence à leur réciter la pièce pour que le metteur en scène admette que je connaissais déjà le texte, mais après, ça a plutôt bien été… »

Ils rentrèrent à l’intérieur.

« J’y passerai après le boulot, quand je finirai assez tôt.

– Les autres acteurs sont sympas ?

– Plus ou moins… Horatio est plutôt cool, Ophélie rigolote, par contre, celui qui fait Hamlet n’est pas mauvais, mais sacrément coincé… Mais bon, la pièce devrait être pas mal.

– C’est l’essentiel. »

*********

Shion relisait paisiblement un rapport pour la préparation de la rencontre mondiale lorsque la porte de son bureau s’ouvrit violemment, le faisant sursauter, lui et aussi les quatre souris qui dormaient sur son bureau. Il regarda, incrédule, Yui pousser sans ménagement Keitatsu dans la pièce avant d’entrer derrière lui et de claquer la porte.

« Vous avez 10 secondes pour lui dire, dit le borgne, glacial.

– Mais c’est n’importe quoi, Himitsu !

– Neuf.

– Cette enquête est en cours…

– Huit.

– Le secret de l’instruction…

– Sept.

– Je n’ai pas le droit de…

– Six.

– Himitsu !

– Vous voulez mon poing dans la gueule en rab ? Cinq. »

Shion avait appuyé son menton sur sa main et les regardait avec de grands yeux, intrigué.

« Qu’est-ce qui se passe ?

– Quatre.

– Ça va, ça va ! grogna Keitatsu. Mais c’est vraiment méprisable…

– Euh, vous pourriez en venir au fait ? demanda Shion en se levant paisiblement. Vous voulez du thé ? Asseyez-vous. »

Keitatsu s’assit en grommelant, un dossier à la main, alors que Yui allait ouvrir la fenêtre pour fumer.

Le responsable de la police expliqua, alors que Shion préparait donc du thé, qu’une enquête était en cours suite à la découverte de deux cadavres, deux jours plus tôt, l’un d’un vieil homme estropié et l’autre d’un plus jeune, le premier mort d’épuisement suite à des injections trop fortes de drogue, le deuxième par balle, à deux rues l’un de l’autre. Les traces de sang du deuxième homme se trouvaient sur le premier.

« Aucun moyen de les identifier, donc, euh… Les enquêteurs ont demandé l’autorisation de lancer une identification ADN. »

L’ensemble de la population d’Utopia était fichée génétiquement. Seuls les médecins et la justice, et à des conditions très strictes, étaient autorisés à avoir accès à ces données.

« Aucun résultat concernant la mort par balle… Mais l’autre, euh…

– Oui ? »

Keitatsu tendit une photo à Shion, et lui et Yui le virent sursauter.

« … Euh… Les tests sont formels. C’était votre père. »

Shion regardait la photo, silencieux. Yui et Keitatsu se demandèrent pourquoi il prenait son téléphone, l’air triste, mais surtout inquiet.

« Nezumi ?… Pardon. C’est très urgent. L’Ancien est mort… Oui, ton parrain. Je suis vraiment désolé. J’envoie quelqu’un te chercher tout de suite. »

Il y eut un silence. Yui se demanda ce que tout ça signifiait, puis Shion dit encore :

« Je ne sais pas… J’envoie quelqu’un te chercher et on verra tout ça. Oui… Oui, mon chéri, ne t’en fais pas. À tout de suite. »

Il raccrocha et regarda Yui :

« Il est au pub.

– D’accord, je m’en occupe. Euh… Nezumi connaissait cet homme ?

– Oui. Où est le corps ?

– À l’institut médico-légal.

– OK, soupira Shion en se levant. Allons-y.

– Mais euh… tenta Keitatsu. Vous n’avez pas de travail ?

– Rien qui ne puisse attendre quelques heures. »

********

« … Voilà, vous savez tout, Monsieur le Président, dit le médecin légiste.

– Pas grand-chose, donc, soupira Shion en regardant une énième fois sa montre.

– Il arrive, Shion, il arrive. » lui dit Yui.

Dans le funérarium de l’institut médico-légal, Shion soupira. Devant lui, le corps sans vie de l’homme qu’il avait très brièvement croisé dans cette grotte étrange… Son père.

Le médecin légiste n’avait pas fait d’histoire, leur avait montré le corps et expliqué ce qu’il savait sans problème. Nezumi tardait, un problème de voiture, apparemment.

À côté de Shion, Keitatsu restait silencieux. Yui également. Shion était dubitatif et inquiet. Un peu troublé, aussi. Il se disait que c’était logique. Cet homme avait connu sa mère avant sa naissance et avait comme lui survécu à l’abeille parasite… Oui, c’était logique.

« On peut savoir ce que vous foutez là ? ! »

Shion fut le seul à ne pas sursauter. Il eut un sourire avant de se tourner vers l’homme qui venait d’entrer, une montagne de muscles du gabarit d’Adrian, vêtu d’un costume gris sous un long manteau de cuir fin.

« Commandant Keiji. »

Un des plus éminents policiers d’Utopia. Un enquêteur hors pair. Et un opposant officiel du nouveau pouvoir.

« C’est vous qui êtes en charge cette enquête, dit doucement le jeune président.

– Oui, effectivement ! répondit avec humeur le policier.

– Ce n’était pas une question. »

Shion le regarda approcher.

« Qu’est-ce que vous foutez là ? répéta Keiji.

– J’ai été averti par votre supérieur ici présent qu’on avait retrouvé le cadavre d’un homme qui se trouvait être mon père. »

Les yeux sombres du grand flic se posèrent sur Keitatsu :

« Comment ça ? Cette info était confidentielle !

– Un de vos hommes a pourtant jugé bon de la lui lâcher, intervint Yui avec un sourire.

– Ouais, ben si je le trouve, il est viré ! Et vous, vous l’avez su comment ?

– Secret défense, désolé. Mais sachez que dès que le nom de Shion est prononcé, où que ce soit dans cette ville, je le sais. C’est mon boulot. »

Le grand policier regardait sévèrement Yui qui soutenait sans peine son regard. Shion soupira en regardant une nouvelle fois sa montre :

« Qui est au courant ?

