Le Chant des Drows – Première Epoque 1 – Disponible

En vente ici sur Lulu.com ou ici via moi.

 

Venez en parler ici !

(Attention: suite à un bug d’affichage, il se peut que le forum apparaisse en bas de page, sous les menus de droite : n’hésitez pas à scroller si vous ne voyez qu’une page noire !!!)

 

Le Chant des Drows est un des projets sur lesquels je travaille en ce moment. C’est à ce jour le plus abouti et pour cause, j’y travaille depuis 2006…

Il s’agit d’heroic-fantasy, boy’s love, une longue histoire pour le moment divisée en deux époques, elles-mêmes divisées en trois parties. La première époque s’appelle Le Maître des Ombres, la seconde, Sang des Ténèbres.

Synopsis :

L’histoire est celle de Maxiane, qui voit enfant sa mère assassinée par son oncle désireux de s’accaparer leur domaine. Recueillis par les Elfes voisins, Maxiane et son frère grandissent, mais le garçon ne peut oublier ce meurtre. Il s’enfuit, devient un puissant adepte de magie noire et revient bien des années plus tard se venger, avant de disparaitre à nouveau. Vingt ans plus tard, un puissant sorcier, Isco, attaque le royaume. À ses côtés, Maxiane… Et face à eux, Bylonn, l’héritier du trône, plus que décidé à les arrêter.

__________________________________________________________________________________________________________________

EXTRAIT :

Chapitre 1 : Genèse

L’enfant reprit douloureusement conscience et gémit avant d’ouvrir les yeux. Une main caressa ses cheveux et pendant une seconde, il pensa que c’était sa mère. Mais il suffit qu’il bouge sa main pour que la douleur le fasse sursauter et que tout lui revienne en mémoire.

L’enfant était pâle comme un mort, les cheveux noirs et ébouriffés, les yeux rouges aux pupilles fendues, les traits fins tendus. Une coupure à peine cicatrisée marquait sa joue gauche et son corps était couvert de bandages. Il se trouvait dans un lit douillet et chaud, dans une grande tente meublée avec confort. Il y avait une table basse en fer finement forgé, des coussins sur le sol recouvert de tapis moelleux. Un brasero, tout proche, diffusait une douce chaleur. Le petit garçon se redressa sur son bras droit et ses yeux regardèrent tout autour de lui, avant de se poser avec inquiétude sur l’homme installé sur un tabouret, près du lit.

L’enfant trembla et recula dans un réflexe de peur, lorsque l’homme approcha sa main pour toucher son visage.

Même assis, on le devinait très grand et bien bâti. Ses traits étaient doux, amicaux, mais on distinguait, dans ses yeux verts, la sagesse d’un être bien plus vieux qu’il ne le paraissait. Il portait une longue robe grise sous un manteau d’intérieur noir, les deux tissés en tissu très fin. Il passa une main dans ses immenses cheveux argentés, un peu gêné, et dit :

« Tu te réveilles enfin… »

À mieux le regarder, l’enfant vit que ses oreilles étaient légèrement pointues. Il trembla et l’homme sourit doucement :

« Tu as encore de la fièvre. Tu devrais te recoucher.

– Qui êtes-vous ? demanda brutalement l’enfant d’une voix enrouée.

– Je m’appelle Adriel, répondit l’homme. Je suis un elfe et le Seigneur de la Forêt d’Asnyar. Et toi, qui es-tu ?

– Où est ma mère ?… Et… Mon frère ?… » demanda encore l’enfant, cette fois avec angoisse.

Il s’était mis à trembler, les yeux immenses et hagards. Les souvenirs revenaient avec une précision trop atroce pour qu’il puisse garder son calme plus longtemps.

L’homme soupira tristement et détourna un instant la tête, comme pour chercher comment dire l’indicible. Il regarda à nouveau l’enfant et reprit :

« Nous vous avons trouvés lors d’une partie de chasse aux marges de la Forêt… Les pleurs de ton frère nous ont attirés vers la fosse où on vous avait jetés… Tu étais inconscient. Ton frère était très faible, mais nous lui avons trouvé une nourrice assez vite pour qu’il vive et il va très bien… Pour ta mère, … C’était bien trop tard. »

L’enfant cessa de trembler, pétrifié, ferma ses yeux un instant puis éclata en sanglots. Il sentit rapidement deux bras l’étreindre avec force. Adriel ne le lâcha pas avant de le sentir rendormi, ou peut-être évanoui. Il le rallongea alors avec douceur, en le recouvrant chaudement. Il caressa encore les mèches brunes en pensant que les humains étaient parfois des monstres, puis se leva et quitta la tente sans bruit.

Il ne pleuvait plus, mais l’air frais de ce début d’automne le fit frissonner. Le ciel était gris et lourd, bas, et Adriel se surprit à songer que ça s’accordait plutôt bien avec son humeur. Il avisa sa fille adoptive qui venait vers lui. Beaucoup plus petite et plus fine que lui, à la peau blanche, aux longs cheveux noirs et ondulés, aux yeux fins et dorés, aussi belle que froide, Salya portait une tunique carmin à manches amples, des gants de cuir noir, un pantalon, noir également, qui moulait ses cuisses, et de hautes cuissardes sombres, sous une épaisse cape. C’était une pure Drow qu’il avait recueillie très jeune.

« Comment va-t-il, Père ?

– Il s’est réveillé quelques instants… As-tu pu apprendre quelque chose ?

– Oui, et c’est une sale histoire.

– Alors, viens me la raconter au chaud devant un verre de vin. »

Adriel avait envoyé Salya enquêter dans le domaine voisin du sien, à la limite duquel ils avaient trouvé la fosse. Les vêtements de la défunte comme du petit garçon étaient assez précieux pour qu’ils soient de haute lignée.

Adriel et Salya entrèrent dans la tente du seigneur d’Asnyar, au centre du grand campement des elfes. Un elfe remplissait le brasero et s’inclina respectueusement lorsqu’Adriel entra, avant de se retirer. Adriel vint chauffer ses mains, alors que Salya enlevait sa cape en soupirant et s’asseyait à la table de bois sculptée, au centre de la tente. Adriel, réchauffé, alla chercher un pichet de vin et deux coupes dans une grande commode finement ouvragée, avant de s’asseoir face à sa fille.

« Alors ? dit-il en les servant.

– Alors, j’ai appris qu’il y a trois jours, le frère de Dame Issya, Comtesse de Valgor, nos voisins, s’était déclaré maître de tous ses domaines, puisque sa sœur était morte avec son fils et l’enfant qu’elle portait. Bien évidemment, les corps ont été immédiatement incinérés, proclame-t-il, donc, personne ne les a vus. Un malheureux accident, selon ses sbires, expliqua-t-elle en enlevant ses gants.

– Lethar… soupira rageusement Adriel. Nous savions depuis longtemps qu’il haïssait Issya… Que son père l’ait désignée comme son héritière alors qu’elle était une bâtarde, une demi-Drow, il n’en fallait pas plus à ces idiots d’humains pour la haïr…

– Et son droit d’aînesse était indiscutable. Pour reprendre ce qu’il jugeait lui appartenir, Lethar ne pouvait donc que la tuer… Et tu sais le pire, Père, c’est qu’il n’y a pas un humain dans tout Valgor pour la regretter… Une demi-Drow, dont le fils était clairement un enfant de démon de feu et qui se payait en plus le luxe d’en attendre un second, en restant célibataire… Il était évident que Lethar allait tout faire pour s’en débarrasser aussitôt leur père mort… Et comme les voies légales ont échoué et que Rolane, notre roi, a refusé ses requêtes, …

– … Il a poussé l’hypocrisie et la lâcheté jusqu’à les jeter, elle et son fils, dans une fosse, acheva Adriel, puisque ses grands principes chevaleresques lui interdisent de tuer une femme et un enfant prépubère… cracha-t-il encore en tapotant la table avec humeur.

– Reste que les fils d’Issya sont en vie, Père. Que comptes-tu faire ?

– Écrire au roi pour lui signaler que ces enfants sont ici et sous ma protection. Sais-tu comment s’appelle l’aîné ? s’enquit le grand elfe, grave.

– Maxiane, je crois… répondit-elle en faisant tournoyer le vin dans sa coupe, avant d’ajouter tristement : Pauvre petit, voir sa mère mourir en couche au fond d’une fosse…

– Il a une aura assez exceptionnelle pour un enfant si jeune… pensa tout haut Adriel en se redressant. Maxiane, oui, je m’en souviens… Le père d’Issya m’avait parlé de lui un jour, nous nous étions croisés à la cour… Il était très fier de lui… Maxiane… Il saura peut-être comment son frère devait s’appeler. »

Ils burent, puis Adriel reprit sombrement :

« Je vais faire cette lettre immédiatement… Va te reposer, Salya. Nous procéderons aux funérailles d’Issya dès que son fils sera sur pieds, notre magie la gardera jusque-là.

– Tu vas te mettre Lethar à dos, sourit-elle. Il va sûrement jurer sur tous ses dieux que tu es un fabulateur…

– Il ne peut rien contre moi. Je suis seigneur d’Asnyar et à ce titre, de tous les elfes du royaume. Lethar se croit tout-puissant, mais Valgor n’est qu’un pré à côté de ce que je représente et ça, Rolane le sait, lui. » répondit le grand elfe en se levant, droit et digne.

*********

Maxiane se réveilla en sursaut et se redressa brusquement sur le lit, en sueur. Il regarda autour de lui, affolé, haletant et mit un moment, alors que son cœur battait à s’en rompre, à reconnaître la tente, à se souvenir du grand elfe aux cx d’argent. L’enfant soupira, hagard, en prenant sa tête dans ses mains, tout tremblant. Sa vie avait basculé du plus pur bonheur au néant en un instant… Celui où son oncle et ses sbires s’étaient emparés de sa mère et de lui pour aller les jeter dans ce trou. Ils y avaient précipité Issya et comme lui se débattait, malgré les coups, son oncle l’avait giflé avec sa main gantée de fer, entaillant profondément sa joue. Maxiane était tombé, mais avait pu se redresser et relever la tête. Les yeux rouges brûlaient d’une haine sans borne et les pupilles étaient rondes de fureur.

 

« Tue-moi maintenant, mon oncle, ou je te jure que c’est moi qui te tuerai. » avait-il craché.

Lethar avait éclaté de rire et ses soldats saisi l’enfant pour l’envoyer rejoindre sa mère. Puis ils étaient partis et le rire de Lethar résonnait encore dans la tête du garçon.

Maxiane, tremblant de colère, serra les poings malgré la douleur. Il n’était encore qu’un enfant, mais il tiendrait son serment, quel que soit le temps que ça prendrait, quels que soient les sacrifices que ça exigerait. Pour l’heure, il devait prendre des forces. Il soupira et se leva péniblement. Son corps, couvert de bandages, était encore très douloureux, ses mains particulièrement, puisqu’il avait, des heures durant, tenté de grimper hors de cette maudite fosse. Il trouva près du lit une robe vert pâle à sa taille, dans un tissu épais et doux, ainsi qu’un manteau noir et des bottines. Il les enfila comme il put, maladroit, et sortit d’un pas hésitant.

Le campement d’Asnyar était immense, les elfes s’étaient confortablement installés pour passer l’hiver. Le ciel était blanc. D’innombrables tentes de toutes tailles et toutes couleurs s’étendaient à perte de vue sur l’herbe jaune de la grande plaine qui bordait la Forêt. Maxiane regarda à droite et à gauche, désorienté, cherchant la haute silhouette d’Adriel. Il avait faim. Il entendit soudain des pleurs de nourrisson et son cœur fit un bond dans sa poitrine. Il courut, se guidant à l’oreille, pour entrer dans une tente proche de la sienne. Il alla droit sur le berceau, très ému, à bout de souffle, et se pencha :

« Yashen ! »

Il attrapa délicatement le petit corps pâle qui braillait à pleins poumons et le serra dans ses bras en tremblant :

« Yashen, Yashen… ! Là, là, calme-toi, petit frère… »

Le bébé hoqueta puis cessa de crier. Il se mit à sucer ses doigts en dévisageant cet inconnu de ses grands yeux rouges. Une elfe blonde entra à ce moment, suivie de peu par Adriel. Maxiane ne quitta son frère des yeux que la seconde qu’il lui fallut pour les identifier.

« Tiens, tu es levé, Maxiane ? dit gentiment Adriel. Tu es venu voir ton frère ? Comment te sens-tu ?

– J’ai faim… répondit l’enfant. Il pleurait… ajouta-t-il en levant ses beaux yeux de démon sur les deux elfes.

– C’est qu’il a faim aussi ! répondit l’elfe blonde en lui souriant avec douceur. Je vais l’allaiter, donne-le-moi, veux-tu ? »

Maxiane la laissa lui prendre son frère et la regarda s’asseoir et sortir son sein que le bébé se mit à téter goulûment. 

« Ton petit frère va très bien, reprit Adriel. Tu sais comment ta mère voulait l’appeler ?

– Yashen… Il s’appelle Yashen.

– C’est un joli nom. »

Adriel se pencha et caressa la tête de Maxiane, puis dit doucement :

« Viens, je vais te donner à manger… Tu reviendras voir ton frère après si tu veux.

– D’accord. »

Le petit garçon suivit Adriel en dehors de la tente.

« Seigneur Adriel ? appela l’enfant.

– Oui, Maxiane ?

– Où est ma maman ?