– Moi, le juge, deux de mes hommes, je ne sais pas qui au labo d’analyses… Et vous, donc, grogna Keiji.

– Vous comptiez me le dire ?

– C’est quand j’ai appelé pour demander à vous convoquer comme témoin qu’on m’a dit que vous étiez ici.

– Me convoquer ? releva Shion, intrigué.

-Cet homme était votre père… Je cherche son identité depuis trois jours, j’imagine que vous pouvez m’aider ? »

Shion sourit, l’air curieusement triste.

« Eh bien, pas vraiment, en fait… »

Un bruit de course les fit tout se tourner vers la porte, pour y voir arriver Nezumi, à bout de souffle. Il fut en trois pas devant la table, fixant le cadavre sans rien voir d’autre. À part Shion qui ne le quitta pas des yeux, grave, tous les autres se regardèrent.

Nezumi soupira, immensément triste.

« … Merde… »

Shion passa son bras autour des épaules de son amant :

« Ça va aller, mon joli rat ? »

Nezumi haussa les épaules.

« Le médecin légiste a dit qu’il n’avait pas souffert, soit tranquille.

– Qu’est-ce qui s’est passé ?… »

Yui regardait Nezumi, franchement surpris. Jamais il ne lui avait entendu une voix aussi tremblante. Il avait connu le mort, c’était clair, tout comme il était clair que c’était quelqu’un d’important pour lui.

Sceptique, Keiji intervint alors :

« Euh, attendez, je comprends plus, là. Votre… Ami… Il connaissait votre père ? »

Nezumi sursauta et regarda Shion, Keiji puis le mort, plusieurs fois, avant de bredouiller, effaré :

« C’était ton père ? !

-Il semblerait, oui. »

Nezumi resta bête, puis souffla un gros coup :

« … C’est pas vrai… »

Il passa ses mains sur son visage, tentant de remettre ses idées en place. Shion sourit doucement, puis regarda Keiji :

« Mon ami, comme vous dites, a beaucoup mieux connu cet homme que moi. Mais paradoxalement, je doute qu’il en sache beaucoup plus. Ceci étant, et puisque vous voulez mon témoignage, je ne vois aucun inconvénient à vous le donner, en privé et si possible devant un bon thé.

– Comment s’appelait-il ?

– Ça, je n’en sais rien. Tu l’as su, toi, Nezumi ? »

Nezumi dénia du chef :

« Non… On l’appelait l’Ancien… Je n’ai jamais su son véritable nom… »

Le personnel de l’institut médico-légal laissa sans souci sa salle de repos au commandant et à ses deux témoins. Ils s’assirent donc sur des banquettes, Shion et Nezumi face à Keiji.

Le policier avait le matériel nécessaire pour enregistrer les témoignages, comme les nouvelles lois l’exigeaient, ce que Shion expliqua à Nezumi :

« … Comme ça, tout le monde est protégé : le témoin qui est sûr qu’on a exactement ce qu’il a dit et l’enquêteur qui est sûr aussi qu’on ne peut pas l’accuser d’avoir maltraité ou forcé la main au témoin.

– Ah, d’accord…

– Vous avez fini par vous y faire, Commandant ? » ajouta Shion.

Keiji, qui réglait la machine enregistreuse, grogna :

« Épargnez-moi vos sarcasmes.

– Allons, ne me dites pas que ça ne vous a pas simplifié le travail ?

– Ce n’est pas la question ! »

Shion n’insista pas. Ses réformes du système judiciaire étaient passées très péniblement au sein de la police, mécontente d’être « fliquée » et de ne plus pouvoir agir à sa guise. Mais Shion avait été intraitable, il avait lui-même de très mauvais souvenirs des abus qu’il avait subis. Il n’était que trop conscient des mauvaises habitudes qu’avaient dû prendre certains policiers à l’époque de N°6. Mais il savait aussi que Keiji n’était pas de ceux-là, et que, malgré une nostalgie plus qu’avouée pour l’ancien système et une opposition officielle au nouveau régime, il restait un bon policier qui faisait bien son travail, moral et juste.

« Veuillez décliner vos identités pour que la machine vous identifie. Commandant Keiji, matricule CL854256.

– Shion Seijunna, citoyen WK263715.

– Aki Kazemori, résident euh… »

Il sortit sa carte d’identité à toute vitesse :

« … EX357465…

– Monsieur Seijunna, commença Keiji, les tests ADN ont prouvé que l’homme trouvé mort dans la nuit du 27 au 28 avril était votre père. Vous avez vu son corps, aujourd’hui 30 avril. Que pouvez-vous me dire de lui ?

– Pas grand-chose. Je suis né de père inconnu et je n’en ai jamais su plus. J’ai rencontré cet homme quelques heures, il y a trois ans. Je ne savais pas qu’il était on père… C’est Aki qui m’avait conduit à lui. Il vivait avec d’autres personnes que N°6 avait chassées, dans des grottes hors de la ville. »

Keiji regarda Nezumi. Ce dernier était enfoncé dans le dossier, bras croisés, sombre. Il semblait perdu dans ses pensées. Il répondit pourtant immédiatement lorsque le policier lui demanda :

« Vous le connaissiez, monsieur Kazemori ?

– Oui. J’ai moi même vécu dans ces grottes. Il m’avait recueilli après mon évasion du Centre Pénitentiaire. »

Keiji grimaça à cette évocation, mais resta sur le sujet de l’entretien :

« C’était quoi, ces grottes ?

– Un endroit où s’étaient réfugiés beaucoup de gens chassés ou recherchés par N°6. Personne n’y avait de vrai nom, ni plus rien. Lui et moi comme les autres… Il était un peu le chef, là-bas. Et donc, on l’appelait l’Ancien. J’ai quitté les grottes au bout de deux ans, je ne comptais pas y remettre les pieds.

– Pourquoi y êtes-vous retourné ? »

Nezumi regarda Shion, qui répondit :

« En cherchant des informations, nous avons découvert par hasard que cet homme était un des chercheurs fondateurs de N°6 et aussi qu’il avait connu ma mère.