– Nous avons mis son corps dans une tente, dans une clairière de la Forêt. Nos prêtres ont suspendu le temps sur lui, pour qu’il reste intact. Nous attendions que tu sois sur pieds pour organiser les funérailles, puisque c’est à toi d’allumer le bûcher… »

Adriel se retourna, inquiet que Maxiane ne lui réponde pas, et ne put retenir un sourire en voyant que l’enfant peinait à le suivre et haletait. Adriel se pencha pour le soulever dans ses bras. Maxiane passa ses bras autour de son cou et demanda :

« Comment connaissez-vous mon nom ?

– Nous avons fait notre petite enquête… Ton oncle n’a jamais été notre ami, il vient souvent chasser sur mes terres, il y a eu plusieurs altercations… Dis-moi, comment te sens-tu ?…

– Ça vous dérange que je ne sois pas plus triste ?…

– Oh… Non, ça ne me dérange pas… Ça m’étonne un peu, disons.

– Maman n’était pas très heureuse… Je sais que notre Déesse prend soin d’elle. Et moi je dois être fort. Qu’est-ce qui va se passer, maintenant ?

– Je ne sais pas… J’ai écrit au roi. Selon les lois, tu es le nouveau comte de Valgor, mais tu es un enfant et si tu retournes là-bas, je doute que ton oncle te laisse la moindre chance… Nous verrons quand le roi m’aura répondu. »

Adriel entra dans une grande tente d’où émanaient des odeurs délicieuses et reposa le petit garçon au sol.

« Viens manger, Maxiane… C’est le plus urgent. »

Maxiane s’assit à une des tables du lieu et Adriel lui apporta un bol de soupe. Pendant que l’enfant commençait à manger, il repartit pour ramener un jambon et du pain. Après en avoir coupé quelques tranches qu’il disposa sur une assiette, il s’assit face au garçon, au bord de la table. Au bout d’un moment et entre deux bouchées, Maxiane demanda :

« Seigneur Adriel ? Vous n’êtes pas vraiment un elfe, n’est-ce pas ? »

Adriel, surpris, sourit et haussa les sourcils.

« Comment sais-tu ça ?

– Vous êtes immense, vous avez les cheveux gris et les yeux très verts…

– Alors, je suis quoi, selon toi ?

– Un enfant né d’un elfe et d’un démon des bois…

– Et toi, tu as les jolis yeux rouges d’un démon des flammes… »

Maxiane sourit.

« Maman m’a dit que mon père était un grand démon très puissant et que je serais sûrement fort comme lui plus tard.

– Ça, je n’en doute pas. La vitesse à laquelle tu t’es remis le montre bien… »

Un elfe entra en courant :

« Seigneur Adriel ! Venez vite ! Le Comte Lethar est là !… »

Adriel fronça les sourcils et se leva.

« Surtout, ne bouge pas d’ici, Maxiane ! » dit-il en sortant rapidement.

Maxiane le regarda partir sans répondre.

Adriel suivit l’elfe jusqu’à l’entrée du campement, où Lethar, en armure et escorté d’une troupe en armes, se pavanait sur son beau cheval, fier d’arborer les armoiries de Valgor. Un soleil et un grand arbre foisonnant surmontaient un chien hurlant, sur fond noir. Lethar était un homme d’une trentaine d’années aux cheveux blond filasse autour d’un crâne déjà dégarni, un bouc ornant son visage anguleux et deux yeux gris et méprisants qui se posèrent sur Adriel avec dédain.

« Bienvenue, Lethar, qu’est-ce qui t’amène ? » demanda Adriel, pas le moins du monde impressionné.

Il trouvait ce déploiement de force ridicule. Qui Lethar croyait-il donc intimider ainsi ?…

« Salut, noble Adriel, répondit Lethar, son ton démentant à lui seul le respect que tentaient d’exprimer ses mots. Pardonne-moi pour cette visite impromptue, mais j’ai entendu de fort vilaines rumeurs sur mon compte et je voulais que nous nous expliquions.

– Et bien, parle, répondit avec désinvolture Adriel. De quoi s’agit-il ? »

Autour d’eux, les elfes s’approchaient, et même s’ils n’étaient pas agressifs, la plupart étaient armés. La manie de ces humains de se prendre pour une race supérieure et de toujours tout ramener à la violence leur était familière.

« On prétend que j’aurais orchestré la mort de ma bien-aimée sœur et que ses fils seraient en vie ici même… C’est une insulte que je ne peux tolérer ! La perte d’Issya m’a été très pénible et qu’on fantasme sur sa mort m’est insupportable !… »

Adriel eut un sourire :

« Je compatis pleinement à ton malheur et suis sûr qu’un frère qui a si vite incinéré sans le moindre témoin les cadavres de personnes qu’il aimait tant n’a absolument rien à se reprocher. »

Lethar grinça des dents, comme les elfes pouffaient autour de lui. Adriel continua avec le même calme, en croisant les bras :

« Maintenant, je ne suis pour rien dans ces rumeurs et si c’est là ton problème, je ne peux rien pour toi. Pour le reste, si tu as commis une quelconque faute, tu ferais bien de craindre effectivement de devoir un jour en payer le prix. 

– Comment oses… »

Lethar ne put ni finir sa phrase, ni dégainer son épée comme il l’aurait voulu. Une ombre noire avait en un éclair sauté derrière lui sur son cheval et tenait la lame d’un poignard fermement serrée contre sa gorge. Adriel sourit :

« Oh, mais j’y pense, Lethar, tu n’avais jamais eu le plaisir de rencontrer ma fille… Je te présente Salya, la plus redoutable dague du royaume… Le roi Rolane a lui-même plusieurs fois fait appel à ses services, tu sais ? Elle sait se glisser comme une ombre… »

Alors que les soldats du comte restaient pétrifiés, Adriel reprit avec un grand sourire :

« Navré de ne pouvoir t’aider davantage, cher voisin… Maintenant, je vous prierais de bien vouloir disposer, toi et tes soldats et de ne jamais revenir en armes ici sans mon accord le plus clair. Je suis sûr qu’Issya repose en paix… Ce qui n’est pas le cas des pleutres et des assassins. Méfie-toi du retour de flamme, Lethar. À semer de mauvaises graines, on ne sait jamais ce qu’on peut récolter. »

Caché derrière une tente, Maxiane regarda Salya sauter du cheval aussi rapidement qu’elle y était montée et son oncle et ses hommes partir lamentablement. L’enfant passa sa main sur la joue. Sa coupure, bien que pratiquement cicatrisée, le brûlait un peu. Pas de repos, pensa-t-il, avant que son sang ne coule à mes pieds.

*********

Comme chaque printemps, le grand camp des elfes d’Asnyar se désagrégeait lentement. Il ne resterait bientôt plus sur la plaine qu’Adriel et son clan, qui, eux, y demeuraient. Le seigneur d’Asnyar se devait d’être sédentaire, on pouvait venir le trouver à tout moment. Aussi restait-il au bord de la Forêt.