– Comme on voulait en savoir plus sur N°6, j’ai pensé que retourner l’interroger pourrait nous être utile.

– Vous avait-il appris, à ce moment, quoi que ce soit sur lui ?

– Qu’il faisait effectivement partie du noyau de scientifiques qui avaient fondé N°6, répondit Shion.

– Et que les autres l’avaient viré dès qu’il était sorti de leurs clous… ajouta Nezumi.

– Savez-vous sur quoi il travaillait ?

– Il étudiait des peuplades voisines de la ville, d’après ce que j’ai compris…

– Un ethnologue ?

– Un truc comme ça, apparemment… »

Keiji réfléchit une seconde :

« Aurait-il pu se faire des ennemis au sein de ses grottes ?

– Ça, difficile à dire… soupira Nezumi. À ma connaissance, tout le monde le respectait… Quand j’y étais.

– Vous n’aviez pas gardé contact avec lui ?

– Non, répondit Nezumi. J’ai quitté la ville quelques jours après la chute du Mur et suis revenu au début du mois. Je ne l’ai pas revu.

– Vous non plus ?

– Non, répondit Shion. Au moment de la Réunification, j’ai fait connaître l’existence de la population de ces grottes à un certain nombre de personnes des services sociaux, et j’ai su qu’ils avaient pu recueillir ceux qui le voulaient, mais que certains avaient refusé de quitter les grottes. En faisait-il partie, je l’ignore… Mais le fait que vous n’ayez pas trouvé trace de lui sur le fichier ADN le laisse à penser.

– Effectivement.

– Des vieux ennemis d’avant sa déchéance ou des plus récents, difficile à dire… continua Shion. Quoi qu’il en soit, je ne vois à l’heure actuelle qu’une seule personne pour connaître son nom… »

*********

Nezumi jouait tranquillement avec Haru et les souris dans le jardin lorsque le commandant Keiji sortit de la maison. Le policier vint vers lui :

« Bon, j’y vais. J’ai laissé ma carte à votre euh… ami. N’hésitez pas si quoi que ce soit vous revenait. »

Nezumi hocha la tête et serra la main qu’il lui tendait :

« Comptez sur moi. Merci.

– De rien. Bonne soirée. »

Nezumi le regarda partir. Haru leva le nez vers lui en prenant sa main dans les siennes :

« Zumi, on peut rentrer ?

– Si tu veux… répondit distraitement le jeune homme. Mais Shion voulait parler à Mamie, alors il faut les laisser tranquilles.

– On va lire en haut ?

– D’accord. »

Dans le salon, Karan, assise sur le canapé, pleurait en silence, ses mains serrées sur ses genoux. Elle sursauta lorsque Shion déposa délicatement deux tasses de thé sur la table, avant de s’asseoir à côté d’elle. Elle détourna les yeux en reniflant, alors que lui disait doucement :

« Ça ira ? »

Il l’avait laissée seule avec le policier comme ce dernier l’avait demandé. Il se doutait que ça irait assez vite. Elle était venue rapidement chez eux lorsqu’ils avaient appelé, dès qu’ils avaient quitté l’institut médico-légal, le temps de repasser à la crèche pour chercher Haru.

Shion avait laissé sa mère et Keiji au salon et s’était posé à son bureau le temps d’appeler Kaoru pour voir comment organiser son lendemain. Il en était sorti pour faire du thé et avait salué le commandant lorsqu’il avait entendu sortir. Puis il avait rejoint sa mère.

Comme elle ne répondait pas, il reprit toujours très doucement :

« Je ne te demande rien. Si tu ne veux pas en parler…

– Je suis désolée… chevrota-t-elle.

– Il ne faut pas. Je ne te reproche rien. »

Comme elle pleurait toujours, il la serra dans ses bras :

« Je t’aime, Maman. Tu n’as rien à te reprocher. Je n’aurais pas pu rêver une mère plus extraordinaire que toi, plus courageuse, plus compréhensive, plus aimante… »

Il y eut un silence, puis elle dit d’une voix peu sûre :

« Il y a si longtemps que je voulais t’en parler… Je n’ai jamais osé… J’ai tellement honte… ajouta-t-elle dans un sanglot.

– Il ne faut pas.

– La vérité, c’est que je n’en étais pas sûre moi-même…

– Ce n’est pas grave… En fait, la seule chose que je voudrais savoir… C’est si tu as souffert ? »

Il y eut un petit silence, puis Karan gloussa, releva la tête en prenant tendrement le visage de son fils entre ses mains :

« Ah, c’est tout toi, ça… N’importe qui serait furieux et toi, tu t’inquiètes juste pour moi…

– Tu es ma maman… Je t’aime… Bien sûr que je m’inquiète. Comme je me suis inquiété quand on a quitté Kronos, quand on a galéré à monter la boulangerie, et quand j’ai dû m’enfuir… J’en étais malade de te laisser toute seule, toi qui as toujours été là pour moi…

– Oh, Shion… Mon grand bébé… »

Elle sourit :

« Tu n’as pas à t’en faire… Personne ne m’a violée. »

Shion se sentit confusément soulagé.

« … Mais ce soir-là,… Ton père… Il m’avait invité à une soirée avec des amis de la faculté et d’autres… Rikiga était là aussi… Et nous avons beaucoup trop bu… Un moment, j’ai voulu rentrer, et ils m’ont accompagnée chez moi tous les deux… Et là… Je voulais leur faire un café pour qu’ils repartent tranquilles… »

Elle était toute rose et ne put que balbutier :

« … Et… Et ils ne sont pas repartis… »

Shion la regarda en silence, surpris.

« … Du coup… Je n’ai jamais su lequel… Mais rassure-toi, ils ne m’ont pas forcée ! Je n’aurais jamais fait ça dans mon état normal, mais avec l’alcool… »

Shion sourit et la serra à nouveau dans ses bras :

« Ça va, alors, je suis rassuré.