Chacun des dix-huit autres clans allait reprendre son chemin vers sa région de prédilection, où il errerait au gré des routes pour vendre les armes ainsi que les bijoux forgés et sertis durant l’hiver. Les elfes sylvains vivaient ainsi depuis toujours, du moins depuis aussi longtemps que remontait la mémoire des plus vieux d’entre eux. La longévité de ces êtres était connue, mais très variable. Les purs elfes vivaient environ cinq siècles. Métissés avec des humains, cent cinquante à deux cents ans si la magie ne s’en mêlait pas. Plus rares, métissés avec des démons-animaux, ils pouvaient vivre jusque six ou sept cents ans ; avec des démons-végétaux, plus d’un millénaire. Et les enfants nés de l’union d’un elfe et d’un élémentaire, ce qui était exceptionnel, étaient pratiquement éternels. Si les humains métissés avec ces diverses races obtenaient approximativement les mêmes durées de vie, ils étaient encore plus inhabituels.

Les elfes d’Asnyar étaient en effet des plus ouverts et tolérants et les métissages de toutes natures assez fréquents chez eux. Le cas le plus célèbre était d’ailleurs leur seigneur : Adriel était le fils d’un pur elfe et d’un démon-arbre millénaire, le plus impressionnant d’Asnyar. Il tenait de son père une grande beauté et un puissant charisme et de sa mère une longévité hors du commun et une taille plus qu’imposante. Si les humains et particulièrement leur noblesse faisaient très, ou trop, attention à la pureté de leur race et de leur famille, les elfes de la Forêt s’en moquaient pour leur part totalement.

Il y avait au nord du royaume un autre peuple d’elfes, autobaptisés « Hauts Elfes ». On les disait orgueilleux et doués en magie, mais ils vivaient complètement refermés sur eux-mêmes. On savait qu’ils adoraient Okité, le Seigneur de l’Ordre, le dieu de la loi. Son plus grand sanctuaire était sur leurs terres, mais y accéder relevait de l’impossible. Des rumeurs voulaient que le Grand Prêtre d’Ykara ait via les cultes des contacts avec eux. Après tout, Okité était l’un des trois enfants de la Grande Déesse. Les elfes sylvains n’avaient quant à eux pas de contacts avec le Domaine des Hauts Elfes de Kastani, dans les collines du nord-ouest d’Asnyar.

Les habitants de la Forêt vivaient en fait sans trop se soucier des autres races tant que celles-ci ne les malmenaient pas. Le fait était que les humains du royaume les aimaient plutôt bien. Cette amitié avait été officialisée deux siècles et demi auparavant, lorsque le père d’Adriel avait signé avec le roi d’alors les Accords de Katen, après que les elfes aient aidé les humains à repousser derrière les montagnes des hordes de trolls qui ravageaient le sud-ouest du royaume. Depuis, les elfes étaient intégrés au royaume, Asnyar était une seigneurie, certes à part, mais le Seigneur de la Grande Forêt avait en permanence une place au Conseil Royal et il était officiellement membre du conseil de guerre, deuxième après le général en chef (le prince héritier), qu’il se devait de remplacer en cas d’indisponibilité.

Les humains et les elfes partageaient également la vénération d’Ykara, la déesse du soleil. Si les seconds adoraient également les autres dieux du jour, les trois enfants de la Grande Déesse, leur foi allait principalement vers Seiki, Mère de la Vie et protectrice de ses créatures élues, même si des dernières devenaient rares. Elles étaient diverses : les démons-animaux, comme les sirènes, les griffons, les harpies, ou encore les races hybrides nées de l’union d’animaux bénis et d’humains, comme les démons-loups ou les démons-chats. Parmi les démons-végétaux, on trouvait les nymphes et les dryades des forêts ou les plantes bénies de la Déesse, souvent des arbres, comme la mère d’Adriel, particulièrement immenses et capables de prendre une forme humanoïde. Les élémentaires étaient aussi des créatures de Seiki, vivants à part. Si elles n’avaient rien contre s’unir aux autres races, ces unions étaient, on l’a dit, réellement exceptionnelles. Les élémentaires étaient des créatures discrètes, vivant parfois dans des lieux très isolés. Il était souvent bien plus facile de les invoquer lorsqu’on en avait le pouvoir que d’aller les chercher.

Les elfes rendaient aussi un culte plus discret, mais sincère, à Shin, le Dernier Guide, le dieu de la mort. De leur côté, les humains n’adoraient pratiquement plus qu’Ykara.

Le printemps était radieux.

Ce matin-là, Adriel se promenait dans le camp, saluant plus particulièrement ceux qui étaient sur le départ. Le grand elfe aux cheveux d’argent était serein. Il y avait bien un petit souci, mais rien de grave du haut de ses deux cent soixante-quatre ans. Ce serait de toute façon réglé dans la nuit… Surtout s’il trouvait celui qu’il cherchait.

Il l’avisa bientôt au bord du camp, à l’orée de la Forêt. Il n’était pas seul et en les observant, Adriel songea qu’ils avaient bien grandi.

Maxiane avait désormais dix-sept ans. C’était un garçon très beau, fin, mais à la force surprenante, aux cheveux toujours aussi bruns et ébouriffés, à la peau toujours aussi pâle, aux yeux toujours aussi rouges. Même s’il était d’un abord aimable et souriant, Maxiane n’avait pas de véritables amis et Adriel le savait tourmenté. Il sentait chez son jeune protégé une puissance redoutable et, même si Maxiane avait toujours refusé d’en parler, Adriel craignait qu’il ne mette ses pouvoirs au service de sa haine. En effet, le fait que le garçon, malgré ses capacités de guérison maintes fois prouvées, n’ait jamais fait disparaître la cicatrice sur sa joue, prouvait assez qu’il n’avait pas oublié l’assassinat de sa mère et plus encore, qu’il ne voulait pas l’oublier.

Un humain aurait vu un paisible jeune homme, Adriel voyait lui un semi-démon qui maîtrisait sûrement bien mieux le feu qu’il ne voulait bien le montrer, tant son aura pouvait être impressionnante, un garçon dont l’intérêt pour la magie noire l’inquiétait au plus haut point. Maxiane avait un talent rare, celui de pouvoir camoufler sa puissance à volonté. Mais les rares fois où son aura s’était vraiment déployée étaient restées gravées dans l’esprit de ceux qui en avaient été témoins. Et Adriel était persuadé qu’il ne l’avait jamais montrée totalement devant qui que ce soit.

Le grand elfe aux cheveux d’argent pensait à tout ça en regardant Maxiane soulever sans peine son petit frère à bout de bras et l’asseoir sur ses épaules, pour lui permettre d’accéder aux cerises qu’il convoitait. Yashen aurait huit ans à l’automne suivant et on devinait déjà qu’il serait mieux bâti que son frère. Il était brun comme lui, avec les mêmes yeux rouges, à la différence près que ses pupilles étaient rondes et pas fendues. Yashen était un garçon joyeux, avide d’apprendre, curieux de tout, rieur et très gentil. Lui jouait volontiers avec les autres enfants et avait des amis.

Maxiane porte seul leur malheur… songea Adriel.

« Il y en a beaucoup ! » s’écria Yashen, tendant ses bras vers les petits délices rouges qui pendaient autour de lui.

Maxiane sourit et le reposa au sol :

« Alors, va chercher un panier, ce sera mieux. Comme ça, nous pourrons en donner aux autres.

– D’accord ! » s’exclama Yashen, rayonnant, et il partit en courant et en riant.

Maxiane le regarda s’éloigner sans perdre son sourire et inclina la tête pour Adriel :

« Vous me cherchiez, Seigneur Adriel ?

– Je me demandais où tu étais… Nous allons faire une battue la nuit prochaine pour chasser le vampire qui sévit dans les environs, je me demandais si tu serais intéressé pour nous accompagner… Salya m’a dit que tu avais beaucoup progressé au sabre et à l’arc et ta maîtrise du feu est un atout qui nous serait utile. »

Adriel fut incapable de définir la lueur qui passa dans les yeux du garçon :

« Quoi comme vampire ?

– Un solitaire assez puissant et versé en nécromancie, d’après ceux qui ont survécu à sa faim…

– Hmmm… »

Adriel ne put pas plus définir le sourire qui passa sur ses lèvres et Maxiane répondit :

« Une proie de choix pour une partie de chasse.

– Ça ne sera pas un jeu, sois-en sûr.

– Je sais, ne craignez rien, répondit Maxiane avec un joyeux sourire. Vous pouvez compter sur mon sabre et mes flammes. »

Adriel repartit, curieusement mal à l’aise. Il ne fit guère attention à Yashen qui le salua joyeusement, revenant en courant avec un panier. Le petit garçon s’arrêta et tendit fièrement les bras pour le montrer à Maxiane :

« Regarde, Grand Frère, regarde comme il est grand ! »

Maxiane semblait ailleurs, perdu dans de lointaines pensées. Un peu déçu de ne pas provoquer de réaction, Yashen rebaissa les bras, fit la moue et couina :

« Grand Frère ? »

Maxiane sursauta comme au sortir d’un rêve et lui sourit :

« Excuse-moi, Yashen… »

Rassuré, Yashen sourit aussi et retendit le panier :

« Regarde ! »

Maxiane sourit encore :

« Parfait, nous allons pouvoir en donner à tout le monde… »

Maxiane fit remonter son frère sur ses épaules et le laissa remplir le panier de cerises, en mangeant tous deux au passage. Yashen prenait soin de choisir les fruits les plus mûrs et Maxiane eut un petit pincement au cœur, car si ce qu’il pensait se produisait, cet instant de bonheur serait probablement le dernier qu’il connaîtrait avec son petit frère.

*********

Adriel, Salya et la dizaine d’elfes qui les accompagnaient avançaient en silence dans les bois sombres. Il faisait nuit noire et même la pleine lune ne parvenait pas à percer l’épaisse canopée.

Ils savaient que le vampire était dans ce secteur peu habité de la Forêt, isolé du camp principal. D’autres, parmi lesquels se trouvait le jeune Maxiane, cherchaient un peu plus loin.

Ils progressaient lentement, sur leurs gardes, lorsque des cris d’alerte retentirent au loin, rapidement suivis de bruits d’armes, puis de hurlements de douleur et de râles.

Salya partit comme une flèche, sans que son père n’ait le temps de la retenir.

Le second groupe, qui comptait quelques cavaliers et fouillait à la bordure des arbres, tout près de la grande plaine, avait bel et bien croisé le vampire. Mais les chasseurs s’étaient retrouvé chassés avant même de le comprendre. Le vampire était beaucoup trop rapide et plusieurs étaient morts sans même le voir.

Maxiane s’était retrouvé violemment poussé derrière des buissons par un de ses aînés décidé à le protéger. Le garçon s’était étalé sans lâcher son sabre, qu’il tenait fermement dans sa main. Il marmonna un juron, puis se pétrifia lorsque le silence revint. Un silence de mort.

Il se redressa sur ses bras en essayant de maîtriser les tremblements de son corps, de camoufler son aura pour la rendre indiscernable, mais la peur le déconcentrait et elle se changea en panique lorsqu’il entendit un ricanement derrière lui.

Le cœur de Maxiane battait à s’en rompre, mais il savait qu’essayer de fuir était la dernière chose à faire. Il ferma les yeux un instant et inspira un grand coup. Il parvint à retrouver un certain calme et rouvrit les yeux. Le vampire approchait lentement, le pensant sans doute terrorisé et s’en délectant très probablement.

Maxiane serra les dents et se concentra, faisant naître deux boules de feu dans ses mains. Il n’avait nullement l’intention de tuer ce vampire, car, si Adriel le voulait en vie, lui-même le voulait intact. Il entendit le vampire s’arrêter, ayant vu la lueur des flammes. Maxiane eut un sourire en se relevant pour lui faire face.

« Bonsoir. » dit-il.

Le sourire de Maxiane s’élargit. Le petit mouvement de recul de sa proie ne lui avait pas échappé.

 

Le vampire était grand et fort, son torse nu comme ses bras couverts des tatouages noirs des nécromanciens, son crâne rasé et son visage anguleux. Ses yeux pâles regardaient Maxiane et ne furent pas longtemps incertains. Il sourit à son tour :

« Es-tu courageux… Ou inconscient ?

– Je ne veux pas ta mort, vampire. J’ai un marché à te proposer.

– Inconscient. »

Le vampire bondit sur lui en un battement de cils et Maxiane lança ses deux boules de feu sans parvenir à le toucher, mais son assaillant dut faire un écart pour les éviter et disparut dans les arbres. Maxiane jura et ne prit que le temps de ramasser son sabre resté au sol avant de se lancer à sa poursuite. Il lui fallait le pouvoir de ce vampire, il lui fallait stopper le temps, il vieillissait beaucoup trop vite pour pouvoir atteindre son but.

Maxiane courait, évitant les obstacles sans mal dans la nuit, concentré sur l’aura de ce vampire pour ne pas perdre sa trace.

Il fut rapidement hors des arbres et s’arrêta, essoufflé. La lune éclairait la plaine et il vit facilement celui qu’il poursuivait. Il allait s’élancer lorsqu’il eut la sensation désagréable que quelqu’un s’immisçait dans son esprit.

Tout devint flou autour de lui. Il pensa à un tour de passe-passe du vampire avant de se retourner vivement sur sa gauche. Une haute silhouette, cachée sous une cape sombre, sortit des ténèbres qui l’entouraient. Maxiane saisit vivement la garde de son sabre, prêt à dégainer. Il fronça les sourcils sans cesser de fixer l’inconnu qui leva les bras pour faire tomber sa capuche.