– Mais j’avais honte et c’était si mal vu d’être mère célibataire… J’aurais tellement voulu te donner un vrai père… Une vraie famille…

– Ça ne m’a jamais manqué. T’en fais pas. J’étais bien avec toi…

– Moi aussi, j’étais bien avec toi… »

Elle sourit et embrassa doucement sa joue :

« Moi aussi, je n’aurais pas pu rêver un fils plus extraordinaire que toi. »

Le soir venu, une fois n’est pas coutume, Shion était couché avant Nezumi et lisait tranquillement, assis contre son oreiller, lorsque ce dernier le rejoignit.

Nezumi se blottit aussitôt contre lui, posant sa tête sur son ventre. Shion lâcha son livre d’une main pour caresser sa tête. Nezumi sourit et ferma les yeux.

« Ça ira, mon cœur ?

– Ouais, ouais…

– Il n’a pas souffert… C’est l’essentiel. Mais le docteur a bien dit que ce type de drogue servait surtout de sérum de vérité…

– Oui, j’ai relevé aussi. Comme le fait que selon lui, la dose avait dû le plonger en délire puis dans le coma presque immédiatement.

– Bref, il n’a pas dû dire grand-chose. »

Shion soupira et posa son livre.

« Ouais. Reste à savoir quoi et surtout à qui. »

Shion hocha la tête, éteignit la lampe de chevet et s’allongea. Nezumi resta blotti contre son flanc.

« Ça pue… dit-il.

– Oui. Les probabilités que ce soient des gens à la recherche des tiens ou d’Elyurias sont loin d’être nulles. »

Nezumi rigola :

« J’adore comme tu dis ça !… Mais après tout, tout le monde dans les grottes a pu entendre notre conversation, ce jour-là…

– Ouais… Reste à savoir ce qu’on peut faire. On ne peut rien dire à Keiji, ce qui ne va aider ni lui, ni nous.

– Il y a une chose que je peux tenter…

– Quoi ?

– Ben, essayez de lui parler… Si son âme ne s’est pas encore envolée, je peux peut-être l’appeler.

– Hmmm… Ma foi, ça coûterait pas grand-chose d’essayer.

– Quelques heures et un bon mal de tête au pire… Je ne travaille pas demain, je verrai ça. »

Lendemain, Kaoru et Mlle Hisho discutaient devant le bureau de cette dernière lorsque Shion arriva. Elles regardèrent avec inquiétude, car il avait l’air triste, malgré un sourire bien présent, mais fatigué. Il salua poliment avant de partir vers son bureau. Il s’installa et soupira. Hamlet grimpa sur son épaule et se frotta à son cou en couinant. Il sourit et la caressa doucement :

« Qu’est-ce que tu as, ma belle ? Tu t’inquiètes ?

– Squik !

– Ça va, ne t’en fais pas. »

Macbeth, assise sur la table, le regardait aussi. Elle était grognonne et Shion se demandait pourquoi elle l’avait accompagné ce matin-là, alors qu’elle dormait si profondément cinq minutes avant son départ… Elle était nerveuse et de sale humeur.

Shion se mit au travail sans grande énergie et finit par laisser tomber : le cœur n’y était pas. Cette histoire de « père » avait dû le secouer plus qu’il ne le pensait… Il se dit qu’il allait faire un petit tour dans le parc. Ça marchait plutôt bien quand il voulait se vider la tête.

Il se leva donc, s’étira et sortit. Macbeth lui emboîta vivement le pas alors qu’Hamlet restait sur son épaule.

Le parc était tranquille. Quelques jardiniers faisaient leur travail paisiblement, et Shion échangea quelques amabilités avec eux, puis s’éloigna sous les arbres.

Tout était vraiment paisible, les arbres pleins des chants des oiseaux qui nidifiaient, l’air du parfum des fleurs…

Un cri vif de Macbeth fit sursauter Shion perdu dans ses pensées et lui permit à une demi-seconde d’éviter l’attaque. Celui qui fondait sur lui tomba à côté, se rattrapant d’une main de justesse, un couteau militaire dans l’autre. Quelqu’un de pas très grand et d’assez fin, en parfaite tenue de camouflage et une cagoule sur la tête.

Shion le regarda et ses yeux vides le choquèrent, mais son agresseur ne put se jeter sur lui. Macbeth toute hérissée lui sauta au visage. Non pas qu’elle lui fit mal, mais son sursaut permit à Shion d’avoir la seconde nécessaire pour lui balancer un coup de pied retourné et l’envoyer s’assommer contre un arbre.

Tout s’était passé très vite et les gardes du corps de Shion étaient déjà là.

Macbeth couinait victorieusement sur la poitrine du terroriste inconscient.

Kanshi garda son arme braquée sur ce dernier en s’en approchant alors que Hogosuru restait près de Shion :

« Vous allez bien ? !

– Oui, oui…

– Beaux réflexes…

– Il faut croire que les leçons de Yui et Adrian n’ont pas été perdues… Macbeth, viens ici. »

Il s’accroupit pour prendre la souris dans sa main et se releva en l’embrassant :

« Merci.

– Squik ! » répondit-elle, toute fière.

D’autres hommes arrivés rapidement, dont Yui, qui, prévenu, était descendu de ses combles en courant, suivi de Zento. Il était furieux.

Il ordonna qu’on escorte Shion à son bureau.

« … Et vous me fouillez ce parc brin d’herbe par brin d’herbe jusqu’à ce que vous soyez sûrs qu’il n’y en ait pas un autre ! »

Shion était assis sur son canapé, perdu dans ses pensées. Il caressait Macbeth et Hamlet installées sur ses genoux sans parvenir à oublier ce regard vide et l’impression tenace de l’avoir déjà vu. Autour de lui, ça s’inquiétait, le croyant état de choc. Ce n’était pas le cas. Il se demandait juste où il avait déjà croisé ce regard…

*********

Nezumi faisait goûter Haru lorsque le bruit de la porte d’entrée se fit entendre, suivi de celui de la porte du bureau de Shion. Macbeth arriva en courant pour grimper sur le plan de travail, à côté d’Encre. Les deux rongeurs se saluèrent, puis couinèrent, surtout Macbeth, toute fière. Au bout d’un moment, Nezumi la regarda avec inquiétude. Haru lui, regarda Nezumi avec surprise, la bouche pleine de chocolat, quand il fronça les sourcils.