Maxiane sursauta, les yeux ronds, estomaqué. L’homme qui était devant lui était simplement d’une beauté ineffable, indescriptible. De longs cheveux noirs et ondulés encadraient un visage viril d’une finesse rare, d’une perfection incroyable, des lèvres rouges, un nez racé, de grands yeux noirs aux longs cils. Sa peau semblait sombre. Il émanait de lui une étrange impression de supériorité et d’orgueil. Le garçon sentait une puissance hors du commun, d’une nature totalement inconnue de lui. Il eut un instant l’idée curieuse que cet homme n’était pas de son monde…

Se reprenant, Maxiane resserra sa main sur son arme. L’homme sourit et déclara d’une voix envoûtante, avec un geste d’apaisement :

« Ne crains rien, je ne te veux aucun mal. »

Maxiane ne bougea pas, fronçant à nouveau les sourcils. Il sentait sans pouvoir l’expliquer que cette amabilité était fausse. Il demanda sèchement :

« Qui es-tu ?

– Je suis quelqu’un qui peut te donner toute la puissance que tu désires pour accomplir ce que tu veux. » répondit l’homme en lui tendant la main.

Maxiane haussa un sourcil, mais ne baissa pas sa garde. Il savait, du plus profond de lui-même, qu’il ne devait pas se lier à cet homme. Son sang même le repoussait et son esprit luttait pour sortir de cette illusion, mais il avait clairement affaire à forte partie.

« Par ma Déesse, songea Maxiane, qui est-il ? »

Il inspira et répliqua vivement :

« Je n’ai besoin de personne ! »

L’inconnu sursauta, visiblement surpris d’être si facilement rejeté :

« Maintenant LAISSE-MOI TRANQUILLE !!! » cria Maxiane en se concentrant pour briser l’emprise mentale.

L’illusion disparut en un éclair, le laissant à bout de souffle et sonné. Se redressant, il se retourna dans la direction du vampire… Qui était toujours à la même distance ?

Sans chercher à comprendre, Maxiane repartit à sa poursuite.

Loin, très loin de là, sur son trône d’obsidienne, l’homme rouvrit les yeux et sourit.

« Dommage… » murmura-t-il.

Il pencha la tête en arrière sans perdre son sourire : 

« Je vais devoir me contenter d’Isco, on dirait… »

Maxiane courait, rassemblant ce qui lui restait d’énergie mentale pour lancer une attaque de feu sur le vampire, qui l’immobiliserait et lui permettrait de le capturer. Mais ce dernier courait désespérément plus vite que lui…

Maxiane finit par s’arrêter, à bout de souffle. Il se pencha, appuyant ses mains sur ses cuisses, jurant, furieux de voir sa chance s’échapper.

« Maxiane ! »

L’interpellé sursauta et se redressa brusquement pour voir Salya, montée sur un des chevaux de ses défunts compagnons. Elle en tenait un autre par la bride et les stoppa près de lui.

« Vite, grimpe ! »

Le garçon ne se fit pas prier et enfourcha la monture. Ils repartirent immédiatement au triple galop.

« Concentre-toi, Maxiane ! Tu n’auras droit qu’à un essai ! » lui cria-t-elle en langue drow.

Maxiane hocha rapidement la tête et serra les lèvres. Il devait y arriver. Jamais il ne retrouverait une telle opportunité ! Il fixa la silhouette au loin et son regard se durcit. Il me le faut !

Malgré son endurance et sa rapidité, le vampire ne pouvait pas distancer longtemps deux chevaux lancés au galop.

Dès qu’elle fut à portée, Salya décocha quelques flèches. Elle ne voulait pas l’atteindre, mais le déporter un peu sur la gauche, du côté de Maxiane. Le garçon lança alors, de toutes les forces qu’il avait encore, une imposante traînée de feu. Elle glissa sur le sol, dépassa le vampire et l’encercla en quelques secondes, ne lui laissant aucune chance de fuir.

Salya et Maxiane stoppèrent leurs montures et le garçon resta courbé, au bord de l’évanouissement.

« Combien de temps vont durer tes flammes, Maxiane ? demanda Salya qui n’avait pas lâché son arc, toujours en langue drow.

– Un petit moment, j’espère… répondit le jeune homme en redressant faiblement la tête. Je ne sais pas encore faire naître un esprit de feu et le détacher complètement de moi…

– Ça va aller, Père ne va pas tarder. »

Salya surveillait les flammes sans abaisser son arc.

« Dis-moi, Maxiane… » 

Il releva le nez vers elle.

« … Tu te sens bien ? »

Il eut un petit sourire interrogatif.

« Pourquoi tu me demandes ça, Grande Sœur ?

– Fais attention.

– À quoi ?

– À ne pas oublier qui tu es. »

Maxiane fronça un sourcil, mais elle se retourna, car Adriel arrivait, suivi des elfes survivants. Elle ne vit pas le regard sombre que lui jeta Maxiane.

Adriel avait vu les flammes faiblir, il lança donc en premier lieu un sort pour soumettre le vampire à sa volonté et ce n’est que ça fait qu’il se hâta auprès de Salya et Maxiane.

« Vous allez bien, tous les deux ?

– Oui… répondit Salya. Maxiane est littéralement vidé, ajouta-t-elle en se tournant vers le garçon qui s’était recomposé un sourire en une seconde. Mais nous ne sommes pas blessés. »

Le grand elfe sourit, soulagé :

« J’en remercie les Dieux… »

Il vint près de Maxiane et tapota son bras :

« Félicitations, Maxiane ! Sans toi, nous n’y serions jamais arrivés !

– Tout le plaisir a été pour moi, seigneur Adriel, répondit aimablement le garçon. Il aurait été à mon déshonneur de ne pas tout donner pour capturer ce serviteur des Ténèbres… »

D’autant que maintenant, il y a fort peu de chance qu’il refuse mon offre…

C’est donc avec un vampire furieux, mais forcé à la passivité, que ce qui restait de la troupe était rentré au campement. L’aube pointait. Le vampire avait été enfermé dans une cahute de pierres qui le protégerait du soleil jusqu’à la nuit suivante, car il fallait l’interroger, savoir à quelle lignée il appartenait. Les vampires étaient divers. Parfois, ils tenaient plus du fauve assoiffé de sang, ou bien, surtout en ville, ils arrivaient à se fondre dans la population sans faire de vague, ou encore, comme dans ce cas-là, il pouvait s’agir de puissants adeptes de magie noire, voyageant sans attache précise. Ceux-là étaient parfois très âgés et les plus dangereux.

Les elfes allèrent se coucher, éreintés.

La journée était tranquille, ce n’est qu’en début d’après-midi que le petit Yashen se mit à courir dans tout le camp.

Au bout d’un moment, intrigués, plusieurs elfes s’approchèrent de lui et lui demandèrent ce qui se passait. L’enfant demanda alors innocemment :

« Est-ce que Grand Frère est rentré ? »

On lui répondit que Maxiane était bien rentré avec les autres, au petit matin, mais il dénia du chef :

« Oui, oui, mais après, il est reparti… Il m’a dit qu’il avait des choses à faire et que ce serait long… Et qu’il ne fallait pas que je m’inquiète… »

Soucieux, les elfes amenèrent alors Yashen voir Adriel, qui se réveillait à peine. Pendant ce temps, d’autres allèrent vérifier dans la tente que partageaient les deux frères et durent se rendre à l’évidence, non seulement Maxiane ne s’y trouvait pas, mais encore, la plupart de ses effets personnels avaient disparu. Mis au courant de tout ça, Adriel, très inquiet, assit Yashen près de lui sur son lit et l’interrogea plus précisément :

« Raconte-moi, ton frère est parti ce matin ? Que s’est-il passé ?