Nezumi caressa la tête de l’enfant avant de sortir rapidement :

« Tu es sage, je reviens… »

La porte du bureau était restée ouverte. Nezumi la frappa tout de même :

« Shion ? Ça va ? »

Le jeune président sursauta. Il rangea un dossier qui se répandait sur le sol.

« Oui, oui… » répondit-il en s’accroupissant pour les ramasser.

Nezumi s’approcha :

« … Tu es sûr ? »

Shion lui sourit :

« Oui, mon cœur, pourquoi ?

– Macbeth dit qu’elle t’a sauvé une agression ?

– Ah, ça… Oui, ne t’en fais pas, ça va. C’est clair que ce gamin était dangereux et que sans elle, ça aurait pu plus mal finir, mais ça va… »

Il se releva :

« J’ai juste une sale impression qui ne me lâche pas… »

Il sentit Nezumi se blottir dans son dos et l’enlacer doucement :

« Quoi ?

– J’ai croisé son regard… Il était vide… Ça m’a fait de la peine et surtout, ça me rappelle quelque chose, mais je n’arrive pas mettre le doigt dessus ! »

Nezumi embrassa son cou :

« Je te connais, ça va revenir…

-Moui… »

Shion soupira et posa les feuilles sur son bureau :

« Yui a dit qu’il devait avoir dans les 15 ans… Rien sur lui pour l’identifier… Mais très bien entraîné, beaucoup trop bien… Et Adrian s’est souvenu qu’il y avait eu des rumeurs, il y a une dizaine d’années, comme quoi les autorités avaient récupéré des orphelins pour en faire des assassins… Il n’avait jamais pris au sérieux, mais celui-là, ça n’a pas l’air d’être un étranger… »

Nezumi le sentit frémir :

« Comment peut-on faire ça un enfant… »

Nezumi le retourna pour le serrer dans ses bras :

« Tu es aussi bien placé que moi pour savoir ce dont les hommes sont capables, Shion.

-Nezumi… »

Shion enfouit son visage dans le cou de Nezumi :

« … Qu’est-ce qu’ils lui ont fait pour qu’il ait les yeux si… morts…

– Beaucoup de mal. Mais ce qu’il faut te dire, c’est que maintenant, il est entre de bonnes mains… Parce que tel que je te connais, tu as déjà dû ordonner sa réinsertion après l’enquête, je me trompe ? »

Shion gloussa :

« Yui était furieux…

– Prévisible aussi. »

Shion sortit des bras de Nezumi. Ils prirent le chemin de la cuisine :

« … Tu l’aurais entendu… “Non, mais t’es malade ! C’est un tueur !… Tu crois quoi, qu’après une leçon d’éducation civique, il irait aider les grands-mères traverser les rues ?”… »

Nezumi rigola :

« Tu as répondu quoi ?

– Qu’effectivement, il faudrait plus d’une seule leçon. Bonsoir, Haru. »

Le petit garçon, toujours barbouillé de chocolat, regarda Nezumi hilare et Shion et dit :

« Ça va pas, S’ion ?… »

Les deux hommes regardèrent, surpris.

« Pourquoi tu dis ça, mon bébé ?

– Quand tu souris comme ça, c’est que tu es triste… »

Shion sourit et prit de quoi nettoyer le visage de l’enfant :

« On peut rien te cacher, à toi.

– Pou’quoi tu es triste ?

– Parce qu’aujourd’hui, j’ai vu quelqu’un de très très malheureux et ça m’a fait beaucoup de peine.

– Fallait lui faire un gros câlin ! »

Shion sourit encore :

« Ouais… C’est clair qu’il a dû en manquer. »

*********

Ce soir-là, Yui était encore de sale humeur et râlait. Adrian et lui cuisinaient, le brun sans rien dire, un petit sourire aux lèvres.

Son ami avait lui-même pris en charge l’interrogatoire du garçon, et que ce dernier avait repris connaissance et que les médecins lui avaient confirmé qu’il allait bien.

Rien.

Il ne savait pas ce qui le dérangeait le plus : le fait d’être face à un gosse, le fait que ce gosse ne desserre pas les dents, ou le fait qu’il ait l’air de n’avoir absolument rien à faire d’être menotté là. Ou encore le fait d’être certain qu’il l’avait déjà vu.

Ce garçon était réellement flippant, et il en fallait pour impressionner Yui. Mais il aurait 1000 fois préféré se retrouver face à un fanatique surexcité ou gueulard ou un être glacial et cynique que face à ce vide.

« … Mais bon sang, ça m’enrage de ne pas me souvenir où je l’ai déjà vu !

– Yui ?

– Ça m’énerve !

– Yui…

– Quoi ? !

– Je t’avais demandé des œufs brouillés… Pas une omelette. »

Le blond se figea et regarda le bol et la fourchette… Ah oui, effectivement… Il y avait été un peu fort…

Adrian rigola et l’embrassa rapidement :

« C’est pas grave… J’aime bien les omelettes- !

– Désolé…

– T’en fais pas, poussin. Mais calme-toi un peu… On ne fera rien ce soir… »

Le blond grommela et le brun lui sourit encore :

« Je sais que tu es très inquiet, et c’est tout à ton honneur… Tu as raison de penser que ce gamin était envoyé par quelqu’un et aussi que Shion a eu beaucoup de chance de lui échapper.

– Sauvé par ses souris… C’est quand même dingue… Mais bon sang, c’est quand même rageant de ne pas me souvenir où je l’ai vu…

– Tu as demandé un test ADN ?

– Oui, en urgence… Résultat dans la soirée, normalement. »

Si les tests ADN étaient normalement le dernier recours pour l’identification, nécessitant la décision d’un juge d’instruction suite à l’échec des autres procédures, Yui n’avait pour sa part qu’un coup de fil à passer pour en faire faire un en priorité absolue.