– Je dormais et il a fait du bruit alors ça m’a réveillé…

– Que faisait-il ?

– Il cherchait des choses et les mettait dans son sac de voyage… Je lui ai demandé ce qui arrivait, il a sursauté… Il est venu vers moi, il était embêté parce qu’il m’avait réveillé…

– Il t’a dit quelque chose ?

– Oui, il m’a dit qu’il devait partir… Qu’il y avait des choses qu’il devait faire depuis longtemps, et que ça allait lui prendre un moment… Qu’il m’aimait beaucoup et que c’était pour moi et que je ne devais pas m’inquiéter… »

Adriel grimaça, troublé. Il avait un très mauvais pressentiment. Il passa sa main sur sa bouche, réfléchissant. Autour d’eux, les elfes se regardaient, silencieux, alarmés aussi sans savoir, eux non plus, exactement pourquoi.

« Et tu n’as rien remarqué de spécial ? Il t’a paru normal ?

– Il m’a fait un bisou sur le front et m’a chanté une berceuse et je me suis rendormi…

– Rien d’autre, tu es sûr ? »

Yashen réfléchit un moment, les yeux levés vers le plafond, un index sur les lèvres.

« Si… Il sentait bizarre…

– Quoi donc ? insista Adriel en fronçant les sourcils.

– Comme du métal… »

Il y eut encore un long silence, avant qu’Adriel ne murmure :

« Dieux tous puissants… »

Il se leva d’un bond, manquant de faire tomber Yashen, qui le regarda sortir de sa tente en clignant des yeux, surpris. Ne portant que son manteau d’intérieur, mais indifférent à la fraîcheur ambiante, le grand elfe se précipita vers la cahute où était enfermé le vampire et y entra sans hésiter. L’injure qu’il poussa surprit tous ceux qui l’avaient suivi, mais seule Salya, qui s’était approchée en le voyant aller si vite, osa entrer à sa suite :

« Père ?…

– Nous sommes des idiots… »

Elle sursauta en découvrant, au sol, ce qui restait du vampire : une momie desséchée qui semblait avoir des siècles.

« Qu’est-ce que c’est que ça ?!

– Ce qui reste d’un vampire après qu’on l’ait vidé de son sang et de sa force de vie.

– Quoi ? s’écria Salya, stupéfaite. Mais qui a fait ça ?

– Maxiane, j’en ai peur… soupira Adriel, désolé. Viens, sortons. Nous le brûlerons cette nuit. »

Il passa son bras autour des épaules de sa fille et ils sortirent tous deux. Yashen courut vers eux. Adriel s’accroupit et le prit dans ses bras.

« Adriel, qu’est-ce qu’il y a ? demanda l’enfant. Où est Grand Frère ?

– Ton frère a choisi sa voie, Yashen. Il va sûrement rester loin de nous très, très longtemps. Je ne sais pas si c’est bien ou mal, s’il a raison ou tort… C’est ainsi, c’est tout. Puisse Ykara le garder… »

Yashen regarda Adriel avec une moue boudeuse, attristé. Il ne savait pas vraiment, du haut de ses sept ans, combien de temps ça pouvait être « très, très longtemps ». Mais c’était de toute façon beaucoup trop. Adriel sourit tristement et le serra plus fort :

« Ce n’est pas ta faute, Yashen. Allons, ne t’en fais pas. Il te l’a dit, il t’aime très fort. Alors, il reviendra. »

 

_____________________________________________________________________________________________________


Le projet visait à faire de cette histoire un roman illustré. Je remercie Tommy Fraisse de m’avoir accompagnée sur le 1er tome. Ses dessins me plaisent beaucoup et je ne peux que regretter que, pris par sa vie professionnelle, il ne puisse poursuivre avec moi cette aventure sur les tomes suivants. Du coup c’est moi qui vais m’y coller… Y a du boulot !

Voici cependant quelques-unes des illustrations :

Ceci est la couverture provisoire.

 

Premières esquises de Maxiane
Premières esquisses de Bylonn

 


Esquisse de Maxiane et petit craquage

 

Merci Tommy pour ton travail et au delà de ça, les très bons moments que nous avons passés ensemble.

 

Petit craquage lors d’un voyage en Irlande ^^’

 

 

(49 commentaires)

  1. Alors comme je t’en ai déjà parlé en long en large et en travers de vive voix, sur skype, par mail, etc, je ne vais pas m’éterniser ici ^^

    Juste un résumé : super histoire, supers persos, super style d’écriture !

    Ma conclusion : vivement la suite ^^

  2. Bonjour, je viens de finir votre livre : le chant des drown. J’ai adoré votre univers, quelle imagination. Une fois commencé je n’ai pas pu le lâcher. J’ai vraiment hâte de retrouver tous les personnages [Intervention de Ninou : Désolée, pas de spoil ici] LOL A bientôt

    PS : la suite est pour bientôt ?

    Merci pour cette excellente lecture

    1. @dubois fabienne : Bonjour et merci,

      Navrée d’avoir dû modifier votre message, mais pas de spoil ici. ^^

      Pour répondre à la question cela dit : Oui, bien sûr que ça va se jouer comme ça… :p Pas d’inquiétude.

      Merci beaucoup et la suite euh, ben work in progress… Mais la vraie vie me met un peu trop de bâtons dans les roues pour avancer sereinement, là, donc aucune date pour le moment.

      N’hésitez pas à lire ce qu’il y a ici pour patienter :).

      A bientôt !

  3. Ouah j’ai vraiment été charmé par ton livre (du moins par l’extrait) à tel point que j’ai bien envie d’acheter le roman 🙂
    Du coup, je me suis mis à chercher des infos, à droite à gauche, mais il me reste quelques questions ^^
    Notamment par rapport au “roman illustré”: c’est à dire? on a une image tous les chapitres ou alors c’est 1 image toute les 2 pages ?
    La version Epub/pdf m’intéressait beaucoup, vu que j’ai une liseuse, est-ce le fait de ne pas avoir les illustrations gène la lecture de l’histoire?
    Voilà voilà, en tous cas merci pour ton extrait, vraiment très pro <3

    1. @Nata : Merci beaucoup tout d’abord ^^ !
      Ensuite pour te répondre : les illustrations sont réparties assez inégalement dans le tome 1, il y en a surtout au début, c’est une longue histoire… Dans le tome 2, elles sont plus régulières à un passage près où plusieurs se suivent. Les illustrations ne sont là que pour illustrer le texte (oui je sais dit comme ça, ça fait très bête) et leur absence ne freine ou ne gêne en rien la lecture du texte seul.
      Merci encore ^^ !

  4. coucou, rah lala, un jour tu crois qu’on réussira à se croiser de nouveau!? mdr, pour mon compte msn oui j’avais remarqué, du coup la semaine derniere j’ai tout refait, normalement tu doit être tranquille maintenant, si jamais ça recommence, fait moi signe stp^^ j’espère que tout va bien pour toi biz à bientot!!! (enfin j’espère quand meme au bout d’un moment!!)

    1. @Tommy : Ben écoute qui sait, un jour pitètre ^^’ ! Ouais oauis ben ça va, le tome 2 est relancé là, je crois que j’aurais pas trop de l’été ^^’ ! A très bientôt j’espère ausi surement peut-être… :p !

  5. Roman reçu ce matin et déjà dévoré; Le bouquin est superbe, l’équilibre dessin/roman est pas mal. Quant à l’histoire… je bave en attendant la suite. A quand la sortie du tome 2 ?

    1. @Amakay : Que ça fait plaisir de trouver un message comme ça en rentrant de soirée ^^ ! Sortie du tome 2 prévue à l’automne prochain… Merci bicoup !!!

  6. Coucou^^ je passais par là donc j’en profite pour m’arrêter quelques instant histoire de dire bonjour, à ce que je vois le romans reçois de bonnes critiques, c’est vraiment génial! continue comme ça miss, et à tres bientot peut etre, biz à toute 🙂

    1. @Tommy : Tiens salut ! Merci ^^ ! Plaiz’ d’avoir un signe de vie de temps en temps ! Rien à voir et tu dois le savoir mais ton compte msn a été piratée… Gros bizoux !

  7. Salut ma belle,

    Comme j’ai beaucoup aimé cet extrait (comme tout ton travail d’ailleurs) je me suis fais un petit plaisir en commandant ton livre. J’espère que la suite sera aussi bien que ce que j’ai lu mais je ne m’inquiète pas trop, je commence à bien connaître ton talent.

    Bravo !!

  8. Bonsoir !

    Une amie a fait tourné ce site en me disant que l’histoire ” les chant des drows” me plairait surement, et en effet le sujet à l’air pas mal ! (bon d’accord, je n’ai lu que le résumé)…
    J’aimerai savoir si on peut trouver cette histoire dans le commerce ou non, car je ne fais pas confiance à internet pour payer (ce n’est pas toujours fiable).

    Merci de répondre sur mon site,
    Cordialement,
    Naomi

  9. o vouiiiiiii moi aussi j’ai aimé le 1er!!
    D’ailleur à la fin…c’est cruelle de ta part de nous faire ça!! SNIIIIIF

    Mais bon t’as d’la chance que je t’aime bien :p

  10. Bonsoir, je viens de lire ce roman hier (une amie me l’avait passée car apparemment c’était dans le style que j’aimais bien (elle non)…) et résultat, j’ai vraiment bien accroché ^^
    Bon j’avoue, au début, vu la vitesse que ça allait, j’me disais ‘woh ça va vite’ mais en fait non, quand on lit la suite… xD
    Donc ce premier tome était vraiment une réussite et je pense sincèrement à l’acheter du coup (pareil pour la suite) ^^ Ah la la, hâte de lire le tome 2 à la fac x)

    1. @Fanfreluche : MDR ! Je ne peux pas trop t’encourager à lire mon roman à la fac mais d’un autre côté comment t’en vouloir d’un message si gentil ! :3
      Merci beaucoup, contente que ça t’ait plu, la suite en 2012 ! 🙂

  11. Perso, je te conseille de le mettre sur The Book Edition, c’est là que je suis moi (pour le même genre de livre), je faisait avec Lulu aussi, mais je me suis rendu compte que la qualité des pages est bien meilleur sur the book edition, et qui plus est, c’est basé en France. Bref, regarde un peu, tu peux aussi mettre sur les deux, tu aura plus de vente de cette façon!

    1. Bonjour,
      Je connais The Book Edition, si j’ai choisi Lulu c’est parce que c’est le site qui me proposait les prix les plus bas. Personnellement, la qualité me va, en tout cas pour le moment. Je ne veux pas vendre mon livre plus cher.

  12. J’ai reçu mon exemplaire hier, livraison assez rapide… Purée qu’il est booooooooo ce livre. J’adore vraiment la couverture !! Aller reste à le lire maintenant 😉

  13. Coucou, hier soir j’ai oublié de te remercier de la rapidité de ta réponse >.< suis vraiment tête en l'air quand je m'y met, donc merci d'avoir répondu si rapidement ^^.
    Je l'ai entamé, ça me plait déjà beaucoup, alors je pense qu'il en sera de même pour la suite ;D !
    Bonne soirée à toi !

    1. @Ayyanami : Oh ben de rien j’étais par là… Je réponds souvent direct quand je vois les commentaires… Et sinon ben contente que ça te plaise ! ^^

  14. De rien, une histoire qui mêle héroic fantasy et boy’s love, c’est typiquement ce que j’aime, de plus, tu m’es très sympathique, alors je ne vois pas pourquoi je ne l’aurais pas acheté ^^ ! D’accord, merci de l’info, ça m’évite de continuer vainement à chercher un lien “confirmer la réception de votre commande” x)

  15. J’ai reçu le mien aujourd’hui *a eu la bonne surprise de le voir en rentrant de cours*, je sais quoi lire ce soir ^^ !
    Juste une petite question : sur lulu.com, il n’y a pas besoin de confirmer la réception ? *trop habituée à ebay xP*

    1. @Ayyanami : Ça me touche beaucoup que tu l’aies acheté, merci ! *_*… Non, non, pas moyen de confirmer, eux ils envoient, c’est tout.

  16. Hello miss! félicitation, désolé de faire le mort depuis quelques temps mais le magasin me bouffe completement en ce moment, j’espère que le romans aura le succès mérité, je ne desespère pas de retrouver suffisement de temps pour ma vie sociale pour t’aider à nouveau sur les illustrations^^ un jour qui sait!

    bonne continuation et à tres bientot j’espère!

    ps : merci pour les compliments sur les dessins^^

    1. @Tommy : IL EST VIVAAAAAAAAANT !!!!!!!
      Salut salut, ah ça me fait trop plaisir de te croiser là toi !!!
      Je t’en veux pas, pas de soucis, et de rien pour les compliments, je les trouve plus que mérités ^^ et suis pas la seule !
      Pour ce qui est de la suite… Déjà si tu trouves le temps de me faire les couv’, ça serait sympa. On en reparlera en temps et en heure !
      Bon courage à toi et gros bizoux !!!

    1. @SnnowW : Ben pas tout de suite, mais si t’es sage tu feras partie de mes bêtalecteurs ! ^^
      Contente que ça t’ait plu, si t’as plus de remarques, envoie-moi un mail ça sera plus simple ! Bizoux !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.