Le résultat se faisait cependant attendre et les deux hommes dormaient depuis un moment lorsqu’enfin, le téléphone de Yui sonna. Il décrocha en grognant :

« Himitsu, j’écoute…

– Désolé pour l’heure, ici le laboratoire d’analyse. J’ai le résultat… Je me permets de vous appeler personnellement, car euh,… Il nécessite de la discrétion, je crois… Je suis le seul au courant et vous pouvez compter sur la mienne.

– Euh, attendez, attendez… grogna Yui en se redressant. Une chose à la fois. Vous avez trouvé qui est ce gosse ?

– Oui et non… soupira l’homme. Lui n’est pas répertorié. Mais un lien de parenté a été formellement établi avec un citoyen de cette ville.

– D’accord…

– Je vous l’envoie… Je crois que sinon, vous n’allez pas me croire.

– Euh… OK… »

Adrian vint se câliner à lui dans un demi-sommeil. Yui regarda le document et son cri acheva de réveiller son compagnon :

« Oh bordel !

– J’ai crié un truc comme ça aussi, rigola le laborantin à l’autre bout de la ligne.

– Euh… D’accord… Bon. Je compte sur votre absolue discrétion jusqu’à nouvel ordre. Je vais voir avec lui aussi vite que possible.

– Pas de souci. La recherche est déjà effacée de l’ordinateur central.

– Merci. »

Yui raccrocha et regarda à nouveau l’écran, abasourdi. Adrian se redressa en bâillant et sursauta :

« Hein ? !… Mais… C’est… ?

– Je comprends mieux pourquoi j’étais sûr de l’avoir déjà vu… »

********

Shion était réveillé depuis un moment et il éteignit donc le réveil avant qu’il ne sonne. Il profita encore un moment du calme ambiant, du corps de Nezumi blotti contre le sien, avant de se lever. Il se souvint que Nezumi lui avait dit qu’il n’avait pas pu retrouver l’âme de l’Ancien.

« Elle s’est déjà envolée. »

Shion trouvait très jolie la façon de dire du Peuple de la Forêt, de parler d’envol des âmes. Resterait à lui offrir de belles funérailles…

Il se sentait l’humeur maussade. La mort de cet homme,… son père, la discussion avec sa mère, l’agression de la veille, tout ça avait dû le brasser bien plus qu’il ne pensait. Et la drôle d’impression liée à ce regard vide ne le lâchait pas… où l’avait-il déjà croisé…

Il se doucha sans parvenir à se sentir mieux et vint devant le miroir pour se brosser les dents en traînant les pieds. Il se regarda et une seconde après, sursauta : ses yeux, c’était… Les siens… ? Il s’en souvenait… Il s’en souvenait enfin.

Ses yeux vides, épuisés, désespérés, ceux qu’il avait parfois dans son adolescence, certains matins d’hiver où il se traînait pour aller travailler au parc sans en avoir envie, brisé par des horaires invraisemblables, par ce travail morne, par cette ville où il n’était plus rien… Cet état était rare chez lui et ne durait pas. Le sourire de sa mère, de Safu, la bonne humeur de ce collègue le remettaient vite en selle…

Mais que se serait-il passé si j’avais été seul… ?

Qui es-tu ?

De plus en plus troublé, Shion déjeuna machinalement. Il mettait son bol sale dans l’évier lorsqu’il reçut un message bref de Yui :

« Besoin de te voir de ton arrivée. »

Il partit avec Macbeth, Hamlet et Iago. Il espérait pouvoir rentrer dans l’après-midi. Il n’aimait jamais travailler le samedi, mais pas trop le choix ce jour-là…

Yui l’attendait sur le parking. Il fumait, assis sur sa propre voiture. Un peu surpris, Shion se gara et Yui vint lui ouvrir sa portière. Shion le regarda, inquiet :

« Bonjour, Yui… Qu’est-ce qu’il y a ?

– J’ai eu des infos sur ton agresseur d’hier.

– Ah… Des infos qui nécessitent que tu ne me laisses même pas le temps de descendre de ma voiture ? »

Yui lui tendit une feuille. Shion fronça un sourcil en la prenant, mais lu sans attendre. Ses yeux s’écarquillèrent au fur et à mesure de sa lecture et il se mit à trembler comme une feuille.

« … C’est pas… Possible… ?… »

Shion passa sa main dans ses cheveux, abasourdi à son tour.

Les trois souris, assises sur le tableau de bord, le regardaient, à leur tour inquiètes.

Ils sursautèrent ensemble en entendant le portable de Yui sonner.

« Oui, Zento, qu’est-ce qu’il y a ?… Comment ça, il s’est tiré ? ! »

*********

Le garçon s’arrêta dans une ruelle pour reprendre son souffle et essayer de faire le point. Il n’avait pas l’air d’être suivi… Il aurait cru les services de sécurité de la ville un peu plus vigilants et persévérants…

Il était épuisé et avait très mal à la tête. Comme on lui avait appris, il n’avait rien avalé de ce qu’on lui avait proposé pour ne pas risquer d’être drogué. Il fallait qu’il trouve à boire rapidement. Il perdait toujours en efficacité quand il avait mal à la tête…

Il s’assit lentement au sol, contre le mur.

Il avait échoué… Et à cause d’une souris. Personne n’avait prévu que le président savait se battre et se défendre…

« Tu l’auras sans souci, il est inoffensif. »

Il fallait qu’il appelle la base. Il ne pouvait pas simplement y retourner, c’était bien trop dangereux. Même appeler était dangereux… Mais il ne pouvait pas rester là sans consigne. Retourner essayer de tuer le président est inutile pour le moment, ces anges gardiens devaient être sur les dents.

Il restait des cabines téléphoniques en libre-service dans les bureaux de poste… Il se releva lentement. De l’eau, il y avait des fontaines un peu partout en ville…

Il s’arrêta à la première qu’il croisa pour boire un moment. Il avait faim, mais ça, il pouvait gérer. Il fallait qu’il trouve une poste… Bon sang, pourvu que ce mal de tête passe vite…

Il trouva une poste à quelques rues de là, et l’hôtesse d’accueil lui indiqua très aimablement les cabines. Il choisissait celle qui était le plus au fond. Il composa le numéro avec un soupir. Il avait juste envie de manger et de dormir… Il se sentait très fatigué.

« Allô ? entendit-il, une voix d’homme nerveuse.

– Bonjour, papa… récita-t-il sans grande conviction. Dis-moi, j’ai perdu l’adresse et l’heure du rendez-vous…

– Ah,… C’est toi…

– Tu peux me le redonner, s’il te plaît ?

– Je vais chercher le capitaine, attends.

– D’accord. »

Il entendit s’éloigner d’un pas lourd et regarda une petite mémé toute voûtée venir téléphoner à côté de lui. Visiblement, elle préférait venir à la poste qu’utiliser son téléphone portable… Au grand dam de son interlocuteur.

« Rends-toi au pont Lévèque tout de suite.

– D’accord. J’y vais. »

Il raccrocha. C’était un pont qui enjambait la rivière, au bord de la ville. À pied, il en avait pour un moment. Il partit rapidement, sans voir le regard rapide de la vieille dame.

Il grommela. Le mal de tête se dissipait, mais il avait vraiment faim. Hors de question cependant de voler quoi que ce soit, de risquer d’attirer l’attention.

Il se sentait étrange. Il se frotta les yeux machinalement. Il avait sommeil… Il en avait marre. Il avait échoué simplement parce que ces chefs avaient pris le président pour un gentil garçon sans défense… Il ne savait pas ce qu’ils allaient décider. Ils pardonnaient rarement un échec… Mais de toute façon, où pouvait-il aller…

Il arriva au rendez-vous les mains dans les poches. Le capitaine était là avec deux autres. Personne aux alentours, pas étonnant… Le coin était sacrément désert.

« Tu es sûr que tu n’as pas été suivi ?

– Oui, répondit le garçon en arrivant près d’eux au bord de l’eau.

– Peux-tu nous expliquer ce qui s’est passé ?

– Échec de la mission.

– Pourquoi ?

– Réaction imprévue de la cible. Il savait parfaitement se défendre.

– Comment t’es-tu enfui ?

– Neutralisation des gardes lors de la livraison du repas, planque un moment puis fuite lente en évitant les autres. »

L’un des deux autres eut un sourire narquois et le capitaine cracha en braquant son revolver sur lui :

« Tu t’imagines vraiment qu’on va avaler ça ? »

Le garçon n’avait pas frémi. Ses yeux vides le regardaient sans plus d’émotion qu’avant. Il ne réagit pas plus lorsqu’il vit le capitaine sursauter en criant et en secouant sa main. C’est à peine s’il leva un sourcil en voyant une petite forme noire accrochée à cette dernière, alors que les deux autres avaient également sursauté et regardaient le capitaine avec stupeur. L’un des deux sortit son revolver pour le braquer à son tour sur le garçon et tira :

« Sale traître ! »

Le garçon bondit en arrière par réflexe plus que par instinct de survie, mais son pied glissa sur la terre meuble et il bascula en arrière. Il tomba dans l’eau froide, un peu surpris.

Le courant fort du printemps l’emporta et il ferma les yeux, curieusement apaisé.

Puis ce fut l’obscurité, un trou noir béant, le vide total, mais si calme… Plus de cris, plus d’armes, plus de sang… Une paix étrange.

Il entendit soudain une voix qui l’appelait de très loin. Une voix inquiète, angoissée même…

« … Reviens… Allez respire… S’il te plaît… »

Le garçon se sentit émerger des ténèbres. Il n’avait pas très envie, il y était bien, mais cette voix l’appelait avec une telle insistance qu’il se laissa faire.

« Respire… Reviens, s’il te plaît, reviens… »

La lumière du soleil… Le froid du vent sur ses vêtements mouillés… Il frissonna.

« Ouvre les yeux… Respire… Allez, reviens… S’il te plaît… S’il te plaît… »

La voix était vraiment inquiète. Il sentit une main caresser ses cheveux et toussa. Il entendit un soupir soulagé et la voix reprit plus doucement :

« Allez, réveille-toi… Tout va bien. »

Un petit cri de souris acheva de le tirer de sa torpeur. Puis quelques gouttes qui tombaient sur son visage. Il toussa encore et entrouvrit les yeux.

« Squik ?… Squik squik ? »

Une autre goutte lui tomba dans l’œil et il les referma en grognant.

« Ça va, ne t’en fais pas… Tout va bien. »

Ces mots n’avaient pas le moindre sens pour lui. Il ouvrit à nouveau les yeux en toussant encore. Sa vue était un peu floue, mais il reconnut avec stupéfaction une chevelure blanche dégoulinante d’eau… Et des yeux rouges qui le regardait avec… Bonté… Il se redressa sur ses bras, les yeux ronds.

« Eh, doucement ! Ça va ? » demanda gentiment Shion.

Le garçon ne répondit pas, abasourdi. Il ne comprenait pas, ne parvenait pas à comprendre… Près d’eux, la rivière s’écoulait… Visiblement, ils étaient loin du pont… Seuls… Et trempés tous les deux. Un seul mot parvint à franchir ses lèvres :

« … Pourquoi… ? »

Pourquoi tu as fait ça ?

Pourquoi tu m’as sauvé ?

Pourquoi tu as risqué ta propre vie pour moi, moi qui suis venu pour te tuer ?

Il eut l’impression que Shion lisait ces questions sans mal et son sourire fit naître un sentiment très étrange dans sa poitrine. Il laissa Shion caresser sa joue :

« Parce que quoi qu’il arrive, il est hors de question que je laisse tomber mon petit frère… Ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais. »

Le garçon resta pétrifié.

Quelques voitures arrivaient. Les entendant, le garçon se tourna vers elles, mais Shion dit doucement :

« Ne t’en fais pas, ils ne te feront rien. »

Un regard sceptique lui répondit et Shion lui sourit encore et en le voyant frissonner, vint le prendre dans ses bras :

« Plus personne ne te fera mal. Personne. Jamais. »

Le garçon se mit à trembler sans trop comprendre pourquoi. Shion se mit à le frictionner :

« Tu ne t’en fais pas, d’accord ? Tout va bien se passer. Je vais veiller sur toi. »

Le garçon sursauta.

Les mêmes mots, 10 ans plus tard, exactement les mêmes mots, que ceux qu’il lui avait dit lorsqu’il l’avait rencontré, ce jeune homme qui était devenu son mentor, à lui le tout petit garçon arraché à son orphelinat par des militaires effrayants.

Tu ne t’en fais pas, d’accord ? Tout va bien se passer… Je vais veiller sur toi.

Celui qu’il avait lui-même tué quelques jours plus tôt…

« … Onisan… gémit-il.

– Oui, je suis là… répondit Shion à son oreille. Je suis là. Dis-moi, comment tu t’appelles ?

– …

– Dis-moi ton nom ?

– …Shinobi… »

Shion le serra plus fort. Les voitures s’étaient arrêtées et ses hommes approchaient, Yui en tête, armés et sur leurs gardes. Il ne les laisserait pas toucher à un seul de ses cheveux.

« Je suis très heureux de faire ta connaissance. »

Shinobi éclata en sanglots.

À suivre dans le chapitre 9 : Le seul maître d’Utopia

 

Notes diverses zet variées du fin de chapitre popopom :

Concernant l’identité du père de Shion : à ma connaissance pour le moment, l’identité de géniteur de notre faux albinos préféré n’est pas officiellement donnée dans le roman. Les deux pistes principales sont Rikiga et le tuteur de Nezumi, l’homme qu’ils rencontrent dans les grottes.

Le premier correspond au portrait d’alcoolique coureur de jupon que Shion trace de son père au début du roman, et lorsque Karan reçoit le premier message de Nezumi l’informant que Shion est vivant, elle lui envoie son adresse en pensant « après tout c’était peut-être… Il y avait tant de choses qu’elle devait dire à Shion » (citation de mémoire hein). Une chose est sure : Rikiga a connu Karan avant la naissance de Shion et garde un souvenir très fort d’elle, sans doute en a-t-il au moins été amoureux… Mais il niera être son père lorsque Shion le lui demandera.

Le second se présente dans le roman comme un ami d’enfance de Karan, très chère pour lui. Mais Nezumi ne lui laisse pas le temps d’entrer plus dans les détails, car ils ont besoin d’infos vite, c’est vrai quoi y a un monde à sauver, merde ^^’ ! Lui aussi la fréquentait donc avant sa naissance, et les soucis qu’il a eus avec N°6 l’ont éloigné d’elle comme de tout. Le principal argument en sa faveur est qu’il ait comme Shion survécu à la piqûre de l’abeille parasite, lui en y laissant ses jambes.

C’est une complète interprétation de ma part que d’en faire vraiment le père de Shion et aussi d’imaginer que ce dernier ait été conçu dans une partie à trois. Ça m’amusait de penser que Karan ne savait pas réellement qui était le père de son fils, car leur extrême complicité rend peu crédible pour moi qu’elle le lui cache sans une bonne raison.

Shinobi pour sa part est une complète invention de ma part.

Dernière chose : le pathétique jeu de mot sur le nom du pont (Lévèque) m’a été librement donné par mon général préféré ^^ !

Vala vala.

Sinon ça va chez vous ? ^^

(16 commentaires)

  1. Un petit frère !?
    Ca mère ne sait pas qui est son père et lui cache l’existence d’un petit frère.

    Oula, je file au chapitre suivant !

    1. @Pouika : Non non, Shinobi est le 1/2 frère de Shion et Karan n’est pas sa mère, elle ignorait complètement son existence. 🙂

      1. Venant de lire les chapitres suivants, j’ai compris.

        J’en profites pour rajouter que j’adore les petits dessins de souris message de Nezumi.

    1. @Skyland : Ouais ouais… Work in progress… Deux à peu près sûr, le 3e euh, ça dépendra si je peux aller aussi loin que je veux…:)

  2. Rooohlala, j’ai adoré l’histoire du père de Shion ! Et tu lui as fait un petit frère, c’est tout choupi :3

    J’espère qu’on aura droit à du lemon dans le prochain chapitre (moi accro ? Naaaaan !)

    1. @Skyland : Pas pu te répondre plus… Pas mon mot de passe chez mon père ^^’ ! Oui, je sais plus trop comment il m’est venu le petit frère mais je vais bien m’amuser avec (gentiment hein sinon Shion va me tuer). A la prochaine !

  3. Allez boudes pas va ! comme on dit chez moi, fais pas gueule t’es pas un monstre !

    Pas mal Paris mais super crevant, et puis je suis comme toi, je ne suis pas une grande fan mais j’estime qu’à 28ans, je devais voir la Tour Eiffel au moins 1 fois… Et puis ça fait du bien de partir un petit weekend avant la prochaine opération (pas d’inquiétudes, grosse opération mais pas de problème)

    Si je peux me permettre, évites ce type de suite, tu risques une vague de suicide…

    Bon allez sur ce… je continue mon ménage, à tio plus!!

    1. @Amakay : Hmmm, ok, je vais voir à raconter autre chose alors… ^^ J’ai pas envie d’avoir trop de morts sur la conscience ! Bon ben repose-toi bien et prends bien soin de toi alors 🙂 ! A tout bientôt !

  4. Bonjour, bonjour,
    Désolée, j’étais à Paris le WE dernier et je n’avais pas eu le temps de me poser dans la semaine pour me mettre à jour..
    Allez avoues !! Le nouveau personnage mystère c’est le morceau de tarte à la fraises de Nezumi, qui a mystérieusement disparue??? lol!!
    J’adore, j’adore, vivement la semaine prochaine. bon dimanche Zoubi.

    1. @Amakay : Non trop tard je sais que tu m’aimes plus je boude ! :p
      Hi hi hi non mais pas de souci chère amie, tu as le droit d’avoir une vraie vie hein pas de problème ! C’était bien Paris ^^ ?
      Mince tu as percé le mystère à jour. Oui en fait tout le reste de la fanfic ça va être l’enquête pour retrouver la part de tarte…
      Merci en tout cas et bonne semaine !

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